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Depuis le conflit à Gaza, Pékin confirme son nationalisme antioccidental

Le 8 janvier 2024, le politologue britannique Mark Leonard, 50 ans, Directeur du Centre de recherche « European Council on Foreign Relations » analysait dans Foreign Policy l’actuelle manœuvre chinoise qui tire profit de la guerre menée par Israël contre le Hamas pour, dans sa rivalité avec Washington, rallier les appuis du « sud global ».

La manœuvre pragmatique, opportuniste et réactive part du constat simple que dans la majorité des pays du Sud et des BRICS, élargis lors du sommet de Johannesburg de la fin août 2023 (lire : Les BRICS à Johannesburg, symbole de la contestation de l’Amérique et de l’Occident) l’image d’Israël et de ses alliés occidentaux est en sévère perte d’influence, accablée par les critiques des cabales anticoloniales.

Sans attendre, Pékin a dès le lendemain du massacre-pogrom de la « rave partie » du 7 octobre, entrepris d’exploiter la situation pour, contredisant ses longues relations avec Israël [1], prendre le parti de la « Rue arabe » et lancer une campagne accusant Washington de « double standard ».

L’épine dorsale du discours qui prend soin de ne jamais mentionner la barbarie inhumaine du massacre du 7 octobre, fustige le silence de Washington face aux destructions et aux dommages collatéraux civils sans mesure provoqués par Tsahal dans Gaza, alors qu’il dénonce clairement la destruction au lance-roquettes multiples de l’Ukraine par Moscou.

Le 8 octobre, s’abstenant de dénoncer le massacre perpétré par le Hamas au cours duquel quatre ressortissants chinois furent tués, le Waijiaobu publiait une déclaration convenue appelant à un cessez-le-feu et approuvant « la solution à deux États. »

Contrairement à Washington, il est facile pour Pékin d’adopter la posture du médiateur. La Chine n’est en effet pas empêtrée dans la contradiction américaine d’avoir en même temps à soutenir Tel Aviv, son allié de toujours et à faire pression pour qu’il épargne les civils à Gaza tout en exigeant qu’il se montre plus ouvert à un règlement politique avec les Palestiniens.

En d’autres termes, refusant de condamner le Hamas, appelant à une improbable solution à deux États [2], tout en déployant de très symboliques efforts de pure posture pour soutenir un cessez-le-feu, la Chine profite de la vague globale de réprobations anti-israéliennes pour rehausser son influence dans le monde non occidental essentiellement en Afrique et au Moyen Orient.

Mark Leonard rajoute ce qu’il estime être une intention insidieuse et anti-occidentale de Pékin : « Dans ses efforts minutieux pour refléter le plus fidèlement possible l’opinion publique mondiale, la Chine suit une stratégie plus large : tirer profit de toutes les crises globales qui alarment les décideurs politiques occidentaux. »

Note(s) :

[1Relations Chine-Israël.

En 1950, deux années après la déclaration de Ben Gourion, Israël fut, 21 ans avant l’ONU et 14 ans avant Paris, le premier pays du Moyen-Orient à reconnaître, comme seul gouvernement de la Chine, la République Populaire de Chine établie en 1949. En revanche, le Parti communiste chinois, constatant que Tel Aviv était aligné avec le bloc occidental, attendit la fin de la guerre froide et la dissolution de l’URSS pour briser la glace.

Depuis 1992, année de l’établissement des relations officielles, Tel Aviv et Pékin ont développé des liens économiques, militaires et technologiques toujours plus étroits. Avec un commerce bilatéral passé en trente ans de 50 millions de $ en 1992 à 18 Mds en 2021, avec une augmentation de 80% - de 10 à 18 Mds - au cours des dix dernières années, les relations se sont développées dans les secteurs des investissements, de la technologie et des sciences, des infrastructures et de la construction, de la logistique, du tourisme et de l’éducation.

Pour autant, au moins trois facteurs limitent la croissance des relations bilatérales : la politique étrangère de Pékin dans la région et ses liens avec les ennemis d’Israël, notamment l’Iran ; les préoccupations sécuritaires de Tel Aviv concernant certains transferts de technologies sensibles vers la Chine et les pressions américaines visant à freiner l’extension des liens entre Pékin et Tel Aviv.

Après l’attaque du Hamas contre Israël le 7octobre, Pékin est d’abord resté muet, avant de mentionner l’événement le lendemain dans une conférence de presse de routine du Waijiaobu, sur un mode dont le prosaïsme stéréotypé à choqué Tel Aviv.

Le porte-parole qui s’est abstenu de mentionner la barbarie du massacre exprimait sa « profonde inquiétude », et appelait « les parties concernées à rester calmes, à faire preuve de retenue et à mettre immédiatement fin aux hostilités ». En même temps, il déplorait « l’arrêt prolongé du processus de paix » dans lequel Pékin ne s’est en réalité jamais directement investi.

[2La difficulté de la solution « à deux États » est inscrite dans la contradiction de la création, en 1948, de l’État d’Israël dans une région où les Juifs, rejetés par les Arabes, ne sont pas les bienvenus, mais se réclament de « l’antériorité biblique de la “Parole de Dieu” ».

Non seulement « Yahweh » a « promis à son peuple la ville de Jérusalem et “la terre de Canaan” (Région comprise entre la Méditerranée et le Jourdain), mais il a également « fait le serment de l’y ramener quand il sera exilé en expiation de ses fautes. » (lire la synthèse : « Jérusalem, trois mille ans d’histoire », parue dans Valeurs actuelle, le 29 décembre 2012. Pour mesurer le poids rémanent des religions dans la région, regarder aussi : Jerusalem, 3000 ans d’histoire - documentaire.

Alors que l’État d’Israël dont la politique dominée par l’exigence de sécurité cherche une homogénéité territoriale entre le Jourdain et la mer, « l’identité palestinienne » s’est affirmée progressivement depuis le milieu du XXe siècle comme une « Nation sans État » de « peuples de la mer », aux origines mêlées grecques, anatoliennes et chypriotes.

Occupant historiquement le territoire de Judée et revendiquant la même terre que les Juifs baptisée « Palestine » par l’Empereur Hadrien, dérivée du nom Égyptien « Peleset ». Heurtant l’exigence sécuritaire de continuité territoriale des Juifs, les enclaves palestiniennes de Gaza et de Cisjordanie séparées de 50 km, résultat d’un plan de partage territorial en « patchwork » sont les ferments d’insolubles conflits territoriaux et ethniques.

Enflammés par la rémanence religieuse, les effets de cette fabrication contradictoire se sont manifestés dès la création de l’État d’Israël par la guerre israélo-arabe de 1948-1949 et la « Nakba » - « catastrophe » en arabe - qui désigne l’exode de 700 000 Palestiniens. Aujourd’hui, au-delà des bonnes paroles diplomatiques, on constate dans les faits les symptômes de la nature irréaliste du partage territorial dont les Juifs et les Palestiniens les plus radicaux comme les héritiers de l’OLP Hamas ne veulent pas.

Alors qu’au parlement israélien le parti travailliste, force motrice des « accords d’Oslo » est devenu insignifiant, le nombre des députés de droite augmenté de la mouvance ultraorthodoxe juive est, entre 1992 et 2022, passé de 59 à 82 (lire : Israël- Palestine : la solution à deux États est-elle de nouveau à l’ordre du jour ?).

Depuis 1970, le nombre de colons israéliens installés en Cisjordanie à explosé de 1500 à 465 400. Depuis les accords d’Oslo, il a quadruplé, porté par les ultraorthodoxes qui eux aussi sont hostiles à la solution des deux États : Cinquante ans d’occupation illégale en Cisjordanie : comment la colonisation n’a cessé de s’étendre


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