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›› Politique intérieure

Du risque d’instrumentaliser la lutte contre l’épidémie à des fins politiques

La chambre de commerce de l’UE sonne l’alarme.

Mise en ligne le 28 avril sur le média suisse « The Market », la charge implacable du Président allemand de la Chambre de commerce européenne expliquait que, prisonnier de sa propre narration d’éradication définitive du virus, le régime mettait le pays dans une impasse.

« Au cours des deux dernières années, la direction du parti a affirmé que la Chine avait bien mieux géré la pandémie que l’Occident décadent. Aujourd’hui, ce récit lui explose au visage. Alors que la population a vraiment peur du virus, toute personne testée positif, est, comme un condamné, emmenée de force vers un camp d’isolement collectif où elle est contrainte de rester confinée avec des milliers d’autres personnes. » Dans ce contexte, Wuttke estime que Xi Jinping, en quête d’un troisième mandat au 20e Congrès, et initiateur de ce choix qui a fondé sa crédibilité politique pendant la pandémie, ne reculera pas.

Selon lui, les conséquences de la secousse ne commenceront à se voir en Europe qu’à l’été quand manqueront les équipements et les composants électroniques, les pièces détachées, et les principes actifs des médicaments. Les pénuries affecteront les chaînes d’approvisionnement mondiales, tandis qu’à terme nombre d’entreprises réfléchiront à déplacer ailleurs leurs centres de production.

Plus généralement, dit-il, la Chine est en train de perdre sa crédibilité comme meilleure source de production de la planète. Lui-même nuance cependant son propos. « Les entreprises étrangères ne font pas leurs valises et ne quittent pas la Chine, mais elles envisagent de transférer une partie de leurs investissements vers d’autres pays. ».

Un risque géostratégique.

Une partie de l’interview évoque la proximité de Pékin avec la Russie et les conséquences pour la Chine dans le cadre de la guerre en Ukraine, notamment à propos du parallèle souvent fait avec la relation entre le Continent et Taïwan. Quand, dit Wuttke, Pékin « adopte dans le Détroit la même rhétorique agressive que Moscou, les investisseurs prennent peur et mettent leurs projets en attente. »

Le régime a compris le risque. Alors qu’entre la Chine et les États-Unis règne une ambiance de sanctions et de contre-sanctions, à Pékin, la direction politique qui, pour l’heure, constate une cohésion unanime de l’Occident contre Moscou, n’a pas oublié comment Donald Trump a mis à genoux Huawei dont les projets 5G ont été en partie torpillés et dont la branche des téléphones portables n’a, à ce jour, pas encore tout à fait encaissé le choc.

Du coup, au plus haut niveau, Pékin veille à respecter scrupuleusement les sanctions contre Moscou. Wuttke, dont il faut souligner la longue expérience en Chine courant depuis un quart de siècle, cite des banques chinoises qui, inquiètes des représailles, ont refusé d’acheter les listes de clients russes proposées par des banques européennes.

Enfin, l’analyse s’attarde sur la dévaluation en cours de la monnaie chinoise qui, le 29 avril avait atteint son cours le plus bas en dix-huit mois, après une baisse de 4,5% en avril. Du coup, après la hausse des taux d’intérêts aux États-Unis, Pékin s’efforce d’endiguer une fuite des capitaux due, non pas à une manipulation du change par Pékin, mais à la perte de confiance des investisseurs.

Depuis 2015, la masse des investissements étrangers, dont il faut noter qu’elle est toujours considérable, a cependant baissé de 20%, passant de 1500 Mds à 1200 Mds de $. En avril, la bourse chinoise a perdu 6%, en dépit des efforts de relance de la Banque Centrale qui a réduit les contraintes du crédit.

Selon Standard Chartered, le risque est que les sorties de capitaux dont la plupart sont le fait des étrangers, donc plus difficilement contrôlables, continuent à tirer la devise vers le bas qui pourrait tomber à 6,7 RMB pour un $ en juin (elle était à 6,64, le 6 mai, soit une chute voisine de 5% uniquement en avril). Pour la Banque Centrale, la dépréciation est importante si on songe que, depuis l’été 2005, quand Pékin avait décidé de laisser flotter sa monnaie, la fluctuation est strictement contrôlée.

Les investisseurs chinois qui constatent que les dédouanements sont au point mort et la logistique fortement perturbée, sont tout autant inquiets que la banque centrale. Pour Xia Chun, économiste chez le gestionnaire de patrimoine chinois Yintech, basé à Pudong, Shanghai, « le défi de la Chine est maintenant de persuader l’argent mondial à long terme de rester. Une fois que ces investisseurs décident de partir, ils ne reviennent pas facilement ».

Pour revenir à l’essentiel qui, ajouté à l’instrumentalisation en politique intérieure de la lutte contre l’épidémie, intègre aussi les tensions entre les Occidentaux et la Russie, force est de constater que des risques géopolitiques pèsent sur l’économie chinoise, déjà en phase de freinage.

Pour autant, concluant sa violente diatribe, Joerg Wuttke tient à diffuser une note optimiste. De sa longue expérience de la Chine, il retient que quand la situation est au plus mal, la bureaucratie prend le pas sur l’idéologie pour redresser les errements. « Peut-être y aura-t-il une refonte lorsque l’économie nationale touchera le fond ; peut-être l’appareil se rendra t-il compte que les entreprises étrangères et leurs investissements sont indispensables. Peut-être le Parti acceptera-t-il d’ouvrir à nouveau plus largement les portes du pays ».

Sa dernière phrase reste cependant une sévère critique de Xi Jinping. « Mais aujourd’hui, bien sûr, nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, la Chine ne sort pas de l’impasse dans laquelle le président a enfermé le pays. »


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