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›› Editorial

En Asie Pacifique les tensions sino-américaines sont montées d’un cran

Le dernier n° du magazine Challenge datant du 22 novembre titrait : « Chine, l’empire attaque. » En couverture, les 7 membres du Comité permanent du bureau politique prêtant serment en octobre dernier après leur désignation par le 19e Congrès. Poing droit levé, derrière Xi Jinping, la tête du système politique chinois chantant l’hymne national diffusait une impression de détermination inflexible.

A l’intérieur du journal, le dossier traitant des Nouvelles routes de la soie, de l’ampleur des projets chinois en Afrique, des avancées technologiques dans le nucléaire et des voitures électriques, à quoi s’ajoute la montée en puissance de la marine chinoise, se termine par un article intitulé « Comment ils nous espionnent ? », le tout créant le sentiment d’une invasion menaçante que QC s’applique depuis de longs mois à mettre en perspective. (Voir les articles traitant de ses sujets dans les archives du site.)

Non pas que la puissance montante de la Chine s’affirmant au nom des références particulières des « caractéristiques chinoises » soit un sujet anodin. Elle est un souci et pourrait devenir une menace de plus en plus directe contre l’équilibre déjà fragilisé des systèmes démocratiques. Il reste que les stratégies chinoises sont transparentes et facilement identifiables.

Pour peu qu’on abandonne les approches biaisées et naïves et que, comme la Chine exprimant sans complexe les siennes, les démocraties qui doivent se rénover, acceptent d’affirmer leurs valeurs démocratiques, incomparables instruments de légitimation des pouvoirs politiques. A ces conditions, il devrait être possible de coopérer sans heurts et chacun selon ses convictions, avec la formidable énergie chinoise.

Pour être complet le travail de « Challenge » aurait gagné à sortir de l’hexagone et même d’Europe pour examiner la situation en Asie Pacifique où montent les vrais tensions. Dans ce cas, le titre du dossier, d’autant plus pertinent en France qu’il aurait renvoyé à la question de Nouméa, territoire du Pacifique ciblé par les « Nouvelles routes de la Soie » chinoises aurait, pu être « L’Empire attaque, Washington se crispe et l’Asie s’inquiète ».

Car c’est bien à 11 000 km à l’est, du côté de Singapour, Pékin, Tokyo, Hanoï et Manille que, pour l’instant, se joue la bataille des influences prenant en otage l’Asie du Sud-est, inconfortablement tiraillée entre Washington et Pékin.

Inquiétude à Singapour.
Impavide, Xi Jinping visite Manille

Il y a un peu plus d’une semaine, lors du 21e sommet à 13 dit ASEAN + 3 (Chine, Japon, Corée du sud), Lee Hsien Loong, le premier ministre de Singapour qui accueillait la réunion, prévenait que ses collègues de l’ASEAN pris entre les feux des rivalités sino-américaines s’inquiétaient d’avoir à choisir entre Washington et Pékin.

En même temps, Mike Pence, le vice-président américain invité au sommet, ciblant sans le dire la puissance invasive de la Chine omniprésente dans la zone sur les talons des États-Unis et du Japon, prévenait que Washington se sentait toujours légitime dans la région.

Il ajoutait qu’il condamnait l’impérialisme de Pékin qui ne respectait ni ses voisins ni le droit international.

Pour faire bonne mesure, au même moment, Washington projetait 2 groupes de porte-avions en mer des Philippines quelques jours seulement avant la visite de deux jours à Manille du président Xi Jinping, les 19 et 20 novembre. Premier passage en 13 ans d’un président chinois dans l’archipel, le plus ancien allié de Washington en Asie du Sud-est, l’événement fut directement placé au cœur des controverses sur la nature et les risques antidémocratiques des stratégies chinoises.

Celles-ci sont toujours articulées aux promesses de 24 Mds de $ par Xi Jinping à Duterte lors de son passage à Pékin, il y a deux ans, mais dont la réalisation tardant à venir soulève des critiques à Manille. Il reste que les projets envisagés en coopération avec la Chine, pour la plupart liés à l’aménagement du territoire, ont un sens. Parmi eux, le désenclavement – à 780 millions de $ - des îles du sud-est de l’archipel, patrie de Duterte, dont un premier projet, jugé non viable, avait été annulé en 2017.

Acceptés par Manille en dépit des mises en garde de Washington qui argumente sur le « piège chinois de la dette », les projets au nombre de 29 vertement critiqués par l’opposition pour leur absence de transparence, comportent aussi un accord cadre sensible pour l’exploration conjointe des ressources d’hydrocarbures dans la ZEE philippine. Lire : Mer de Chine du sud. La carte sauvage des hydrocarbures. Le dilemme de Duterte.

L’autre pays de l’ASEAN, encore plus clairement sous influence chinoise, récemment entré la vigilance stratégique de Washington est le Cambodge. La raison de cette soudaine attention américaine est le bruit selon lequel Pékin aurait entrepris d’y construire une base militaire.

A l’œuvre depuis plusieurs années dans la région de Koh-Kong, l’emprise chinoise pour l’instant officiellement un projet touristique, comporte déjà un centre de stockage de données et constitue un relais de câbles sous-marins reliant Hong Kong au Cambodge, à la Thaïlande et à la Malaisie. Lire : Dans le sillage scabreux des routes de la soie.

A Singapour, Li Keqiang, n°2 du régime chercha à rassurer l’ASEAN en promettant de contribuer à finaliser le « code de conduite » en mer de Chine, serpent de mer en gestation depuis plus de dix années auquel Pékin a, malgré ses bonnes paroles, toujours fait obstacle.

Exprimant un contraste avec le raidissement commercial de la Maison Blanche, le 1er ministre chinois a aussi milité pour la signature de l’accord de libre-échange régional (en Anglais Regional Comprehensive Economic Partnership – RCEP -) entre les 10 pays de l’ASEAN et les six autres pays du Pacifique ayant déjà signé des accords bilatéraux avec les membres de l’ASEAN (Australie, Chine, Inde, Japon, Corée du sud, Nouvelle-Zélande).

Manille et Phnom-Penh dans l’orbite de Pékin.

Le meilleur exemple des tiraillements d’allégeance en cours, obligeant les pays de l’ASEAN au grand écart entre Washington et Pékin sont les flottements stratégiques du président philippin Rodrigo Duterte. Lire : Mer de Chine et ASEAN, enjeux de la rivalité entre la Chine et les États-Unis.

Sous la pression de son opinion publique agacée par les intrusions chinoises, sa bienveillance initiale à l’égard de la Chine flotte. Le 28 mai dernier, lors d’une cérémonie au ministère des Affaires étrangères, le Ministre des Affaires étrangères Peter Cayetano, répondant aux reproches d’une trop grande connivence de Manille avec la Chine, a affirmé que le président Duterte irait en guerre si Pékin franchissait la ligne rouge de s’approprier unilatéralement les réserves d’hydrocarbures de la mer de Chine du sud.

Il a cependant tempéré son discours anti-chinois en accusant, sans la nommer, la marine américaine de conduire des patrouilles avec ses navires de guerre, installant, elle aussi, une forme de militarisation de la Mer de Chine du sud. Durant le sommet de Singapour, 4 jours avant la visite dans son pays de Xi Jinping, il a lancé à la cantonade « La Chine est là. C’est une réalité. Une augmentation des activités de l’US Navy induira un accroissement homothétique de la présence militaire chinoise. Peu m’importe que les deux se fassent la guerre, sauf que les Philippines qui sont dans les parages immédiats des îlots, seront les premières à en souffrir ».

A la conclusion du sommet, Lee Hsien Loong exprimait une préoccupation rejoignant celle du magazine Challenge : « L’impact de la Chine sur le reste du monde est considérable. Pékin devra de plus en plus en tenir compte dans ses stratégies par lesquelles elle se présente toujours comme un “pays en développement“ ». Soucieux de ménager Pékin sans offenser Washington, il ajoutait cependant que la région allait devoir aussi s’adapter à la « nouvelle approche américaine de la région exigeant une “réciprocité de bonne foi“ la part de la Chine ».

Mais les plus fortes tensions ont surgi au sommet de l’APEC, le 18 novembre à Port Moresby, en Papouasie Nouvelle Guinée. Alors que l’exercice avait jusqu’à présent servi d’émollient à la relation entre les deux rives du Pacifique et entre Pékin et Washington, cette fois, en l’absence de Trump représenté par Mike Pence qui depuis le début octobre tire sans nuances à boulets rouges sur la Chine (lire : 1er octobre, une fête nationale sous forte tension stratégique.), le sommet a pour la première fois de son histoire vieille de 30 ans, manqué de produire un communiqué commun.


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