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Entre l’Inde et la Chine la fureur a baissé d’un cran. Mais la défiance demeure

Huit mois après les affrontements meurtriers de la nuit eu 15 au 26 juin 2020, les troupes chinoises, surveillées par des drones militaires indiens ont abandonné leurs positions et détruit au bulldozer les structures bétonnées de leur camp retranché. Simultanément New-Delhi a accepté d’assouplir les contrôles qui avaient été imposés aux investissements chinois durant la crise. Mais le fond des méfiances demeure.


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Dans l’Himalaya, sur les hauteurs du Ladakh, la tension a baissé entre l’Inde et la Chine.

Au milieu des pires échauffourées survenues entre les deux pays depuis 1962 (lire : Chine - Inde, l’improbable réconciliation.), New-Delhi avait bloqué les applications Internet [1] et les investissements chinois.

Le durcissement avait mis à l’arrêt 150 projets chinois d’une valeur de plus de 2 milliards de dollars. Reuters indique que, parmi les investissements différés figuraient l’acquisition par Great Wall Motors de l’usine General Motors (GM) de Talegaon, 130 km à l’est de Mumbai.

Les réalités économiques poussent à l’apaisement.

En janvier 2020, le groupe chinois Great Wall Motor avait conclu avec l’Américain GM un accord pour reprendre son usine de Talegaon à l’est de Mumbai.


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Discrètement, prenant conscience que la rupture totale des liens commerciaux et économiques avec la Chine n’est pas tenable, le gouvernement indien est en train de corriger le tir. Le projet du Chinois Great Wall Motors, à deux heures de la côte orientale, dans l’État de Mahārāshtra est un bon exemple.

L’usine GM a une capacité de production de 1,3 millions de véhicules, mais depuis 2017, le groupe américain qui s’est retiré du marché indien, ne produit plus que des hybrides utilitaires pour l’export dont les ventes se sont contractées de près de 4% en 2019, avec seulement 54 000 véhicules vendus.

La situation du Chinois Great Wall qui marche sur les traces de Shanghai Automotive Industry Corp (SAIC) en Thaïlande pour y vendre des voitures électriques, est au contraire florissante. Avec plus d’un million de véhicules vendus en 2020 (+50%), le groupe est le 2e chinois à vouloir pénétrer le marché indien là aussi après SAIC entré en Inde en 2017 par MG Motor racheté par SAIC en 2005.

Le projet à Talegaon devait embaucher 2000 personnes, partie d’un plan général d’investissements qui, selon les déclarations du groupe chinois, devrait atteindre un milliard de $, avec la construction d’ateliers modernes robotisés et un centre de R&D.

Ce n’est pas tout, le Chinois BeiqiFoton Motor (autobus, tracteurs et camions) qui fabrique des bus au Pendjab en JV avec l’Indien PMI Electro Mobility Solution, a l’intention de créer à Talegaon une usine de bus électriques à 1500 emplois. Le secteur automobile n’est pas le seul ciblé par les Chinois dans la région de Talegaon. L’usine voisinera avec celle de Hengli Hydraulic India System – réputée « privée » en réalité filiale du géant pétrochimique Hengli –.

Installée sur six hectares à dans l’ensemble urbain tentaculaire de Pune (4 millions d’habitants), le groupe chinois qui fabrique des systèmes hydrauliques, des pompes à haute pression et des valves, cible le marché agricole indien.

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Globalement, les investissements chinois en Inde ont augmenté ces dernières années en dépit des tensions sur la frontière. S’il est exact que la férocité de la bataille de l’été dernier a créé un rejet, tandis que New-Delhi tenait à distance le groupe Huawei, - plus pour privilégier les groupes indiens que pour céder aux pressions américaines [2] -, il n’en reste pas moins que nombre de projets chinois sont bien implantés.

Ils portent des investissements et des promesses d’emplois.

A côté des fabricants d’automobiles cités plus haut, auxquels il faut rajouter BYD, on retrouve les fleurons de la « high-tech » comme Alibaba, Tencent, Xiaomi, Oppo, Vivo (les 3 derniers occupent près de 70% du marché des portables en Inde) (lire :Huawei fragilisé.Nokia et Ericsson reprennent des couleurs. Bataille au couteau des nouveaux venus chinois du portable ;). Le secteur de la fibre optique a également porté d’importants investissements chinois par Fiberhome, ZIT, TG Advait et Hengtong.

Au total, en 2020 le stock des investissement chinois en Inde a atteint 35 Milliards de $ (voir aei.org). Pour mémoire, rappelons que les destinations privilégiées des investissements chinois restent l’Amérique du Nord et l’Europe (65% soit un stock de 650 Mds de $ cumulé depuis 2005) [3].

Mais la défiance persiste.

Les ministres des Affaires étrangères Wang Yi et S. Jaishankar qui se sont rencontrés le 11 septembre à Moscou dans le cadre du sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai, sont tombés d’accord pour désengager leurs unités au Ladakh et se tenir à distance les uns des autres. Mais en arrière-plan les profondes méfiances subsistent. Le 12 février, le Général Naravane, chef d’état-major des armées a fustigé l’attitude belliqueuse de la Chine.


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Alors que des drones indiens surveillent le retrait des troupes chinoises dont New-Delhi a publié des vidéos de bulldozers déblayant les structures construites pas l’APL dans la région de du Lac Pangong à l’est du Ladakh, le 12 février, le Général Naravane, chef d’état-major des armées indiennes qui s’exprimait à un séminaire, a fustigé l’agressivité chinoise.

Caractérisant les stratégies de Pékin, il a souligné « leurs tendances belliqueuses, leur hostilité à l’égard des “nations faibles“, et leurs insistantes tactiques créant des dépendances régionales sur le trajet des « nouvelles routes de la soie ». Le 12 février « The Hindu » qui rapportait ses propos titrait en première page que Pékin était à l’origine de la « défiance réciproque ».

L’article citait notamment l’influence grandissante de la Chine aux frontières de l’Inde, au Myanmar et au Népal. Le 11 décembre dernier, Pravin Sawhney et Ghazala Wahab, auteurs de l’ouvrage « Le dragon à nos portes » (janvier 2017), publiaient un article sur le site « The Wire », résumant la méfiance de la classe politique indienne.

On pouvait y lire le constat de la vulnérabilité indienne face à la Chine et percevoir le profond pessimisme face à l’irréductible méfiance réciproque. « En saisissant par la force 1000 km2 de territoire indien, la Chine a démontré qu’elle entendait définir les termes d’un apaisement selon ses critères. ».

L’article ajoutait qu’en acceptant la pression militaire chinoise, New-Delhi était, « de facto, devenu l’allié de la stratégie de “containment“ de Washington face à Pékin.

Le dernier exemple de cette dépendance, disent les auteurs, est l’approfondissement de la relation stratégique conclu le 27 octobre 2020 par la signature du pacte négocié depuis de longues années autorisant les échanges d’informations sensibles classifiées et le transfert de hautes technologies.

Mais, pour les militaires indiens se pose la question de savoir si la proximité stratégique renforcée avec les États-Unis aura un effet dissuasif pour tenir à distance l’agressivité chinoise dans l’Himalaya.

D’autant que - sérieux point d’achoppement avec le Pentagone attaché à la cohérence techniques de l’ équipement de ses alliés - se précise la perspective de livraison prochaine à l’Inde de missiles anti-aériens S.400 russes – dont la Chine est également dotée -.

Note(s) :

[1224 applications chinoises ont été fermées, dont pour ne citer que les plus connues, TikTok, UC Browser, Baidu, Kwai, Baidu map, Likee, YouCam makeup, Mi Community, Virus Cleaner, Alipay and Club Factory.

[2Voir : Don’t Underestimate India’s Sidelining of Huawei. La défiance de l’Inde à l’égard de Huawei s’inscrit dans une combinaison de facteurs politiques internes liés au rejet grandissant de l’opinion à l’ égard du « made in China » et à la montée du nationalisme technologique indien.

[3Pour la perspective ci-après, dans l’ordre d’importance, les destinations des investissements chinois (chiffres OCDE 2019 et aei.org en $ US) : États-Unis : 183,2 Mds ; Australie 119 Mds ; Royaume Uni : 83 Mds de $ ; Brésil : 70 Mds ; Suisse : 61 Mds ; Pakistan : 60 Mds ; Canada : 57 Mds ; Russie 56 Mds ; Indonésie : 51 Mds ; Allemagne : 47 Mds ; Malaisie : 43 Mds ; Nigeria : 40 Mds ; Arabie Saoudite : 39 Mds ; Kazakhstan : 34 Mds ; Inde : 35 Mds ; France : 32 Mds ; Égypte : 29 Mds ; Italie : 27 Mds ; Bangladesh : 29 Mds ; Iran : 26 Mds (+400 Mds de promesses restant à réaliser *) ; Argentine et Éthiopie : 25 Mds ; Angola et Irak : 24 Mds ; Algérie : 23 Mds ; Venezuela : 20 Mds ; Cambodge : 17 Mds ; Zambie et Rép Dem du Congo : 16 Mds ; Turquie : 16 Mds ; Sri Lanka et Chili : 14 Mds ; Tanzanie et Philippines : 13 Mds : Guinée : 12,5 Mds ; Grèce : 10,5 Mds ; Mozambique et Zimbabwe : 10 Mds.

(*) Lire : La Chine peut-elle contourner l’Amérique par l’Iran ? (voir le § Infrastructures, télécoms, finance et base militaire.)

Au passage, pour relativiser l’action de Pékin en Europe Centrale et Orientale, rappelons que le stock des investissements chinois y est relativement faible. Le retard explique le désenchantement déjà signalé à plusieurs reprises par QC : Ukraine : 10 ; Hongrie : 6 Mds ; Belarus : 5 Mds ; Pologne : 3 Mds ; République Tchèque : 1 Md.


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