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›› Taiwan

Eric Chu, de retour à la tête du KMT

Avec la réélection le 25 septembre dernier à la tête du Parti, d’Eric Chu 61 ans, qui fut largement battu à l’élection présidentielle de janvier 2016 avec 56,1% des voix pour Tsai Ing-wen contre seulement 31%, le KMT tente de sortir d’une longue période de doutes et de déconvenues.

Les déboires récents du Parti sont connus. Les plus graves furent l’élection de l’indépendantiste pur et dur Chen Shui-bian à la tête de l’Île en 2004, le mouvement des tournesols en 2014 (lire : Taïwan : Craquements politiques dans l’accord cadre. Les stratégies chinoises en question), et l’humiliant échec de Han Kuo Yu à Kaohsiung en 2020 (lire : A Taïwan la démocratie directe éloigne l’Île du Continent).

Leur racine est le puissant contraste entre la marche démocratique de l’Île vers une identité particulière et l’injonction autocratique de réunification que porte le Continent.

Même si la version du consensus de 1992, d’appartenance à une seule Chine - 九二共識 jiu er gongshi -, prônée par le KMT tient à distance toute réunification avec une Chine contrôlée par l’ancien rival communiste de la guerre civile, la réalité est qu’il suggère tout de même une connivence avec le Continent dont la société taïwanaise s’est peu à peu détachée.

Plus encore, il est très probable que les incessantes démonstrations de force de l’APL dans le Détroit depuis un mois aggraveront encore le fossé. Il s’agit là d’une des puissantes contradictions qui compliquent déjà la tâche du nouveau président du Parti que Pékin courtise.

Dans ce contexte marqué par les harcèlements aériens chinois qui ne survolent pas l’Île elle-même et laissent ses habitants de marbre, l’opinion publique à Taïwan évolue lentement mais sûrement vers une conscience identitaire de plus en plus affirmée, notamment chez les jeunes de 18 à 35 ans. Avec cependant la nuance que les adeptes d’une déclaration d’indépendance – dissuadés par les menaces militaires chinoises -, ne dépassent pas 7% des réponses.

Sous la menace chinoise, toujours le choix du statuquo.

Alors que la très grande majorité des Taïwanais craint une agression directe si l’Île se déclarait indépendante, c’est le choix du statuquo qui, dans les sondages, vient en tête depuis de longues années. Lors de la dernière enquête datant du 2 septembre 2021, « l’option statuquo » contrainte par les menaces militaires de Pékin, recueillit 85,4% des réponses.

Elles se décomposaient comme suit, dans un mouvement général attestant à la fois d’une grande hésitation et d’une prise de distance avec le Continent. 21,9% voyaient l’immobilisme stratégique comme une période d’attente avant une déclaration d’indépendance.

30,4% considéraient que l’attente devrait être maintenue indéfiniment dans l’espoir d’une évolution politique favorable du Continent. 28,1%, jugeaient qu’il fallait le respecter jusqu’à ce que la situation politique dans le Détroit et dans l’Île soit suffisamment apaisée pour décider sereinement de l’indépendance ou de la réunification.

Enfin, 5% seulement considéraient que le statuquo pourrait, à une échéance incertaine, conduire à une réunification.

A peine élu, Chu qui avait déjà rencontré Xi Jinping en 2015 (lire : Eric Chu et Xi Jinping : grandes manœuvres électorales), est confronté aux ambiguïtés du « consensus ».

Après le succès de Chu aux élections, Xi Jinping, parfaitement conscient que sa lettre jetterait le trouble à Taïwan, lui adressa ses félicitations. Dans son message, relayé par Chine Nouvelle, il exprimait le vœu que le Parti Communiste Chinois et le KMT, « œuvreraient ensemble pour une réunification nationale ».

Félicitations de Xi Jinping et embarras de Chu.

La séquence mit clairement Chu en porte à faux puisqu’en théorie, la version du KMT du Consensus de 92 écarte la réunification avec le Parti communiste, selon l’idée réaffirmée en 2005 même par l’indépendantiste Chen Shui-bian dont la pensée de rupture avait pourtant sérieusement secoué la relation avec Pékin, que chaque rive du Détroit pourrait avoir sa propre interprétation du principe « d’une seule Chine ».

La divergence des appréciations et les ambiguïtés était aussi l’arrière-plan de la rencontre entre Wang Yu-Chi et Zhang Zhijun le 11 février 2014 lors de leur première rencontre à Nankin, alors qu’à seulement deux mois de la « crise politique des « Tournesols », la Présidence de Ma Ying-jeou était déjà perturbée par les contestations de « l’Accord-cadre » en partie portées par le Yuan Législatif à Taïwan.

Lire : Nankin : une rencontre inédite aux conséquences incertaines.

La réponse d’Eric Chu à Xi Jinping, déclencha une vague de critiques dans l’Île.

Réaffirmant son opposition à l’indépendance de Taïwan, Chu écrivait qu’il espérait lui aussi trouver un terrain d’entente qui tiendrait compte des différences d’appréciation sur la politique d’une seule Chine, fondement du consensus de 1992.

Mais alors que l’Île était depuis trois semaines sous la menace des vagues d’avions de combat Chinois, il blâma la vision « anti chinoise - 反 中 » et de « dé-sinisation 去中國化政策 » de Tsai Ing-wen d’être à l’origine des tensions dans le Détroit. Surtout, sa lettre commettait la bévue de n’avoir même pas mentionné la « République de Chine 中華民國 ».

Maladresse de Chu et avalanches de critiques.

Immédiatement, le premier ministre Su Tseng-chang répliqua que l’oubli de la référence à la République de Chine signifiait que les promesses de Chu de protéger la souveraineté de l’Île étaient vides de sens. « Ici, il a eu l’occasion de parler au nom du pays et il n’en a pas profité, choisissant plutôt de faire écho à la Chine. C’est une source de déception. »

Depuis le Yuan Législatif l’indépendantiste Wang Ting-yu raillait Chu pour son « obédience à la Chine ». Sur sa page Facebook, la lettre d’Éric Chu fut même l’objet de commentaires assassins « Le KMT essaie de mettre fin à la République de Chine 國民黨企圖結束中華民國 » ou encore « Eric Chu ne sait que faire kowtow devant le Parti communiste chinois 在中共面前磕頭. »

Quant au député Su Chiao-hui, il décrivait le nouveau président du KMT comme « un deuxième Carrie Lam qui, n’osant pas défier le Parti communiste chinois (PCC), envisageait d’unifier Taïwan à la Chine 第二個林鄭月娥不敢挑戰中國共產黨, 計劃統一台灣與中國 ».

La réalité est en effet qu’Eric Chu est le premier Président du KMT mettant à nouveau à ce point l’accent sur l’opposition à la pensée de rupture avec le Continent. Mais nombre de partisans plus jeunes qui espéraient que Parti sortirait des ornières des relations traditionnelles dans le Détroit, constatent qu’il n’y est pas prêt.

Beaucoup de jeunes ayant voté pour Chu, ont même la conviction que le KMT court à sa perte si sa direction politique continuait à entretenir l’ambiguïté que le Parti serait pro-unification avec le Parti communiste chinois au pouvoir en Chine.

En attendant, dans son discours de victoire à son siège, Eric Chu a déclaré qu’il espérait le retour des anciens membres pour renforcer le parti. Il faisait référence au fondateur de FoxConn, Terry Gou, qui avait rejoint le parti pour briguer l’investiture présidentielle du KMT en 2020, mais en était reparti après sa défaite. Ou à Jaw Shaw-kung, le Président de China Broadcasting Corporation qui avait rejoint le KMT en février, mais avait jeté l’éponge lors de la course à la présidence du Parti.

Chu a aussi fixé comme priorité de mener la bataille politique contre le DPP et les Verts, non seulement par le biais des élections législatives, mais aussi par le truchement des prochains référendums nationaux. Il a aussi précisé que le Parti devait s’impliquer pour appuyer la destitution par référendum populaire de Chen Po-wei, membre du Parti de la Construction de l’État taïwanais élu à Taichung en février 2020 et seul député du Yuan Législatif ouvertement partisan de l’indépendance de l’Île.

Autre proposition concrète, Chu ouvrira un bureau du KMT à Washington, D.C. afin que les États-Unis puissent aussi entendre le point de vue du KMT et pas seulement celui du DPP.

Sur le fond de sa marge politique des relations dans le Détroit, Chu reste pris dans la contradiction que, comme le DPP, il ne peut rien proposer d’autre que le statuquo, dans un contexte où – réalité incontournable et terriblement contraignante cependant à nuancer par la suprématie taiwanaise dans le secteur des microprocesseurs – le commerce extérieur taïwanais dépend à 44% des ventes au Continent et à Hong Kong.


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