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Exploration de la face cachée de la lune

Le 8 décembre dernier une fusée Longue Marche 3B a envoyé vers la face cachée de la lune le module Chang’e-4 pesant 140 kg chargé à bord d’un véhicule de 4 tonnes ayant atteint une orbite lunaire le 12 décembre.

L’agence spatiale chinoise n’a pas précisé la date à laquelle le module sera posé sur notre satellite, mais les observateurs experts du programme spatial chinois estiment que l’alunissage pourrait avoir lieu dans les premiers jours de janvier 2019. Avant cette phase, Chang’e 4 devra se connecter avec Queqiao, satellite relais lancé le 20 mai dernier qui assurera les communications entre le module posé sur la lune et la terre.

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L’expérience lunaire en cours, commencée par les missions photographiques de reconnaissance de Chang’e 1 (2007) et Chang’e II (2010), suivies de l’alunissage du « lapin de jade – 玉兔 - Yutu à la fin 2013 qui, après une interruption de près de 40 ans, avait renoué avec les missions d’alunissage (lire : Chang’e III et le « Lièvre de jade » se sont posés sur la lune.), confirme les vastes ambitions spatiales chinoises.

L’alunissage sur la face cachée sera une première, après les photos prises en 1959 par la sonde soviétique Luna 3 et l’écrasement, le 23 avril 1962, de la sonde américaine Ranger 4. Hormis quelques survols par les missions Apollo et les plus récentes prises par les satellites en orbite, la face cachée reste mal connue.

Dans un récent article paru dans Ars Technica Eric Berger qui aux États-Unis a couvert les programmes de la NASA pendant 17 ans, rappelle que, comparée à l’aspect de la face visible, la face cachée a une apparence beaucoup plus rugueuse avec moins de « marias lunaires » (plaines basaltiques d’origine volcanique).

Surtout elle est parsemée de grands cratères, en particulier - note de la rédaction - le bassin Pôle Sud-Aitken (2500 km de diamètre), le plus vaste cratère d’impact du système solaire formé par l’écrasement d’un corps céleste.

Premier pas vers une station lunaire chinoise.

Selon les astronomes, Sud-Aitken pourrait, avec d’autres plus petits tels Dadalus ou Saha (100 km et 35 km de diamètre), accueillir des radiotélescopes à l’abri des émissions radio de la terre. Enfin, la face cachée pourrait receler d’importantes concentrations d’hélium 3, isotope rare sur terre et recherché comme carburant potentiel dans les réacteurs à fusion nucléaire. Lire Avenir du nucléaire. Le choix difficile des neutrons rapides.

C’est précisément sur le cratère Sud Pole–Aitken que le véhicule transportant le robot téléguidé se posera. Sa mission initiale sera d’étudier la géologie de la zone. Pour Tamela Maciel astrophysicienne au centre national britannique, la profondeur du site est telle qu’elle pourrait révéler la composition géologique interne de la lune. Pour elle, la mission est clairement une étape vers l’installation d’un radiotélescope.

Longue Marche 9, le futur lanceur lourd.

En même temps, l’agence spatiale chinoise prépare la logistique et les technologies en vue d’éventuelles missions habitée vers la lune, tout en accélérant la mise au point de la fusée Longue Marche 9 pour 2028 - 2030, dont la capacité d’emport de 140 tonnes sera semblable à celle de Saturne V qui permit les missions habitées de la NASA vers la lune à partir de 1969. Avec un diamètre de 10 m et une hauteur de 93 m Longue Marche 9 sera capable de placer 140 tonnes en orbite basse et de transporter 44 tonnes sur la lune.

Dans une conférence donnée à Qinghua le 31 mai dernier, Long Lehao, ingénieur en chef de l’Institut des technologies des lanceurs spatiaux (en chinois : 中国运载火箭技术研究院) qui dépend de la CASC – China Aerospace Science and Technology Corporation - 中國航天科技集團公司 -, le groupe industriel étatique au cœur de l’aventure spatiale chinoise, a révélé que la première mission de la Longue Marche 9 serait un vol aller-retour vers Mars, et confirmé sa fonction de véhicule pour les missions habitées vers la lune.

La version Long Marche 9-B sera utilisée pour des mises en orbite basse de charges lourdes dépassant 100 tonnes – notamment au profit de la station spatiale (lire : 天宫 2. La revanche céleste de la Chine.)

Enfin Long Lehao a aussi évoqué l’emploi de la LM-9 pour transporter les composants de la centrale solaire orbitale chinoise, dont des variantes sont également à l’étude par la NASA et les Agences Spatiales Européenne et Japonaise, avec cependant d’importants obstacles liés au financement, aux difficultés logistiques et de maintenance dans l’espace, aux risques de collision avec des débris spatiaux et à la difficulté d’acheminer l’énergie vers la terre, sans trop de pertes en ligne.

Mise à jour le 7 janvier 2019.

Le premier poser sur la face cachée de la lune a eu lieu le 2 janvier à 10h 26, heure de Pékin (02h 26 GMT et 03h26 heure de Paris). Après son alunissage, Chang’e 4 a envoyé vers la terre des images de la zone diffusées par la TV nationale, avant de débarquer 12 heures plus tard le module d’exploration. Panneaux solaires déployés, celui-ci a commencé l’exploration du cratère Von Karman situé dans le bassin d’Aitken, plus vaste cratère d’impact de la lune d’un diamètre de 2500 km, entouré de montagnes près de deux fois plus hautes que l’Everest.

Selon Xinhua, au cours de sa mission le module prélèvera des échantillons du sol et tentera une expérience de culture de coton, de pommes de terre, de colza, de levure et d’une plante à fleurs appelée arabidopsis adaptée aux milieux désertiques, à l’apparence voisine des fleurs de moutarde. Avec des caractéristiques génétiques (ADN) entièrement connues depuis 2000, la plante est utilisée pour les études de biologie moléculaire.

Par ce succès, la Chine est passée du statut de « suiveur » à celui de « chef de file » de l’exploration lunaire. Alan Duffy, astrophysicien australien estime que la mission de Chang’e 4 montre la maturité du programme spatial chinois dont le niveau s’approche de celui des États-Unis. Jim Bridenstine administrateur de la NASA à qui le le Congrès et la Maison Blanche interdisent de coopérer avec la Chine ne s’y trompe pas. Dans un tweet il a noté « C’est une première pour l’humanité et une impressionnante réussite. »

A propos des blocages politiques de la coopération de la NASA avec la Chine lire : Où en est le programme spatial chinois ? publié il y a dix ans qui permet de mesurer les malentendus. Et aussi L’espace, lieu de toutes les méfiances.

Cette avancée permet de faire le point des programmes spatiaux chinois qui, en plus de l’exploration lunaire devant aboutir à l’établissement d’une station d’observation sur la face cachée, lire : Chang’e III et le « Lièvre de jade » se sont posés sur la lune., et Une station chinoise sur la lune en 2030., comportent le système de positionnement Beidou indépendant du GPS américain, la station spatiale Tiankong et l’exploration lointaine vers Mars.

A ce sujet lire :

1) GPS : Le GPS chinois est en partie opérationnel. et Lancement de 2 satellites du système Beidou. Avec 12 satellites actuellement en orbite, l’emprise globale du GPS chinois est prévue pour 2020, avec une extension très dynamique du militaire vers le commercial.

2) Station spatiale : Shenzhou 10 et Tiangong 1, dernier arrimage. Quelle coopération avec la Chine ? et 天宫 2. La revanche céleste de la Chine. et Deux astronautes chinois sont à bord du laboratoire Tiangong 2., montrant qu’après la fin de la station spatiale internationale, la Chine sera seule sur ce créneau, en attendant que les Américains et leurs suiveurs, aiguillonnés par leur orgueil et l’esprit de compétition, s’éveillent à nouveau.

3) En route vers Mars et plus : Après l’échec de Yinghuo-1, (Luciole, pesant 110 kg), le satellite chinois d’exploration de la planète rouge perdu en 2011 avec la sonde Phobos-Grunt russe (Yinghuo-1 s’était écrasé dans l’océan Pacifique en janvier 2012 au large du Chili), l’agence spatiale prévoit une mission indépendant vers mars en août 2020 et une autre vers Jupiter en 2029. Pour ces missions les Chinois utiliseront la fusée Longue Marche-9.

Les projets chinois s’inscrivent dans une série d’autres missions prévues d’abord par les Américains dont la sonde nommée « Insight » s’est posée sur la planète rouge le 26 novembre 2018. D’autres missions vers Mars sont planifiées par l’Inde, le Japon, les Emirats, et l’UE en coopération avec les Russes. Voyant la profusion des missions, on ne peut que regretter l’absence de coopération internationale.

En complément : Les armes LASER de l’espace. Projets chinois et peurs américaines.


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