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›› Technologies - Energie

Avenir du nucléaire. Le choix difficile des neutrons rapides

Source CEA. Un réacteur à neutrons rapides (RNR, en anglais Fast-neutron reactor) utilise des neutrons non modérés à l’énergie cinétique élevée ayant l’avantage fissionner tous les noyaux lourds et non les seuls matériaux fissiles. Le procédé limite également les pertes de fission (« captures stériles ») des réacteurs classiques ce qui en augmente considérablement l’efficacité.

Le combustible qui baigne dans une cuve de sodium liquide (à gauche sur le schéma) se présente sous forme de pastilles constituées d’un mélange d’uranium 238 (à 80% environ) et de plutonium (à 20% environ). Il transmet les calories créées par la fission du plutonium 239 à un circuit secondaire (via un échangeur de chaleur n°10) dans lequel circule également du sodium liquide.

La chaleur est transmise à un circuit tertiaire d’eau ou de gaz (13), créant une vapeur activant une turbine qui, couplée à un alternateur, produit de l’électricité. Les actinides mineurs (*) à « transmuter » (américium, neptunium) en éléments radioactifs à vie moins longue peuvent également être intégrés dans ces pastilles (à hauteur de 1 à 2%).

(*) Les actinides mineurs - avec les produits de fission - se retrouvent dans les déchets vitrifiés issus du retraitement du combustible. Quand les produits de fission à vie courte et moyenne ont disparu, la contribution des actinides à la radioactivité des déchets devient prépondérante. Les déchets vitrifiés issus du retraitement sont alors 7 fois moins radioactifs que les assemblages dont on n’a pas extrait le plutonium.

Si l’on poussait un jour le retraitement pour séparer les actinides mineurs afin de les brûler (par exemple dans des réacteurs à neutrons rapides) on pourrait aller beaucoup plus loin dans la réduction de la radioactivité des déchets.

En plus de sa plus grande efficacité énergétique, la justification économique du réacteur à neutrons rapides vient de sa capacité à générer du plutonium pouvant ensuite être en partie recyclé dans du combustible MOX. A ce stade, compte tenu des risques générés par la volatilité du sodium en cas de fuite, la filière n’a connu qu’un succès limité.


*

En mai dernier, Mark Hibbs journaliste allemand expert en sécurité nucléaire et en non-prolifération, observateur attentif des accords nucléaires bilatéraux et des travaux de l’AEIA, a publié sous couvert de la « Carnegie Endowement for Internationale Peace » une longue étude sur le futur de l’énergie nucléaire en Chine.

Alors que la Chine dispose de 40 réacteurs nucléaires opérationnels, une vingtaine en construction et autant en projet – en totalité dans les régions Est - à quoi s’ajoutent 12 sites de stockage des déchets excentrés au Qinghai et au Sichuan, dans un contexte général cependant marqué par quelques hésitations écologiques, des craintes politiques liées aux risques de sûreté dans les régions à forte densité de population, tandis que se pose la question du combustible des centrales classiques à eau légère dont l’approvisionnement pourrait ne pas être à la hauteur du développement rapide du réseau, l’auteur développe l’idée maîtresse suivante en deux temps :

1) Devenue grâce aux transferts de technologies auto-suffisante dans la construction des réacteurs, la Chine pourrait devenir d’ici 2030 le champion mondial de la mise en œuvre des technologies nucléaires civiles, ayant un impact stratégique à la fois sur la sûreté nucléaire et ses normes, la non-prolifération, la production d’énergie, le commerce et la diffusion globale des technologies sinisées, en même temps que sur le climat par réduction des émissions ;

Mais il ajoute que :

2) Cette ambition ne serait réalisable qu’à la condition de réussir la transition à une échelle industrielle vers la technologie des neutrons rapides capables de recycler de vastes quantités de combustible nucléaire. Dans l’état actuel des connaissances, la solution des neutrons rapides, permettant un taux de combustion élevé et la réduction du coût du cycle, est la seule en mesure de résoudre le défi économique posé par l’augmentation du prix de l’uranium.

*

En dépit du freinage du programme après la catastrophe de Fukushima en 2011, l’élan donné au programme nucléaire en 2005 par Wen Jiabao reste irrépressible. Expression collégiale du Bureau Politique qui voyait la filière nucléaire au travers d’un paradigme assez proche de la conception française, comme l’expression de la puissance du pays à la fois militaire et civile, le programme de réacteurs exige une quantité d’uranium toujours croissante.

En 2016, elle était de 2600 tonnes. Au rythme actuel de la construction des centrales, elle sera de 10 000 à 12 000 tonnes en 2020 et pourrait dépasser 16 000 tonnes en 2030 (25% de la production mondiale actuelle), dont la plus grande partie devra être importée au prix du marché.

Disposant aujourd’hui d’un stock stratégique de 85 000 tonnes d’Uranium, la filière nucléaire devrait néanmoins continuer à importer massivement pour assurer l’approvisionnement des centrales dont – selon les planificateurs - le réseau devrait, dans les 20 ans qui viennent, augmenter sa capacité installée de 33,6 GWe aujourd’hui à 150 Gwe, faisant passer la part du nucléaire de 2 à 9% dans le « mix énergie » de la Chine. Dans ce schéma, la capacité nucléaire installée compterait pour 35% de la capacité mondiale évaluée à 418 GWe en 2035 par l’AEIA.

Le choix du nucléaire : Un développement en 3 phases.

Alors qu’au siècle précédent la Chine n’utilisait relativement que peu d’électricité, elle en consomme aujourd’hui plus que n’importe quel pays au monde. Et s’il est vrai qu’en moyenne sa consommation par habitant ne représente encore aujourd’hui que le tiers de celle des pays occidentaux, la demande chinoise ne fera que croître.

Attisée par l’urbanisation rapide, la demande pour des véhicules et des équipements « propres », et les promesses publiques d’assainir l’air des villes chinoises d’ici 2030, elle pourrait doubler dans les 20 ans qui viennent. (La consommation d’électricité par tête est passée de 281 KWh en 1980 à 993 KWh en 2000 et à 4000 KWh en 2015).

Parmi les solutions pour réduire l’empreinte carbone de la production d’énergie, Pékin considère que l’énergie nucléaire est à la fois « disponible, économique et fiable ».

Ce choix fut officiellement exprimé en 2005 par Wen Jiabao lui-même conseillé par les chercheurs de la R&D nucléaire chinoise. Rendu public dans le plan de développement scientifique et technologique courant jusqu’en 2050, le projet s’articule en 3 phases : 1) Jusqu’en 2020 : développement de la filière à eau légère ; 2) 2020 – 2050 : transition vers la filière à neutrons rapides ; 3) A partir du milieu du siècle, introduction des réacteurs à fusion [1] dans le réseau hybride de réacteurs à eau légère et à neutrons rapides. Il reste que ce vaste élan pro-nucléaire décrit plus haut cache quelques zones d’ombre, liées à la rentabilité économique à long terme, à l’écologie, à la sûreté et à l’approvisionnement du secteur en uranium.

Note(s) :

[1La solution de la fusion contrôlée n’en est qu’au stade de la recherche dans le cadre du programme ITER (« chemin » en latin et acronyme pour International Thermonuclear Experimental Reactor) auquel participent l’Union Européenne, le Japon, la Corée du Sud, la Chine et les États-Unis, par le truchement de la construction d’un réacteur expérimental à fusion contrôlée sur le site du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) à Cadarache.

Avec pour but de démontrer l’idée proche de l’utopie « qu’il est possible de produire de l’énergie propre et abondante grâce à la fusion nucléaire » par confinement magnétique dans un « tokamak » (machine en forme d’anneau métallique creux inventée par des physiciens soviétiques dans les années 1950-60), le projet fait face à la fois au scepticisme et à d’importants défis techniques dont le moindre n’est pas l’exigence d’étanchéité absolue de l’anneau.

Les adversaires du projet estiment qu’il est l’expression du lobby nucléaire en perte de vitesse en recherche d’un deuxième souffle.


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