Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Société

Gaokao et baccalauréat. Entre sélection et nivellement

Le temps des examens est terminé. Voici celui des bilans. Et aussi le moment de jeter un œil sur le contraste entre la compétition frénétique et implacable du système éducatif chinois et le flegme niveleur du système français.

Nous le savons, en France, covid-19 oblige, le Baccalauréat a été validé en contrôle continu et les élèves n’ont pas eu à subir les affres de l’examen, du temps compté et des mémoires qui flanchent sous le regard inquisiteur des surveillants. Les notes ont été obtenues en calculant « la moyenne des moyennes » des deux premiers trimestres.

Résultats les taux de réussite déjà très élevés les années précédentes étaient en hausse moyenne, toutes séries confondues, de + ,6% à 95,7% après rattrapage. Parmi les candidats, presque la moitié a obtenu une mention, un ratio qui se généralise aux filières technologiques et professionnelles.

Autrement dit, explique Roger-François Gauthier ancien inspecteur de l’éducation nationale « Le baccalauréat est depuis longtemps un leurre pour les familles populaires, quand les familles initiées ne pensent en terminale qu’à l’inscription dans les filières sélectives des meilleurs lycées ». Ces derniers garantissent encore la qualité des résultats quand nombre d’autres se contentent des pourcentages de réussite.

En France, nivellement, inégalités et décrochages.

Depuis des lustres on s’interroge sur la baisse du niveau que beaucoup relativisent ou réfutent. Les tests PISA offrent une image ambigüe.

S’il est vrai que le rang de la France est stable depuis 2006, se situant dans le tiers inférieur du classement (29e sur 79 pays), les analyses plus fines signalent non pas tant une baisse du niveau moyen, mais l’augmentation rapide (de 15 à 20%) du nombre d’élèves très faibles ayant des problèmes de compréhension de textes simples. Et, sans surprise, des décrochages sévères dans les collèges d’éducation prioritaire.

Effectués sur 600 000 élèves âgés de 15 ans dans trois domaines : compréhension de l’écrit, culture mathématique et culture scientifique, les tests PISA, loin d’être parfaits sont néanmoins un baromètre de la qualité des connaissances acquises, même si les classements et les comparaisons d’un pays à l’autre – dont les médias grand public raffolent -, faussés par des sélections d’élèves non représentatifs, sont très loin d’être équitables.

Voir à ce sujet notre article du 16 décembre 2019 qui invitait à considérer les résultats chinois avec prudence. Nous citions J.R. Chaponnière, « La clé d’un système éducatif de qualité n’est pas la quantité de travail fourni, les boîtes à bac et le nombre d’heures de travail à la maison » (…), « mais la qualité des enseignants qui coopèrent au sein d’équipes pédagogiques »

Lire : Manipulations des tests PISA. Éducation des campagnes et réactivité chinoise.

Plus généralement, il n’est pas exagéré de dire que pour la grande majorité des élèves français, le sésame républicain du baccalauréat n’ouvre plus guère de portes.

En Chine, sélection, stress et inégalités villes-campagnes.

En Chine, la situation est exactement inverse. Créé il y a 70 ans, le gaokao 高考, lointain héritage des examens impériaux, sévère épreuve physique, intellectuelle et psychologique, jusqu’à engendrer des troubles de la santé mentale pour plus de 10% des élèves, est un inflexible écrémage.

Organisé cette année en dépit des risques épidémiques, il a encore laissé beaucoup de candidats sur le carreau, tandis que pour les heureux élus, il ouvre les portes d’un avenir professionnel brillant et mieux payé.

Ce qui ne signifie pas qu’il est idéal, loin de là. D’abord, le couperet brutal de l’examen unique conditionnant l’avenir des adolescents sans tenir compte des résultats de l’année, engendre un branle-bas de stress familial qui met chaque année toute la société en émoi. Sans compter que la période des examens traîne toujours dans son sillage son lot d’opportunisme affairiste, de fraudes, de scandales et de drames. Lire : Les affres du Gaokao. L’université entre réformes et tradition.

Enfin, l’épreuve qui reste toujours le passage obligé vers une vie sociale et professionnelle réussie, perpétue les inégalités villes-campagnes relevées par « Le vent de la Chine » de juillet dernier : Education : Le Gaokao sous le signe du Covid-19.

« Malgré des décennies d’efforts pour promouvoir l’éducation en zone rurale, l’écart avec les villes reste énorme. Résultat : deux tiers des lycéens citadins nés dans les années 90 sont allés à l’université, contre seulement un tiers pour leurs camarades ruraux. »

*

Depuis des lustres, les responsables chinois de l’enseignement s’efforcent de réduire le retard des campagnes et la brutalité sélective de l’examen. En 2014, une réforme avait introduit plus de souplesse dans le choix des matières. Outre le chinois, les mathématiques et l’anglais, obligatoires, les étudiants peuvent désormais choisir trois matières parmi six autres (physique, chimie, biologie, politique, histoire et géographie).

Les changements sont cependant mis en œuvre de manière inégale. Le SCMP cite un rapport signalant qu’ils ne sont appliqués que dans 14 des 31 entités administratives (provinces, municipalités et régions autonomes). Dans la province orientale de l’Anhui, par exemple, les réformes étaient censées entrer en vigueur à partir de septembre 2019. Elles ont été reportées sans raison.

Dans les campagnes, le poids des traditions est un obstacle. Le rapport évoque un enseignant de l’école intermédiaire N°1 de Hefei, la capitale provinciale, ayant déclaré « que les enseignants n’étaient pas prêts pour les changements. » Souvent les raisons évoquées sont le manque de moyens, d’enseignants et de locaux.

Résultat, explique Li Tao, professeur à l’Institut de développement rural de l’Université normale de Changchun, 20 à 25% des candidats au gaokao de Pékin, Tianjin et Shanghai sont admis dans les universités d’élite chinoises, contre seulement 5 ou 6% au Sichuan au Henan ou au Guangdong. En cause aussi des passe-droits et préférences locales que le ministère de l’éducation tente de freiner par l’instauration de quota maximum de recrutements locaux.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Orage nationaliste sur les réseaux sociaux

Réseaux sociaux : La classe moyenne, l’appareil, les secousses boursières et la défiance

L’obsession des jeux d’argent et les proverbes chinois

Les tribulations immobilières de Liang Liang et Li Jun

Au fil des réseaux sociaux, les faces cachées des funérailles de Li Keqiang