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Guerre commerciale. Des querelles prosaïques aux conflits systémiques, les risques cachés de la rigidité idéologique et des rivalités de puissance

Des perspectives troubles.

La prudence est de mise. L’empoignade commerciale pourrait reprendre en novembre et décembre. Mais, pour le moment, les deux parties paraissent prêtes à un nouvel armistice. Liu He répète que le monde entier attend des progrès de la rencontre d’octobre, tandis que Trump affirme qu’à défaut d’un accord global auquel la Chine se refuse, il accepterait un compromis temporaire.

La suite est une bouteille à l’encre qui dépendra du sentiment de vulnérabilité de D. Trump dans sa course à la présidence. S’il est vrai que de nombreux secteurs accusent le coup et que la campagne démocrate concentre ses critiques sur les taxes punitives de D. Trump, Adam Taylor estimait le 13 septembre dans le Washington Post que le Parti démocrate n’abandonnerait pas la stratégie des mesures douanières contre la Chine.

« Aucun des candidats n’a déclaré vouloir abroger rapidement les multiples droits de douane imposés par Trump aux exportations chinoises » (…) « Certains ont suggéré de les maintenir pour servir comme levier dans les négociations commerciales futures ».

En dépit des prévisions pessimistes, qui anticipent des lendemains difficiles à la suite du renchérissement des emprunts d’État et de l’inversions des taux retour entre le long et le court terme, annonciatrice d’une récession, disent les experts, la bourse de New-York, il est vrai agitée par des secousses régulières, ne donne pour le moment aucun signe de catastrophe. Plus encore, globalement depuis l’investiture de D. Trump en janvier 2017 l’indice S&P 500 a gagné plus de 40%.

La Maison Blanche restera t-elle accrochée à cette vision macro-économique optimiste des indices boursiers ou tiendra t-elle compte des mises en garde pointant également du doigt l’accumulation des dettes pouvant inciter D. Trump à plus de prudence dans son bras de fer avec la Chine ?

Difficile à dire d’autant que, récemment, le Président a reçu l’appui insolite et en demie-teinte du milliardaire philanthrope Georges Soros,

Dans un article du Wall Street Journal paru le 9 septembre qui avait tout l’air d’une mise en garde, le porte-parole global de l’antinationalisme, soutien financier de mouvements d’opposition en Europe de l’est et en Asie Centrale, interpelle le Président américain pour l’inciter à ne pas composer avec Pékin.

En même temps, il saisit l’occasion pour renouveler les critiques acerbes qu’il avait formulées à l’égard de Xi Jinping au sommet de Davos en janvier dernier . Lire : Une « paix inconfortable. » Les non-dits du duopole sino-américain. Pékin face aux contrefeux.

De la souplesse prosaïque aux rigidités idéologiques.

Sous la plume de Soros on peut lire que « la meilleure performance de D. Trump en politique étrangère - et peut-être la seule - fut l’élaboration d’une politique cohérente et véritablement bipartisane à l’égard de la Chine de Xi Jinping. » En exemple il cite l’interdiction infligée aux entreprises américaines de vendre leurs composants de haute technologie à Huawei.

Anticipant que, dans l’amorce de détente qui se dessine, la Maison Blanche pourrait être tentée par un compromis, Soros rajoute que « La Chine est un rival dangereux en intelligence artificielle. » (…) Mais il ajoute que s’il est vrai que dans le secteur numérique ses progrès sont rapides, pour le moment, « pour être à la hauteur des défis de la 5G, Huawei dépend encore des composants de 30 sociétés américaines. »

« Le risque est que le Président détruise cet avantage, levier essentiel de sa stratégie chinoise, en cédant à l’illusion d’un compromis avec Pékin. »

La suite fait allusion aux accusations de superficialité attachées à l’image de D. Trump pour qui l’indice boursier serait un des critères essentiels de la réussite économique de son premier mandat, et auquel sa réélection importerait plus que les intérêts du pays.

Enfin, la conclusion de Soros hausse le débat à hauteur de la rivalité systémique entre les régimes démocratiques et les autocrates dont la Chine qui place sa population sous la surveillance étroite d’un crédit social omniprésent, est devenue un des principaux pôles d’influence.

« Il est difficile de savoir exactement ce qui motive M. Trump, mais il semble désespéré de parvenir à un accord avec le président Xi pour renforcer la bourse et l’économie américaines afin d’améliorer ses chances de réélection, faisant passer ses intérêts électoraux avant ceux de l’Amérique. »

« Le Congrès doit empêcher que cela se produise. Le département de la Défense de M. Trump et le Conseil de sécurité nationale reconnaissent la grave menace que représente Huawei. Si les républicains permettaient à M. Trump de renflouer le géant des télécommunications dirigé par le parti communiste, ils trahiraient leurs convictions démocratiques les plus élémentaires. »

« En tant que fondateur d’Open Society Foundations, mon intérêt à vaincre la Chine de Xi Jinping dépasse les intérêts nationaux américains. Comme je l’ai expliqué dans un discours prononcé à Davos au début de cette année, je pense que le système de crédit social en construction, si on le laisse se développer, pourrait sonner le glas des sociétés ouvertes, non seulement en Chine, mais également dans le monde entier. »

« Les despotes voudront acquérir le savoir-faire des entreprises chinoises, les rendant ainsi politiquement et financièrement dépendantes de la Chine et étendant les systèmes de contrôle politique de Beijing dans le monde entier. »

Comme pour confirmer les prévisions pessimistes de Soros, le 16 septembre, les îles Salomon, démocratie parlementaire dans un situation économique difficile, confrontée à la chute des prix du bois tropical et à l’effondrement de ses exportation d’or et d’huile de palme, annonçait l’établissement des liens diplomatiques officiels avec Pékin qui lui propose son aide par le truchement de ses projets des Routes de la soie.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Tsai Ing-wen en 2016, c’est le 6e pays qui rompt les relations avec Taiwan.

*

Les commentaires de G. Soros, articulés à l’idéologie inflexible des droits dont il a fait son fond de commerce planétaire offrent, par leur côté intransigeant et sans nuance, un raccourci saisissant des enjeux et des obstacles surgis au fil des affrontements.

Au moment où Pékin et Washington, inquiets des effets malheureux pour eux-mêmes de leurs entêtements paraissent disposés à un accommodement, son article complaisamment publié par le WSJ dilate le débat à la dimension philosophique de la gouvernance.

Commencée par une bataille autour du déficit commercial, la querelle sino-américaine s’est progressivement dilatée au respect du marché et de la propriété individuelle.

Sur un mode plus pugnace qu’auparavant, elle s’est ensuite élargie aux rivalités stratégiques en mer de Chine du sud et aux défis posés par la rigidité chinoise à la démocratie à Taïwan et Hong Kong qu’à l’occasion, la Maison Blanche a utilisés comme leviers dans les différends commerciaux.

De prosaïquement économique, la querelle a basculé vers un conflit idéologique dont la Maison Blanche pourrait avoir du mal à s’extraire au nom de la realpolitik.

L’ironie de l’histoire serait qu’au moment où Trump en amont des élections, l’œil fixé sur les implications néfastes de la guerre douanière sur sa propre image politique, pourrait vouloir engager une de ces volte-faces dont il a le secret, la dimension philosophique de la discorde devienne un écueil politique limitant sa marge de manœuvre tactique.


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