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Hong Kong : Pékin se cabre

Anson Chan (Anson Maria Elisabeth Chan Fang On-sang), 74 ans, fut Secrétaire Générale de l’administration de Hong Kong sous la règle britannique puis chinoise de 1993 à 2001. De 2007 à 2008, elle fut membre du Conseil Législatif de Hong Hong. Depuis 1997 elle critique les tentatives de Pékin pour limiter les libertés publiques.

Risques d’affrontements à « Central »

Le retranchement des deux camps sur des positions durcies et la détermination de Pékin à affirmer coûte que coûte la prééminence du pouvoir central, laissent présager une aggravation des tensions d’ici la fin de l’année. Le 19 juin, John Pomfret, journaliste de renom et sinologue ayant plus de 30 ans d’expérience de la Chine signait une dépêche de Reuter dans laquelle il laissait craindre que les tensions allaient s’aggraver au cours de l’été. Déjà, note la dépêche, « le 13 juin un groupe de protestataires radicaux a tenté de pénétrer de force dans les locaux du Conseil Législatif , brisant des vitres et forçant des portes avec des barres de fer ».

Anson Chan qui fut secrétaire générale de l’administration de 1993 à 2001 ayant eu l’expérience des pouvoirs britannique et chinois et survécu 4 ans à la rétrocession, s’inquiète elle aussi de la nouvelle fermeté de Pékin. « Si le pouvoir à Pékin croit que la population de Hong Kong se soumettra facilement, il commet une grave erreur d’appréciation. La nouvelle génération est loin d’être aussi docile que l’ancienne ». Sans compter, dit-elle, que la manœuvre qui risque de dépouiller Hong Kong de sa spécificité, privera la Chine d’un des ferments essentiels de sa modernisation.

Pour réduire les effets pervers de son raidissement politique et tenter d’écarter les risques d’affrontements en discréditant le mouvement « Occupy Central », Pékin fait feu de tous bois : pressions sur la presse libre, parasitage du référendum en ligne et appel à la communauté d’affaires, son principal soutien, pour qu’elle se mobilise derrière les représentants officiels de Pékin dans la RAS et les délégués hongkongais à l’ANP chinoise sur le thème des risques pour l’économie d’une grave instabilité politique.

La stratégie vise à discréditer les mouvements démocratiques en manipulant la « crainte du chaos » et à conforter l’appréciation de Zhang Dejiang, n°3 du régime et président de l’Assemblée Nationale qui, le 6 mars dernier, lors de la réunion annuelle de l’ANP expliquait aux délégués de Hong Kong réunis pour l’occasion que « l’importation de la démocratie directe à Hong-Kong en 2017 serait un piège pouvant provoquer des résultats désastreux ». Pour atteindre ces buts tous le moyens sont bons, y compris les plus troubles, dont certains paraissent porter la marque des sociétés secrètes de la RAS.

Des pratiques mafieuses

Selon des journalistes hongkongais, depuis quelques années, les médias de la RAS qui furent relativement épargnés après 1997, sont aujourd’hui soumis à des pressions de plus en plus fortes ponctuées par des agressions, des menaces directes et des licenciements. Les cibles sont clairement des journalistes de la presse écrite et de la radio, critiques du régime chinois.

Le 27 février dernier, Kevin Lau 49 ans l’éditeur en chef du journal Ming Pao crée en 1959 et l’un des quotidiens les plus objectifs de la RAS avec deux éditions internationales à Vancouver et à Toronto, fut sauvagement poignardé par deux inconnus en plein jour. Le journaliste venait d’être relevé de son poste de rédacteur en chef, au milieu des protestations de ses lecteurs.

Trois semaines plus tard quatre hommes masqués ont agressé deux responsables de Hong Kong Medias News qui s’apprêtaient à lancer un nouveau quotidien en langue chinoise. Le 7 mai, Yao Wentian (ou Yu Mantin), 73 ans, un ancien ingénieur reconverti dans l’édition à Hong Kong, sur le point de publier le livre critique du dissident Yu Jie sur Xi Jinping au titre provocateur « Xi Jinping, le Parrain chinois », était condamné à 10 ans de prison par un tribunal de Shenzhen pour « trafic de matières illicites », d’une valeur de 220 000 $, un délit remontant à 2010.

Yao Wentian avait été arrêté à la douane de Shenzhen, le 27 octobre 2013 alors qu’il était en possession de pots de peinture. Selon Yu Jie, qui a déjà publié un livre critique sur le précédent secrétaire général « Hu Jintao, le roi de l’harmonie », Yao avait reçu des menaces par téléphone pour le dissuader de publier l’ouvrage sur l’actuel n°1. Lors du procès, l’avocat de Yao a reconnu que son client transportait des matières réputées illicites, mais, comme le rapporte Brice Pedroletti dans un article du Monde du 13 mars, la défense soupçonne un coup monté.

Lire l’article du Monde.fr Les dirigeants chinois façon Coppola.

La dernière manœuvre contre la presse libre remonte au début du mois de juin. Pressées par le régime de Pékin, HSBC et Standard Chartered qui ont cependant nié que leur décision était politique, ont mis fin à leur contrat publicitaire au profit du journal Apple Daily appartenant au groupe Next Media, basé à Hong Kong et Taïwan et connu pour son implication dans la défense des libertés démocratiques à Hong Kong. Récemment, Jimmy Lai, le propriétaire du groupe a été directement menacé dans le plus pur style mafieux : un véhicule a percuté la porte de son domicile et les occupants ont abandonné sur place une hache et un poignard.

A deux autres occasions des milliers d’exemplaires du Apple Daily ont été brûlés. Anson Chan a durement critiqué les décisions des deux banques de couper leurs financements publicitaires à la presse libre : « Cette attitude de deux banques internationales est le premier pas sur une pente extrêmement glissante ». D’autres harcèlements ont eu lieu contre le référendum en ligne organisé par « Occupy Central » dont le site a été submergé par 10 milliards de visites en moins de 24 heures.

Veillée d’armes

Simultanément, la RAS a été le théâtre d’échanges de commentaires et prises de position des deux parties, qui avaient les allures d’une veillée d’armes. Wang Guangya, Directeur du Bureau des Affaires des Régions Administratives Spéciales de Hong Kong et Macao à Pékin a, sans surprise, rappelé que Hong Kong souhaitait la stabilité pour se développer. Carie Lam, 57 ans, Catholique née à Hong Kong, de sensibilité sociale très affirmée, attachée à la culture chinoise, secrétaire générale de l’administration depuis 2012, va dans le sens du parti pris politique de Pékin en affirmant « qu’il était évident que le Gouverneur de Hong Kong devrait être à la fois une personne qui aime Hong-Kong, mais qui ne s’opposerait pas au gouvernement central ».

Simultanément, le Global Times agitait la fibre de la sécurité nationale en accusant le mouvement « Occupy Central » de collusion avec les indépendantistes taïwanais, tandis que Rita Fan, membre hongkongaise du Comité permanent de l’AN à Pékin, mettait en garde contre les risques élevés d’un chaos provoqué dans le centre financier de la RAS.

A l’inverse, les réactions du mouvement démocratique ne sont pas unanimes à soutenir le projet d’occupation de « Central ». Certains, comme Wong Yuk-man, 63 ans, membre du Conseil Législatif, fondateur du mouvement des sociaux démocrates, pourtant connu pour ses provocations publiques des autorités et ses critiques violentes de Pékin qui lui valurent le surnom de « chien fou », craint que la manifestation de désobéissance civile au centre de HongKong ne dérape en affrontements violents ; mais les organisateurs qui affirment que le mouvement sera pacifique comme son nom l’indique, répètent qu’il n’existe pas d’autre moyen de faire pression sur Pékin.

L’église est partagée : Le cardinal Joseph Zen dit appuyer le mouvement mais ne participera pas. L’évêque de Hong Kong en fonction, John Tong Hon, appelle les parties à négocier et critique l’initiative. Quant à l’église évangéliste libre de Chine, elle s’est radicalement et publiquement opposée à l’idée par la bouche du Révérend Ng Chung-man qui a rappelé que la désobéissance civile ne pouvait être tolérée que si les droits religieux et la vie des fidèles étaient menacés.

Dans ce contexte où chacun fourbit ses arguments et où Pékin et le mouvement de désobéissance civile, dont l’audience grandit attisée par le raidissement du Bureau Politique, affichent une détermination sans faille, nombre d’observateurs estiment que ces développements portent le risque de sérieuses tensions et même de violences.


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