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›› Chronique

Hong – Kong sous influence

Main basse sur l’édition critique.

A Hong Kong, des militants pour la liberté d’édition manifestent contre la disparition de 5 libraires et éditeurs kidnappés par le Parti depuis octobre 2014. Le dernier en date disparu début janvier est Li Bo, deuxième photo à partir de la droite. La troisième photo à partir de la gauche est celle de Gui Minhai, auteur d’une confession filmée préenregistrée diffusée par CCTV le 17 janvier au soir.

Récemment, la manœuvre destinée à « recadrer » la pensée politique de la R.A.S a pris un tour encore plus préoccupant avec la disparition pure et simple de 5 hommes travaillant pour une librairie de Causeway Bay spécialisée dans des livres critiques interdits en Chine et pour la maison d’édition qui la sponsorise.

Leurs collègues suspectent que tous sont détenus par les autorités chinoises. Parmi eux, 4 dont les épouses vivent à Shenzhen où trois d’entre eux ont été aperçus pour la dernière fois, ont disparu à l’automne dernier. Le 5e , Li Bo, titulaire d’un passeport anglais s’est évaporé début janvier.

Après un chassé-croisé diplomatique où Washington et Londres exprimèrent leur préoccupations, tandis que Pékin, muet sur les disparitions, rappelait, par la voix du porte parole, que la Chine s’opposait à toute ingérence dans ses affaires intérieures ou dans celles de la R.A.S., Gui Minhai propriétaire de la maison d’édition Mighty Current et titulaire d’un passeport suédois, manquant depuis octobre est réapparu le 17 janvier dans la soirée par le truchement de la chaîne nationale CCTV.

Relent de révolution culturelle et luttes politiques.

Le 17 janvier au soir CCTV a diffusé une confession enregistrée de Gui Minhai propriétaire de la maison d’édition Mighty Current, disparu depuis octobre. Sur l’enregistrement Gui avouait sa culpabilité dans la mort d’un étudiant 11 ans plus tôt à Ningbo, alors qu’il conduisait en état d’ivresse.

Cette dernière a diffusé une confession publique pré-enregistrée sur l’implication de Gui en décembre 2004 dans un accident de la circulation à Ningbo d’où il se serait enfui après avoir causé la mort d’un étudiant alors qu’il conduisait en état d’ivresse.

Mais, pris par le remords en octobre 2015, Gui aurait décidé de se rendre aux autorités chinoises à partir de la Thaïlande où il était en vacances. La repentance à très forte connotation moralisatrice de Gui diffusée par CCTV sur une question vieille de plus de 10 années n’ayant aucun rapport avec ses affaires de librairie à Hong Kong, exhale un fort relent de révolution culturelle et exprime la détermination du pouvoir chinois à mettre au pas, par tous les moyens, la mouvance des intellectuels critiques de la Chine.

Enfin, les termes de sa déclaration renvoient à la vieille vision culturelle assez souvent xénophobe de la nationalité chinoise quels que soient les choix de naturalisation : « Même si je suis Suédois, je me sens toujours authentiquement Chinois et mes racines sont toujours en Chine. C’est pourquoi j’espère que les autorités suédoises respecteront mon choix, mes droits et ma vie privée et me laisseront résoudre moi-même mes problèmes ».

L’intéressé étant toujours aux mains des autorités chinoises, aucune vérification croisée n’est possible, qu’il s’agisse des circonstances du délit dont Gui s’accuse, ou de la spontanéité de ses aveux. Mais l’incident n’est pas clos, puisque 4 autres libraires manquent toujours à l’appel, tandis que l’ambassade suédoise à Pékin a exprimé son scepticisme. Pour l’heure, une seule certitude, les autres libraires de Hong Kong effrayés par la manoeuvre ont retiré de la vente les ouvrages sensibles qu’ils avaient en stock.

Après plusieurs manifestations de Hong-Hongkongais dans les rues de l’ancienne colonie britannique exigeant des informations sur les disparus, et avant le coup de théâtre de la réapparition pénitente de Gui, le gouverneur Leung Chun-yin était sorti de son silence pour rappeler que la liberté de presse et de publication était un droit garanti par la loi fondamentale.

Selon Willy Wo-lap Lam, ancien journaliste du South China Morning Post remercié en 2000 pour ses articles trop critiques de la Chine, aujourd’hui professeur associé l’Université de Hong Kong, la librairie incriminée de Causeway Bay avait mis en vente un ouvrage polémique sur la vie privée de Xi Jinping et ses « six femmes » entre 1985 et 2002.

A l’heure où le président a engagé une violente campagne de redressement éthique et moral, non seulement contre la corruption, mais également contre les égarements de la vie privée des fonctionnaires, la mise sur la place publique du caractère supposé volage du n°1 du Parti déporte le sujet vers la politique intérieure et pourrait constituer une vulnérabilité de Xi Jinping dans la lutte qui s’engage en amont du 19e Congrès.

L’arrière plan de risque politique direct et imminent explique le caractère à la fois insolite, expéditif et opaque de l’épisode.

*

Les enchaînements décrits plus haut traduisent le malaise de Pékin, géné à la fois par l’autonomie de Hong Kong conférée par le schéma « Un pays deux systèmes » et par l’évolution de la situation à Taïwan où, le 16 janvier, l’indépendantiste Tsai Ing-wen et son parti ont, non seulement remporté la compétition électorale pour l’exécutif de l’Île avec 56% des voix, mais, contrôlent également, pour la première fois dans l’histoire du Détroit, le Yuan Législatif avec 68 des 113 sièges.

Dans ce contexte, et sans surprise, les stratégies obliques de riposte du Politiburo visent à s’assurer au mieux le contrôle de l’information et des esprits. C’est dans cette logique que s’inscrit le rachat par Alibaba du South China Morning Post.


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