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›› Chronique

Hong – Kong sous influence

Mise au pas de la grande presse par le business et la finance.

Le groupe Alibaba a annoncé le 11 décembre son intention d’acheter le South China Morning Post et quelques avoirs collatéraux du journal. Compte tenu du peu d’intérêt économique de l’affaire, la plupart des commentateurs y voient une intention politique. Jack Ma a affirmé vouloir respecter l’indépendance éditoriale du journal, tout en abordant la couverture de la Chine par un angle moins systématiquement critique que celui des médias occidentaux.

Le 11 décembre dernier, on apprenait que le groupe de vente en ligne Alibaba avait pris le contrôle du South China Morning Post et de plusieurs avoirs collatéraux du groupe, comme la version locale du magazine ELLE, quelques autres publications et une affaire locale de publicité pour la somme totale de 266 millions de $. Immédiatement, les commentateurs ont considéré l’aspect politique de la transaction par Jack Ma dont la proximité avec le président Xi Jinping datant de l’époque (2002 – 2007) où ce dernier était n°1 à Hangzhou base arrière d’Alibaba, est connue.

Le rachat du journal a notamment été vu comme une réponse de Ma au projet de Xi Jinping exprimé en 2014 de créer des médias chinois plus compétitifs et plus crédibles avec, en arrière plan, l’intention d’orienter la ligne éditoriale vers une approche plus « positive » de la Chine.

L’impression que Pékin s’était engagé dans une stratégie indirecte pour influencer les esprits en sa faveur a été confirmée par Jack Ma lui-même et Joseph Tsai n°2 d’Alibaba. Tous deux ont en effet affirmé que, tout en restant une publication indépendante, le SCMP proposera un couverture de la Chine moins critique que celle des médias occidentaux.

Autre indice de l’arrière plan politique d’une transaction qui, au regard de la capitalisation d’Alibaba (200 Mds de $) ne représente qu’une goutte d’eau, Eric X. Li, à la tête d’une société de capital-risque basée à Shanghai, également commentateur politique à succès, très critique de l’approche occidentale des questions chinoises et de celles de la R.A.S, fut l’intermédiaire privilégié d’Alibaba dans le rachat du SCMP.

En octobre 2014, il signait dans Foreign Policy un article dans lequel il dénonçait comme totalement éronnée la vision des médias occidentaux selon laquelle « les citoyens de Hong Kong se battraient pour la démocratie contre la tyranie de Pékin ».

Pour lui, la réalité était qu’une frange d’idéologues radicaux ou parfois de personnalités charitables, mais naïves, prenaient appui sur le réel mécontentement social de la population pour décrire les événements autour d’Occupy Central comme un combat pour la démocratie.

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NOTE de CONTEXTE

Ces 10 dernières années, nombre de compagnies chinoises ont investi dans des médias étrangers, des studios de cinéma et des droits de diffusion. Le groupe Wanda, du milliardaire Wang Jianlin, première fortune de Chine, contrôle l’Américain AMC entertainment, une des plus gros distributeurs de films aux Etats-Unis. Récemment Alibaba a élargi ses opérations dans la finance, le cinéma, les vidéos en ligne et les réseaux sociaux.

En Chine, Alibaba est entré dans le capital de plusieurs médias, dont China Business News et a récemment acheté le site en ligne Youku.com, réplique de Yahoo, interdit en Chine.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes que des groupes chinois aient à ce point investi dans les médias occidentaux, alors qu’en Chine même le contrôle des médias, d’internet et des réseaux sociaux, s’est accentué avec le blocage du New-York Times, tandis que nombre de médias occidentaux sont inaccessibles sur le Continent.

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Objectivité du SCMP

En 2000, Willy Wo-Lap Lam éditorialiste du SCMP avait été licencié après une controverse publique avec Robert Kuok propriétaire du journal. L’affaire avait éclaté après un article de Lam relatant que Mr Kuok, Malaisien propriétaire du journal depuis 1993, avait bénéficié d’importantes facilités d’affaires de la part de Pékin en échange de l’appui du journal à Tung Chee-hwa, premier gouverneur de la R.A.S nommé par le Politburo après la rétrocession ; 2 ans plus tard, c’était au tour de Jasper Becker, correspondant du journal à Pékin d’être remercié.

Jasper Becker a raconté cette expérience dans un article paru en 2002. En substance il décrit une prise de contrôle progressive du journal par Pékin qui commença 4 ans avant la rétrocession par le rachat du journal par Kuok, ayant de gros intérêts en Chine.

Suivirent le remplacement de l’éditeur Jonathan Fenby et les départs de Charles Anderson, responsable des grands reportages et de Willy Lam, célèbre « China Watcher », membre du comité éditorial pour la Chine. Jasper décrit aussi le glissement de la ligne éditorial en faveur de Pékin et les tendances à l’autocensure.

Toutefois, avec le recul, on constate que Becker avait assez considérablement noirci le tableau. Récemment en tous cas les reportages critiquant Pékin sur des sujets très sensibles n’ont pas manqué.

Le 22 novembre 2015 un reportage avait décrit, en citant des noms, comment des candidats pro-Pékin chaperonnaient des électeurs âgés en leur faveur lors des élections locales ;

En 2014, le journal n’a cessé de rendre compte dans le détail des idées et des rassemblements du mouvement Occupy Central ; chaque 4 juin, il a régulièrement couvert les rassemblements dans la R.A.S en faveur des victimes de Tian An-men.

Au passage de Snowden à Hong Kong en 2013, le blog du journal a proposé des reportages et des analyses bien plus complets et balancés sur l’affaire que nombre de journaux occidentaux.

Après le licenciement de W. Lam, le journal publia à la fois une lettre de l’éditeur qui accusait le journaliste de manipuler les faits et la réponse de Lam qui répétait avoir été la cible du département de la propagande de Pékin.


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