›› Politique intérieure

Pékin n’a pas oublié que la perte de Hong Kong et de ses territoires fut d’abord une humiliation après deux défaites contre le Royaume Uni en 1842 et 1860. L’orgueil du pouvoir chinois en fut d’autant plus meurtri qu’à plusieurs reprises lors des émeutes en 2019 et 2020 les manifestants brandirent l’Union Jack EN chantant « God save the Queen ». comme ici le 15 septembre 2019 devant le Consulat britannique de la R.A.S.
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Une nouvelle alerte médicale met Hong Kong sous tension avec 2 nouveaux décès le 21 juillet portant le total des victimes à 14 après une recrudescence de l’épidémie depuis début juillet.
Alors que le total des cas diagnostiqués est passé de 106 à 645 en moins de trois semaines et que, le 20 juillet, les hôpitaux prédisaient un engorgement des lits de réanimation déjà occupés à 77%, la R.A.S récemment reprise en main par le Parti, est toujours au cœur des échauffements entre la Chine et les pays occidentaux.
Logiquement, le Royaume Uni dont l’histoire à Hong Kong et en Chine symbolise les rancœurs de Pékin, est en première ligne. Après la décision de Londres de mettre fin au traité d’extradition avec la R.A.S à la suite de l’Australie et du Canada, Pékin considère que le projet de Londres d’accorder la nationalité britannique aux détenteurs du statut de « Nationaux d’Outre-mer » concernant 2,9 millions de citoyens de la R.A.S, est une ingérence inacceptable dans ses affaires intérieures.
En cause, et sous le feu des projecteurs, la limitation qui exclut du projet de naturalisation les Hongkongais nés après 1997. Réfugié à Londres, le jeune militant Nathan Law, l’un des plus actifs opposants à Pékin, fondateur du mouvement « Demosito » [1] dont l’élection aux législatives de 2016 avait été invalidée après une prestation de serment jugée anti-chinoise, s’active pour que la nationalité britannique soit accordée à tous les réfugiés quel que soit leur âge.
Londres en première ligne.

Autre « chiffon rouge » agité par Londres, le 22 juillet 2020 Mike Pompeo en visite dans la capitale britannique rencontrait Nathan Law, le symbole brûlant de la révolte des jeunes contre la Chine, réfugié au Royaume Uni et fondateur de mouvement Demosito aujourd’hui dissout porteur d’une pensée de rupture avec le Continent. Réfutant l’automaticité de la rétrocession décidée le 19 décembre 1984 sans consultation des Hongkongais par Margaret Thatcher et Deng Xiaoping, Law propose d’organiser un referendum en 2047 pour sonder la volonté populaire. Après la rencontre avec Pompeo, Nathan Law a twitté : « Au milieu des fortes réactions britanniques de l’embargo frappant Huawei et de la suspension du traité d’extradition, j’ai rencontré Mike Pompeo seul à seul durant 20 minutes. Nous avons surtout évoqué les conséquences de la nouvelle loi sur la sécurité nationale. »
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Dans l’une de ses récentes interventions, Law lui-même né en 1993, soulignait que de jeunes adolescents de 14 ans avaient été arrêtés au milieu des activistes. En même temps, il exhortait Londres à ne pas tenir compte des éventuelles condamnations prononcées par la justice de Hong Kong contre les candidats à l’immigration et à la nationalisation.
Puisqu’ils sont menacés, « ils devraient au contraire » dit-il « bénéficier d’un traitement préférentiel ». Lire une brève revue des activistes hongkongais les plus en vue, publiée par QC il y a trois ans : A Hong Kong, la justice met fin à l’indulgence. L’analyse mettait l’accent sur les risques inacceptables pour le régime chinois posés par le surgissement du mouvement politique « Demosito » portant un projet de rupture avec la Chine.
A Londres, la ministre de l’Intérieur Pitri Patel, admiratrice de Margaret Thatcher et d’origine indienne qui fut militante du Brexit, adepte d’une immigration strictement contrôlée, dit être à l’écoute des requêtes de Nathan Law pour étendre les offres de naturalisation aux 18 – 24 ans qui formaient une part importante des manifestants de l’année 2019 dans la R.A.S.
Le sujet de la protection des jeunes hongkongais enfle au milieu d’une relation sino-britannique empoisonnée dont les conséquences, pour l’instant difficiles à mesurer, pourraient être catastrophiques pour les deux parties.
Considérant qu’il s’agissait « d’une riposte mesurée », le ministre des Affaires étrangères Dominic Raab, annonça que l’embargo sur les ventes d’armes à la Chine en vigueur depuis le massacre de la place Tiananmen en 1989 serait étendu à Hong Kong.
Alors qu’au sein du gouvernement britannique perce une hésitation liée à la volonté de ne pas plonger la relation dans une spirale négative catastrophique – Boris Johnson et Dominic Raab ont, tous deux, tenu à faire savoir qu’ils continuaient à souhaiter « une relation positive » avec la Chine – la réalité est que les événements qui se succèdent échauffent violemment l’atmosphère.
La décision de mettre fin à l’extradition vers Hong Kong a été prise par Londres tout juste une semaine après le choix d’interdire aux groupes de télécoms britanniques d’équiper leurs réseaux 5G avec des composants fournis par Huawei.
La volte-face tournant le dos à une attitude plus nuancée a même fixé à 2027 la limite à laquelle les opérateurs britanniques devront avoir démonté tous les composants du groupe chinois, y compris ceux installés sur des équipements périphériques du réseau non essentiels à la 5G. Dans l’immédiat tout nouvel achat de composants Huawei est prohibé. Sans perdre de temps, Londres a, dès le 17 juillet approché les Japonais NEC et Fujitsu pour remplacer Huawei.
Alors que la relation de la Chine avec la plupart des pays occidentaux s’envenime à un niveau inédit depuis le milieu des années 90 et que les autorités chinoises relayées par l’ambassadeur Liu Xiaoming accusent Londres de s’être aligné sur Washington, on mesure à quel point la relation s’est dégradée depuis qu’en 2015, David Camerone évoquait « l’âge d’or » sino-britannique. Lire : Lune de miel entre Londres et Pékin. Le faste monarchique au service du pragmatisme.
Pour faire bonne mesure, Boris Johnson et D. Raab ont aussi exprimé leurs « préoccupations » à propos du sort réservé aux Ouïghour au Xinjiang qualifiés par eux de « violation brutale et flagrante des droits humains ».
Note(s) :
[1] Auto-dissout le 30 juin 2020, après l’adoption de la loi sur la sécurité nationale, le mouvement dont le nom signifiait volonté du peuple (du latin « demos - peuple » et « sitos – volonté », en Chinois 香港眾志 Xianggang Zhongzhi – littéralement « volonté de la “foule“ des Hongkongais » - portait un projet référendaire qui visait à demander en 2047 l’avis des Hongkongais sur leur volonté ou non d’être rattachés à la Chine.