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›› Editorial

Inquiétudes au sommet

A Hong Kong, « le rêve chinois » télescope la réalité.

C’est dans ce contexte déjà tendu qu’à l’été dernier, à Hong Kong, d’autres « cygnes noirs » ont surgi sur la route de Xi Jinping et de son rêve nationaliste. Il est difficile d’imaginer une situation ayant autant d’ingrédients inflammables.

Attisé par le souvenir des humiliations subies par la Chine au milieu du XIXe siècle auxquelles le président Xi Jinping fait souvent référence et dont la cession de l’île Hong Kong à la Grande Bretagne en 1842 est la douloureuse réminiscence du traité de Nankin, le raidissement de Pékin exprime une flambée patriotique unanime dans l’opinion chinoise.

Sur le continent, le bouillonnement des émotions laisse à Pékin peu de marge pour des concessions assez vite considérées par l’opinion comme une trahison.

Alors que les protestations qui tournent souvent à l’émeute violente, ne donnent aucun signe d’apaisement [2], c’est bien ce contexte de frustrations historiques et de la fierté nationale humiliée, amplifié par la crainte de l’escalade d’une violence incontrôlée qui a présidé à la brutale menace de Xi Jiping exprimée à l’occasion d’une rencontre avec le premier ministre népalais, le 13 octobre dernier.

Notons au passage que l’avertissement lancé depuis l’étranger alors qu’il n’est pas dans les habitudes chinoises de s’exprimer hors de Chine sur les affaires intérieures, traduit quoi qu’on en dise, une fébrilité.

Empruntant à un poème Ming de Yu Qian (1398-1457), Xi Jinping a promis à ceux tentés par le séparatisme de les « écarteler et de briser leurs os en petits fragments - 粉身碎骨fěnshēn suìgǔ - ». Ce n’est pas la première fois que Xi Jinping utilise cette expression. Les archives la notent déjà dans un discours à l’armée, le 15 décembre 2017, dans un sens cependant inverse.

Devant les militaires, le n°1, faisait comme l’auteur du poème l’éloge de ceux qui dans l’histoire se sacrifièrent pour le pays, jusqu’à se laisser broyer en poudre calcaire blanche. Pour une analyse du poème en anglais, lire : 于謙 Yu Qian : 石灰吟 The Limestone Rhyme

Face au radicalisme de Pékin, à l’autre extrémité de l’éventail des rigidités et des absolus, se trouve une minorité de jeunes nés après 1997 peu enclins au compromis et décidés à en découdre pour la protection des libertés dans la R.A.S. Parmi eux, les « localistes » minoritaires ignorant obstinément les réminiscences de l’histoire remettent en question l’appartenance de Hong Kong à la Chine et – très irritant chiffon rouge pour Pékin - militent pour un référendum en 2047.

Signes que les tensions ne cessent pas, le 16 octobre, Jimmy Sham (nom chinois Cen Zijie 岑子杰), 32 ans, l’un des organisateurs des manifestations, coordonnateur du Front pour les droits de l’homme, défenseur des droits des homosexuels et des transgenres (LGBT) a été matraqué par 4 assaillants qui le blessèrent sérieusement, tandis que Carrie Lam submergée par le chahut a été obligée d’interrompre son discours annuel au Conseil Législatif.

Pour ne rien arranger, la veille, la Chambre de représentants américaine votait à l’unanimité « le Hong Kong Human Rights and Democracy Act » qui doit encore être approuvé par le Sénat et la Maison Blanche. Destiné à soutenir les libertés à Hong Kong, il a soulevé la fureur de Pékin qui parle de complot pour freiner la montée en puissance de la Chine.

Le nationalisme rigide inspiré de Mao ne fait pas recette.

Depuis le Japon, Katsuji Nakazawa analyse la situation et la mise en garde de Xi Jinping sans la moindre bienveillance pour le n°1 chinois. Dans un article paru le 17 octobre dans Nikkei Asian Review, il titre « Xi Jinping promet de briser une rébellion qu’il a lui-même créée ».

Le développement rappelle que depuis 2012 année de l’entrée en fonction de Xi, la Chine a abandonné la souplesse, le pragmatisme et la prudence de Deng Xiaoping ; qu’elle n’a cessé de réhabiliter l’image de Mao remise à l’honneur à Tian An Men le 1er octobre et de se réclamer de valeurs opposées à la démocratie. Autant de prises de position qui effrayèrent les partisans des libertés dans la R.A.S.

Plus encore, dans une analogie inversée, il assimile les jeunes révoltés de Hong Kong aux manifestants du 4 mai 1919. A la racine du nationalisme chinois, pétris de justice et militant pour la démocratie, le « mouvement du 4 mai » s’insurgeait contre l’humiliation du traité de Versailles ayant attribué au Japon la colonie allemande du Shandong.

De même, écrit Nakazawa, les révoltés de Hong Kong se rebellent contre l’injustice normative du Parti communiste qui à Pékin reconstruit la statue de Mao, quand, à Hong Kong, on célèbre la statue de la liberté.

Après avoir dénoncé « la main noire de Washington », le Parti qui s’exprime par la voix du Quotidien du Peuple, qui tente d’écarter ses propres responsabilités dans la crise, soulève la question sociale des prix immobiliers et de la difficulté de se loger à Hong Kong.

A cet effet il jette brutalement l’opprobre sur la communauté d’affaires et les développeurs qui furent pourtant ses principaux alliés. « Dans l’intérêt du public », dit le journal « il est temps que les développeurs manifestent plus de sincérité au lieu de s’occuper de leurs propres affaires, accumulant les terres pour en tirer profit, centime après centime. »

Là aussi, le compte n’y est pas. S’il est vrai qu’à Hong Kong, l’immobilier est un casse-tête, la réalité est plus sulfureuse pour Pékin. Une récente enquête d’opinion montre certes que 58% des sondé âgés de 14 à 29 ans sont préoccupés par les questions de logement dans la R.A.S. Mais 91% affirment ne pas faire confiance à Pékin, tandis que 84% disent se méfier de Carrie Lam.

Le même nombre dit vouloir poursuivre le combat pour la démocratie. Peut-être est-ce là pour Pékin le plus dangereux « rhinocéros gris », impossible à faire rentrer dans le rang par la menace et la répression.

Note(s) :

[2La vieille du discours de Xi une bombe de fortune mise à feu par téléphone a explosé à Mong Kok sans faire de dégâts, tandis que le 12 octobre, un officier de police blessé au cou par un coup de poignard donné par un jeune de 18 ans, avait du subir une intervention chirurgicale.


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