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Joseph Wu prône le retour de Taïwan à l’ONU. Retour sur l’histoire et plongée dans les affres de la démocratie taïwanaise

Joseph Wu et le défi démocratique.

La charge médiatique du ministre prend aussi à contrepied le KMT dont l’ADN autocrate et ré-unificateur résiste mal à l’irruption de la démocratie, à la montée du sentiment identitaire et à la brutalité souverainiste de Xi Jinping qui, à Hong Kong, a détruit l’illusion chinoise – au demeurant rejetée par tous dans l’Île tant que le Parti communiste sera au pouvoir - de l’arrangement « un pays deux système ».

A ce propos de l’évolution des esprits, l’itinéraire politique de Lee Tenghui premier Président taïwanais de souche, commencé chez les militaires japonais, continué au KMT pour finir dans le nationalisme taïwanais anti chinois pur et dur, offre l’image saisissante d’un violent contraste avec la ligne actuelle du Parti de Tchang Kai-chek resté fidèle à l’idée de réunification à terme quand l’opinion, notamment celle des jeunes, évolue vers une puissante affirmation identitaire.

Le dernier exemple catastrophique en date du désarroi du KMT fut l’élection à la mairie de Gaoxiong 高雄 en 2018 de Han Kuo-Yu, un amateur manipulé par Pékin, propulsé par des trolls chinois et révoqué par un référendum populaire en juin 2020, six mois après sa très sévère défaite à l’élection présidentielle. Lire : A Taïwan la démocratie directe éloigne l’Île du Continent.

*

Quant au DDP, qui tire profit des transes existentielles du vieux parti, la vérité oblige à dire que, sans les effervescences de Hong Kong en 2019, la réélection en janvier 2020 de Tsai Ing-wen avec 57,1% des suffrages exprimés n’aurait pas été garantie.

Il est vrai que son slogan, inspiré de Ronald Reagan « tout est négociable sauf notre liberté et notre avenir » offre un puissant contrepoids à la brutalité politique de Pékin dans la R.A.S de Hong Kong. Il reste que son parti exprime une fixité idéologique progressiste sans nuances qui pourrait entamer son crédit dans l’électorat traditionnel. Le meilleur exemple est le parti-pris radicalement anti-nucléaire stratégiquement peu réaliste dans la situation de dépendance au Continent dans laquelle se trouve l’Île.

Comme le répète Jean-Marc Jancovici, ingénieur de l’École polytechnique, enseignant et conférencier français, dans le contexte où l’éolien, le solaire et l’hydraulique ne sont encore que des solutions d’appoint, le nucléaire reste pour l’heure le seul « parachute de secours de l’énergie sans carbone. »

A Taïwan, nombre d’électeurs et pas seulement ceux du KMT sont sur cette ligne, opposée à la fin du nucléaire pour 2025, prônée par Tsai Ing-wen. C’est peu dire que le projet précipité et radical applaudi par les écologistes a fracturé la classe politique et inquiété le monde des affaires, les chambres de commerce étrangères et plusieurs groupes civiques locaux.

Entre autres, tous dénoncent l’augmentation du prix de l’énergie et les risques liés à une pénurie d’énergie ne pouvant être compensée que par des centrales à charbon polluantes. Pour l’heure, les enquêtes d’opinion révèlent que 52% des sondés – 61% parmi les fonctionnaires - sont favorables à la poursuite du nucléaire.

Les doutes qui paraissent opposer les générations plus que les formations politiques planent au milieu de la désaffection exprimée à l’égard des deux grands partis traditionnels. En même temps émergent des alternatives politiques, comme celle du maire de Taipei Ko Wen-je, Président du Parti Populaire Taïwanais dont la plateforme politique ambiguë s’exerce au grand écart entre Tsai Ing-wen et une version identitaire et insulaire du KMT.

Crédité par les sondages 15,6% d’opinions favorables, alors que l’audience du DPP et du KMT a respectivement chuté à 22,6 et 18,4%, il devient une force d’alternance crédible.

Lire Victoire sans appel de Tsai Ing-wen sur fond de lourdes incertitudes, qui montre à la fois le spectaculaire rétablissement de Tsai Ing-wen à la faveur des secousses politiques répressives infligées en 2019 par Pékin à la R.A.S de Hong Kong et l’émergence du Parti Populaire.

Pour l’heure alors que la cote de Tsai Ing-wen et du DPP marque à nouveau un reflux jamais observé depuis cinq ans, l’exécutif est harcelé par le KMT, qui demande des comptes, des enquêtes et des démissions après le déraillement du TGV de Hualien, le 2 avril dernier, au moment de la fête de Qingming, dont le bilan, probablement aggravé par les passagers en surnombre, fut de 49 morts et au moins 200 blessés.

Comme l’écrivaient Amy Qing, Amy Chang et Steven Lee Myers dans le New-York Time du 19 juillet, « la tragédie provoqua l’une des nombreuses crises qui ont ébranlé cette démocratie insulaire de 23,5 millions d’habitants, qui se targue d’être une société bien gérée et responsable. » (…) « Elle a sapé la confiance dans le gouvernement à un moment où Taïwan est aux prises avec une recrudescence des cas de coronavirus et des coupures de courant électrique. »

« Alors que la justice a accusé l’entrepreneur ferroviaire Lee Yi-hsiang d’homicide par négligence, les racines de la catastrophe, bien plus profondes, sont des défaillances systémiques de l’Administration des chemins de fer taïwanais qui souffre d’une culture de complaisance hiérarchique et d’un défaut de surveillance. » (…)

(…) « Les entrepreneurs comme M. Lee ont été mal contrôlés, les problèmes de maintenance se sont accumulés, tandis que les responsables ont ignoré les avertissements de sécurité, créant les conditions qui ont contribué à l’accident. »

En haussant l’analyse d’un étage, constatons que si Joseph Wu souhaite continuer à entourer la démocratie taïwanaise d’une aura de vertu, principal argument de sa quête de reconnaissance onusienne, il doit se souvenir que son exercice est exigeant, dans un contexte où le pouvoir à Pékin ne cesse d’en stigmatiser les manquements pour justifier la règle d’un parti unique.


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