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L’ASEAN s’aligne progressivement sur la Chine. Volte face et contrepied américains

Duterte, Kim Jong-un et Trump, sous l’œil de Pékin.

Pour faire bonne mesure, collant strictement à la préférence chinoise pour une solution négociée à tous les conflits, l’association réunie à Manille a exhorté Washington à restreindre ses démonstrations de force dans les parages de la Corée du nord.

L’appel public de l’ASEAN à la retenue faisait suite à une lettre datée du 23 mars (source AFP) du ministre nord coréen des Affaires étrangères Ri Yong Ho adressée à l’ASEAN critiquant l’agressivité militaire de l’alliance Séoul – Washington entraînant « la région aux limites de la guerre, par la faute des États-Unis. ». Publié en même temps qu’un nouveau tir de missile manqué de Pyongyang effectué le 29 avril, l’invitation à la retenue adressée par l’ASEAN à Washington est un indice supplémentaire de alignement de l’Asie du Sud-est dans le sillage de Pékin.

*

Enfin, pour confirmer que les lignes bougent en faveur des solutions chinoises poussant la stratégie américaine vers plus de pragmatisme, même quand celle-ci heurte les schémas de la bonne morale ambiante et ceux, parfois contradictoires, de la sagesse stratégique, Donald Trump a, dans un espace de temps très court, fait deux déclarations qui prirent brutalement à contre-pied son propre camp et la plupart des analystes.

Alors qu’à Manille se déroulait le premier sommet de l’ASEAN sous la nouvelle présidence philippine, le président américain, soulevant la réprobation conjointe des défenseurs des droits et des stratèges conservateurs aux idées le plus souvent opposées a, le 29 avril, invité à la Maison Blanche Rodrigo Duterte qui, il y a peu, insulta publiquement Barack Obama et dont la stratégie de lutte contre la drogue par des milliers d’assassinats ciblés sans jugement, soulève une longue suite de réprobations par les défenseurs des droits.

Autre coup de tonnerre, cette fois dans la routine stratégique de la question coréenne, le 1er mai, reprenant une de ses propositions de campagne avancée en 2016, Trump a affirmé dans une interview à Bloomberg que, si l’initiative était « appropriée et les conditions réunies », il serait « honoré » de rencontrer Kim Jong-un, sans cependant préciser dans quel but.

Les deux démarches sortant des sentiers battus de la diplomatie et de la prudence stratégique s’inscrivent dans la forme iconoclaste de la nouvelle maison blanche qui vilipende les contraintes de la politique traditionnelle sur lesquelles il lui arrive souvent d’ironiser.

Sur le fond, elles paraissent emboîter le pas au réalisme chinois pour qui seul le résultat compte, en dehors des considérations morales. Quant à l’ouverture faite à Pyongyang dont l’avenir nous dira ce qu’il en est tant elle est controversée aux États-Unis, elle possède la vertu d’une « carte sauvage » capable de bousculer les anciens schémas où Pékin se voit comme l’ordonnateur incontournable du dialogue à 6 et d’un processus de négociations avec son allié de la guerre froide.

La bourrasque commerciale chinoise.

S’il est vrai que les tensions continueront à couver en mer de Chine du sud, à propos de la « ligne en 9 traits » transformant l’espace maritime grand comme la Méditerranée en mer intérieure chinoise, sur le sujet des espaces contigus aux récifs artificiels et sur celui de la militarisation des îlots (batteries de missiles antinavires et anti-aériens), il est un domaine où Pékin joue sur du velours, c’est celui de l’intégration commerciale de la région.

Depuis la fin des années 90, la Chine tisse en effet un réseau de libre échange englobant depuis 2015, sous son égide, les 10 pays de l’ASEAN, la Corée du Sud et le Japon. Même si les taxes douanières en théorie supprimées sont progressivement remplacées par des barrières non tarifaires dénoncées à Manille par Najib Razak le premier ministre malaisien (près de 6000 barrières en 2015 contre seulement 1634 en 2000), la nébuleuse commerciale installée par la Chine encore renforcée par le battage fait autour des projets des « Nouvelle routes de la soie » exprime une force d’attraction irrésistible.

En janvier dernier, alors que Trump signait un décret mettant fin au TPP, la Chine affirmait qu’elle soutiendrait toutes les initiatives destinées à le remplacer dont elle est d’ailleurs à l’origine, telles que le partenariat régional économique intégral 区域 全面经济伙伴 关系 协定 (Sigle anglais RECEP) et la zone de libre échange asiatique 亚太自由 贸易 区.

Partout, depuis le G.20 à Hangzhou juqu’au au forum de Davos, en passant par l’APEC à Lima, le message chinois est resté le même : celui du soutien à l’ouverture du commerce global portant cependant des conditions moins strictes et moins exclusives que le projet américain du TPP.

Pékin espère que la réunion organisée les 14 et 15 mai à Pékin, de 28 chefs d’État et de gouvernement [2], – dont 7 de l’ASEAN -, invités autour des projets des « nouvelles routes de la soie » avec des responsables d’Asie Centrale, d’Europe, d’Afrique et d’Amérique latine contribuera encore à la dynamique d’un processus lancé par Li Keqiang au 10e sommet d’affaires Chine – ASEAN en 2013 à Nanning dont le but était de promouvoir les investissements, d’accélérer la baisse des taxes et des barrières non tarifaires, de conclure des accords de long terme pour l’importation des produits agricoles et d’ouvrir le marché chinois aux meilleurs produits de l’ASEAN.

L’objectif affiché pour les relations Chine - ASEAN était de porter pour 2020 la valeur totale des investissements bilatéraux à 150 Mds de $ et du commerce bilatéral à 1000 Mds de $, soit une hausse de 150% par rapport à 2012.

Même si on prend le soin de faire la part des annonces de propagande et des vents adverses qui freineront les enthousiasmes, déjà perceptibles dans les défections à la réunion du 14 mai, il n’en reste pas moins que l’élan et l’attractivité sont là, encore décuplés par le retrait américain. Lire aussi Le « Trans-Pacific Partnership – TPP - », nouvelle bévue stratégique américaine ?.

Note(s) :

[2A la date de la rédaction de cette note étaient invités tous les Chefs d’États et de gouvernements de l’ASEAN, sauf ceux de Brunei, Singapour et Thaïlande.

La liste des attendus (Xinhua) compte aussi le Russe V. Poutine, le Turc R. Erdogan, la Suisse Doris Leuthard, l’Italien Paolo Gentiloni, l’Espagnol Rajoy, le Grec Tsipras, le Hongrois Orban, le Tchèque Zeman, le Biélorusse Lukashenko, le Serbe Vucic, le Polonais Szydlo, l’Ouzbek Mirziyoyev, le Kazakh Nazarbayev, le Kenyan Kenyatta, l’Ethiopien Hailemariam Dessalegn, le Fidjien Bainimarama, le Mongol Erdenebat, le Pakistanais Sharif, le Sri Lankais Wickremesinghe, la Chilienne Michelle Bachelet, l’Argentin Macri. Parmi les absents, la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne, le Japon, la Corée du sud, l’Inde, l’Iran et les États-Unis.


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