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›› Chronique

La Chine après le COVID 19. Quelle place pour nos industriels de la santé ? (2e partie.)

Défiance.

Mais le phénomène le plus notable est sans conteste la méfiance généralisée de l’Occident inquiet des ambitions et politiques chinoises [12].

Celles-ci sont désormais d’autant mieux documentées et comprises par les pays de l’OCDE, qu’elles véhiculent des valeurs a-libérales contredisant les règles du marché ayant présidé au développement des échanges économiques depuis la Seconde Guerre Mondiale mais qui, contournées par Pékin, ont finalement favorisé de manière asymétrique les intérêts chinois.

Cette situation alimente aujourd’hui en Occident une revendication générale de « réciprocité » qui depuis 2020,constitue le fond de tableau de toutes les négociations avec la Chine [13].

Certes, on ne peut pas parler de guerre froide [14]. Mais la tendance générale est clairement celle d’un endiguement (« containment ») de la Chine, partout suspectée d’insincérité ce qui nourrit la défiance.

Derniers exemples en date, le sommet UE-Chine (14 sept. 2020) et la tournée européenne de WANG Yi (20 août 2020), ministre des affaires étrangères de Chine. Les deux événements ont tourné autour du même sujet, celui de l’accord UE-Chine sur la protection des investissements, objet des difficiles négociations depuis 2013.

Objectivement, tout indique que la Chine n’a jamais voulu aboutir sur ce sujet (voir encadré), au cœur de sa stratégie de développement.

En essayant de relancer le dossier dans le cadre d’une offensive de charme destinée à amadouer l’Europe tout en lui laissant croire qu’ils lui réservaient un traitement de faveur, les négociateurs chinois n’ont essuyé que du scepticisme et de l’incrédulité (lire à ce sujet : Wang Yi et Yang Jiechi en quête de rédemption diplomatique en Europe.).

Contrefeux

Le vent a tourné, l’heure est plutôt aux contre-mesures : la guerre commerciale et technologique États-Unis - Chine, les restrictions en matière de prises de contrôle d’entreprises européennes par la Chine, le bannissement de fabricants chinois de matériel 5G ne sont que des symptômes de la situation, parmi beaucoup d’autres.

Contre toute attente, et c’est le paradoxe actuel, cette tendance a pour effet de renforcer la conviction du Parti que le pays possède un modèle de développement international capable de s’exporter, en particulier vers les pays qui ont adhéré à « BRI » (voir la note 6 de la page 1).

Naturellement, cela se traduit par un renforcement de l’autorité du PCC, une centralisation toujours plus grande du pouvoir ainsi que des réactions contre intuitives, à l’instar de la promulgation de la loi sur la sécurité de Hong Kong.

Dans le même temps, et la communauté d’affaires occidentale en Chine le sait bien, les canaux de discussion avec les autorités compétentes se réduisent.

En Chine, les décideurs économiques, les responsables publics ou les communautés universitaires sont en effet incités au silence, et pas seulement pour éviter toute fuite d’information quant à la gestion de la crise épidémique et aux travaux actuellement en cours en Chine.

Plus fondamentalement, le raidissement est le résultat de la peur des règlements de compte internes et l’atmosphère de persécution.

Pour nombre d’analystes, cette situation conduit à un ralentissement des affaires parce que les décideurs chinois sont tout simplement dans l’expectative. Plus grave, et ce point de vue circule depuis 2018 parmi les bons connaisseurs de la Chine, alors que les contacts avec l’extérieur se font plus rares, le gouvernement chinois ne semble plus alimenté par des analyses contradictoires capables d’orienter la décision publique de façon réaliste.

Chasse aux sorcières et pensée unique obligent, le gouvernement chinois n’a plus qu’une vision, celle de l’appareil qui ne fournit que des déclinaisons de la doctrine normative de XI Jinping. Un peu comme au temps de la terreur stalinienne où les décideurs communistes préféraient tordre le cou aux statistiques et aux réalités pour être conformes au soviet suprême.

Un phénomène de même nature est à l’œuvre en Chine. Ceci étant, ce mutisme imposé à la population et aux décideurs signifie probablement que le débat s’est déplacé au niveau supérieur. Mais jusqu’à quand ? Et pour déboucher sur quoi ?

Dans tous les cas, il est difficile de croire à des changements majeurs au cours des prochains mois. En matière de santé et de sciences de la vie, à défaut de pouvoir s’appuyer sur un dialogue constructif et suivi avec les autorités chinoises, les intérêts occidentaux ont probablement tout intérêt à en savoir plus sur les aspects santé/médicaments de la préparation du 14e plan et à différer tout investissement.

Stabilité, consolidation, développement intérieur, croissance qualitative et innovation devraient sans doute constituer les lignes directrices de ce plan. Avec à la clé des financements, des réformes et de nouvelles politiques capables de faire émerger des géants chinois. Ces derniers chercheront ensuite des relais de croissance hors de Chine, comme c’est déjà le cas dans le numérique, le commerce ou l’électronique.

Autant anticiper dès maintenant ce qui est susceptible de se produire dans le grand secteur de la santé dès que l’appareil aura achevé sa remise en ordre et tiré profit des coopérations génériques étrangères.

(*) Pseudonyme d’un responsable de l’administration centrale qui travaille dans un ministère technique. L’auteur a suivi les développements de l’accord franco-chinois de 2004 ainsi que certains dossiers de la coopération bilatérale non économique. Il a une bonne connaissance de la Chine.

Note(s) :

[12(…) « La Chine est un rival systémique » (…). Extrait d’une résolution européenne destinée au Conseil européen (les chefs d’État) qui s’est réuni début 2019 autour d’un ordre du jour consacré à la Chine. Le texte d’une dizaine de pages a été entériné par tous les chefs d’État de l’UE, à l’exception de la Hongrie.

[13Récemment, le principe a été mis en avant dans les « négociations » bilatérales franco-chinoises au sujet des visas, des règles sanitaires (quarantaine) et de la circulation aérienne.

[14Le terme est excessif car la Chine restera un pays mondialisé en prise avec l’Occident. Du reste, même aux États-Unis, personne ne songe à intervenir sur les « facteurs » fondamentaux, à savoir le capital (ex. le Yuan est accroché à l’USD, les banques chinoises ne sont jamais pénalisées alors qu’elles font d’excellentes affaires en Iran, la Chine achète des bons du Trésor américain…) et les échanges humains se poursuivent (les universités et la science américaines fonctionnent grâce aux étudiants et chercheurs chinois…).


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