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La Chine peut-elle contourner l’Amérique par l’Iran ?

L’opportunisme de la détestation de l’Amérique.

Dans l’Opinion du 22 juillet Claude Leblanc, rappelle les critiques du sérail américain accusant D. Trump d’avoir, par ses attitudes d’hostilité ouverte, « précipité l’Iran dans les bras des Chinois ».

Le point de vue faisait l’objet d’un article le 16 juillet derniers dans le Chicago Tribune par Ivo Dalder ancien ambassadeur américain à l’OTAN :https://www.chicagotribune.com/opinion/commentary/ct-opinion-iran-china-pact-trump-daalder-20200716-ftdlnqts6zaplerban2zwtzzn4-story.html

Faisant feu de tout bois, Pékin pourrait aussi chercher à tirer profit de l’ouverture iranienne pour damer le pion aux intérêts en Iran de New Delhi, son rival régional avec qui les relations plombées par une opposition culturelle irrépressible ne s’arrangent pas.

Engagée avec Téhéran dans le développement du port de Chabahar, point de transit de son flux commercial vers l’Afghanistan grâce à la voie ferré vers Zahedan (630 km) à la frontière afghane, construite par l’Indien IRCON, New-Delhi est aussi le pilier américain du contournement de la Chine par le concept dit de la zone « Indo-Pacifique ».

A ce titre suggère C. Leblanc, la manœuvre de Pékin qui tente d’affaiblir les positions indiennes en Iran enfonce un coin dans la construction anti-chinoise de Washington que les stratèges appellent « la Zone Indo-pacifique ».

*

En même temps, l’Opinion observe que la manœuvre pourrait également être l’expression d’une vulnérabilité, exprimant l’urgence pressante ressentie à Pékin de construire un contrepoids aux hostilités qui montent presque partout en Occident contre la Chine. La même intention pousserait Pékin à élargir son empreinte jusqu’aux Émirats et en Arabie Saoudite, même au risque de gêner sa stratégie iranienne.

Reste à vérifier les intentions réelles de Pékin en Iran et, surtout, au-delà des postures, l’accueil que les Iraniens réservent à la Chine qui, selon Clément Therme, chercheur au CERI expriment un fort sentiment anti-chinois, aggravé par la pandémie.

Hostilité de l’opinion iranienne et ambiguïté chinoise.

« Nous étions déjà mécontents de tous ces produits chinois de mauvaise qualité que l’on trouve partout. Mais maintenant, en plus, ils nous ont apporté cet horrible virus. », lançait une iranienne citée par l’Opinion du 12 mars dernier dans un article dont le titre était sans ambiguïté : « Coronavirus : le partenariat stratégique avec la Chine à l’origine de l’épidémie en Iran ».

L’accusation s’appuyait sur une appréciation du Centre de recherches Chatham House de Londres : « Pour Téhéran la Chine représentait le partenaire commercial de la dernière chance. Il s’est transformé en bombe toxique ». Les médias sociaux iraniens ne sont pas tendres. On y critique les abandons « humiliants de territoires à une puissance étrangère et à ses troupes » ; « le manque de fiabilité économique de la Chine » et « les attentes excessives des autorités iraniennes. »

Même des figures politiques aussi violemment opposées que Reza Pahlavi, le fils du Shah défunt et l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad ont donné de la voix pour dénoncer « l’abandon honteux de souveraineté » que représentait l’accord avec Pékin.

Enfin, à l’examen, on constate que jusqu’à présent la réalité des engagements chinois qui paraissent traduire une réticence prudente, n’ont pas été à la hauteur des déclarations d’intention.

Déjà avant la nouvelle des sanctions américaines en 2018, Pékin et Téhéran avaient affiché l’objectif improbable d’un commerce bilatéral de 600 Mds de $ alors qu’en 2019, trois années après les déclarations, il n’était que 23 Mds de $, en chute sévère de 34,3% par rapport à 2018.

Depuis 2016, loin d’augmenter, les investissements chinois se sont contractés année après année, pour ne représenter qu’un total de 27 Mds de $ entre 2005 et 2019.

De fait, en 2019, la Chine n’a investi que 1,54 Mds de $ contre 5,36 Mds en Arabie Saoudite.

S’il est vrai qu’après les sanctions, Pékin a continué d’acheter du pétrole iranien, les quantités n’ont cessé de décliner rapidement au point que, depuis 2019 elles ont baissé de 89%. En juin dernier, elles étaient nulles, alors que les achats à l’Arabie Saoudite atteignaient le chiffre record de 8,8 millions de tonnes.

De l’avis même des autorités de Téhéran, jusqu’à présent, l’engagement de Pékin en Iran a été « tiède ». Elles comptent bien que l’accord annoncé il y a trois ans et récemment approuvé par le parlement, le relance, alors que l’économie est sérieusement tirée vers le bas par la pandémie et que l’image internationale du pays a encore été dégradée, le 8 janvier 2020, quand une erreur de tir a abattu un avion de ligne ukrainien prés de Téhéran (176 morts).

La valeur stratégique de l’Iran dans le jeu chinois.

Pour Pékin la Perse n’est ni une source de pétrole, ni une priorité économique. En d’autres termes, la Chine est bien plus indispensable à l’Iran que l’inverse. En revanche, s’il est exact que l’intérêt économique est marginal – l’accord pourrait néanmoins modifier cette situation -, le pays reste un atout stratégique dans la compétition avec Washington.

Grâce aux controverses, Pékin se donne la posture d’un pays capable de tenir tête aux États-Unis. En même temps, le point chaud du Moyen Orient créé par Téhéran, détourne d’importants moyens navals américains de l’Asie Pacifique que le Pentagone dépêche dans la zone du golfe persique.

Surtout, point crucial pour Pékin, explique John B. Alterman, Directeur Moyen Orient au CSIS, la question iranienne très controversée, isole Washington de ses alliés européens.

Dans ce jeu où Washington dont la réputation souffre toujours de la désastreuse campagne d’Irak du début des années 2000, qui, de surcroît, a endossé le rôle subversif d’avoir sérieusement affaibli un accord international considéré à tort ou à raison comme vertueux, la Chine, est plus à l’aise dans les relations bilatérales avec chacun des pays de la zone, y compris Israël.

Elle y fait valoir ses intérêts et développe ses projets d’infrastructure grâce à ses groupes publics directement liés aux banques d’État et à l’exécutif.


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