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La mort de Ben Laden et les complexités du « Grand Jeu » chinois

Pékin affirme sa présence en Afghanistan, contre l’influence occidentale.

Sur le théâtre du Pakistan et de l’Afghanistan - AFPAK pour les Etats-Unis -, la Chine, absente de l’opération militaire, à laquelle elle s’est toujours opposée en vertu du principe de non ingérence, est cependant très active par le biais de ses liens privilégiés de plus d’un demi-siècle avec Islamabad, son principal allié dans la zone.

En Afghanistan, elle avance ses pions au travers de projets d’infrastructures et d’exploitations minières appuyés par des investissements massifs de l’Etat, dont l’ampleur signale à quel point la région est prioritaire pour Pékin.

Le mode d’action, articulé autour d’un pragmatisme économique débarrassé des exigences de bonne gouvernance et assorti de contacts avec toutes les factions, y compris les Talibans, tranche radicalement avec celui de l’ISAF, dont Pékin critique l’approche néocoloniale.

Faisant cela, la Chine développe sans complexes une stratégie de dénigrement des méthodes occidentales et se place clairement du côté de ceux qui considèrent le terrorisme comme un avatar des déséquilibres du monde.

La méthode fait écho au message posté à propos de Ben Laden, le lundi 2 mai par Zhang Xin, responsable du site militaire de la télévision d’état : « ce milliardaire n’a pas souhaité vivre confortablement, mais avait choisi de défier la superpuissance en vivant dans des grottes. Il est devenu le plus grand héro de l’histoire des Arabes, combattant avec ses propres moyens le pays le plus puissant de la planète. Que Ben Laden soit mort ou pas, n’a plus d’importance. Il incarne déjà l’esprit d’un système de pensée anti-américain ».

Ménager toutes les options d’une situation complexe. Parer au risque du terrorisme nucléaire.

C’est peu dire que l’appréciation portée par la Chine sur l’événement est ambigüe, cherchant à préserver toutes les options, avec en arrière plan sa relation avec Washington, l’oeil rivé sur le risque du terrorisme nucléaire.

Au-delà des paroles officielles et laconiques livrées par la porte parole du Wai Jiaobu, décrivant la mort de Ben Laden comme « un événement important et un développement positif dans la lutte contre le terrorisme », surgissait déjà le souci chinois d’un basculement des priorités américaines « post-terroristes » ciblant la Chine, avec, en arrière plan, la crainte d’une attitude plus agressive de Washington à l’égard de Pékin.

C’est en tous cas ce que laissaient entendre plusieurs intellectuels s’appuyant sur des révélations des fuites du Département d’Etat qui signalaient clairement que la Maison Blanche et le Pentagone allaient désormais construire leur politique en Asie autour du risque posé par l’émergence de la puissance militaire chinoise : « les Etats-Unis réduiront leurs efforts antiterroristes et se concentreront plus sur les pays émergents », estimait Jin Rancong professeur de relations internationales à l’Université du Peuple.

Un éditorial du Global Times, surgeon du Quotidien du Peuple, dissertait même sur l’hypothèse, il est vrai pour l’écarter, qu’après la mort de Ben Laden, la Chine et les Etats-Unis deviennent de véritables ennemis.

Il ne serait pourtant pas exact de penser que la disparition de Ben Laden n’a pas été aussi un soulagement pour la direction chinoise. La mouvance Al Qiada, adepte du fanatisme religieux exclusif et du terrorisme suicide constitue un mystère inquiétant pour ce peuple et ce régime, en grande partie agnostique, dont les croyances religieuses traditionnelles se nourrissent d’un syncrétisme associant les meilleures parts du Bouddhisme, du Taoïsme et du Confucianisme.

Alors que les intérêts chinois sont aujourd’hui éclatés dans le monde, souvent dans des zones instables, menacées par l’Islam radical, qui, de l’avis des stratèges chinois continue de guetter le Xinjiang, le terrorisme est, au-delà de la propagande, peu à peu aussi devenu une vraie préoccupation de la direction du Parti et des grands groupes pétroliers ou miniers opérant dans les zones à risques et dont la sécurité est, comme celle des Occidentaux, menacée par des enlèvements ou des attentats.

Mais il y a plus. La Chine, alliée indéfectible d’Islamabad, aurait tout à craindre d’une déstabilisation du Pakistan, son principal appui dans la zone, en proie à une vague terroriste, dont l’ampleur est, en 2009 et 2010, devenue préoccupante, avec 19 000 victimes, dont 4000 civils, 1500 militaires et 14 000 « Djihadistes ».

Comme Washington, dont les intérêts rejoignent les siens sur les risques de prolifération, Pékin craint aussi les menaces qui pèsent sur l’arsenal nucléaire pakistanais, principale raison du « lâchage » de Ben Laden par les services secrets d’Islamabad, pour qui les liens avérés avec les mouvances terroristes constituaient, jusqu’à présent, un des principaux leviers d’influence et d’action contre l’Inde et ses prétentions en Afghanistan.


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