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›› Politique intérieure

La transparence hésitante des « 两会 »

Entre transparence et protection du Parti.

Le nouveau ministre de l’environnement Chen Jining lors de sa conférence de presse le 14 mars. « Quand j’étais à Qinghua, mon premier souci le matin était de me préoccuper des étudiants. Maintenant mon premier geste est de regarder le ciel. » Après avoir cautionné le documentaire de Chai Jing, il fut pris à contrepied par la censure qui l’a interdit. Photo : Sanghee Liu

Dernier avatar en date des contradictions du régime confronté à l’immense défi de la modernisation, de la reconstruction éthique de l’appareil et de la lutte contre les monstrueux effets de la pollution qui supposeraient plus de vérité et de transparence publique, dont le Parti craint cependant les effets pervers pour son magistère : la censure à contretemps, après que plus de 300 millions de Chinois l’ait visité, du film « 穹顶之下 Qiong Ding Zhi Xia - sous le dôme - » réalisé sur la grave pollution de l’air en Chine par Chai Jing 柴 静 une journaliste d’investigation de la TV d’État.

Les péripéties de la mise en ligne du travail de Chai Jing d’abord cautionné par le Quotidien du Peuple dans une longue interview édifiante de l’auteur avant d’être brutalement occulté par la censure, en disent long sur les hésitations du pouvoir. Pris entre, d’une part, la nécessité d’une action vigoureuse et consensuelle pour mettre fin aux destructions écologiques et d’autre part, l’angoisse du Parti face aux possibles mobilisations de l’opinion contre lui, il a opté pour le verrouillage.

Le nouveau ministre de l’environnement lui-même, Chen Jining 陈吉宁, venu tout droit de Qinghua dont il était le président, en même temps que le doyen du département des Sciences de la vie, fut à son corps défendant la première victime de ce contrepied politique du département de la propagande ayant réussi à imposer au Comité Permanent sa vision très limitée de la transparence politique. Encore peu au fait des arcanes internes du sérail, il avait en effet d’abord gratifié Chai Jing d’une appréciation positive.

Lire notre article à propos de la la popularité de Chai Jing

La conférence du 15 mars de Li Keqiang n’a pas complètement dissipé le malaise face à la manière dont le régime entend traiter la question de la pollution dont certains disent qu’elle est le plus grave défi que la Chine aura à affronter. Sa solution supposerait en effet un engagement technologique et de ressources financières potentiellement capables de provoquer une chute de plusieurs points de croissance.

A une question d’un journaliste du Huffington Post qui l’interrogeait sur ce que le gouvernement comptait faire pour remédier aux pollutions dénoncées par Chai Jing, le premier ministre a, sans mentionner le documentaire dont le nom a été banni de la conférence de presse, reconnu que les résultat n’étaient pas à la hauteur des attentes du gouvernement et de l’opinion.

Prudence et prise de conscience écologique.

Mais alors qu’une autre question ciblait les errements polluants des grandes compagnies d’hydrocarbures pointées du doigt par le documentaire, il s’est abstenu de les critiquer directement. Pour autant, en dépit des hésitations provoquées par la crainte d’une contestation politique d’envergure contre le Parti, la prise de conscience du régime progresse à grands pas. Sur ce point au moins le discours de Li Keqiang fut sans ambiguïté : « nous devons traîner en justice les auteurs de pollutions illégales et leur faire payer le prix fort pour leurs transgressions ».

Zhu Lieyu président d’un cabinet d’avocats à Canton et un des délégués de l’ANP, a même proposé en amont de la session que le ministre de l’environnement fasse chaque année le point de son action dans un rapport à l’assemblée à l’instar de la CNRD et du ministère des finances et que le maintien à son poste soit décidé par un vote. On n’en est pas encore là, mais la proposition, impensable il y a quelques années, témoigne sans doute d’une nouvelle conscience écologique.

Adoucissement stratégique.

Sur les questions stratégiques et diplomatiques la session est restée encore plus convenue rappelant les positions immuables de la Chine qui mêlent l’affirmation de souveraineté à son discours sur la prévalence des relations commerciales à l’avantage de tous. Avec cependant l’indice d’une perplexité sur la question de la Crimée où, tout en restant fidèle à ses principes de non ingérence et de respect de l’intégrité territoriale, le 15 mars, Li Keqiang a cru nécessaire de préciser que le sujet était « complexe ». Prudent, il n’a cependant jamais mentionné la Russie avec qui la Chine a pourtant développé des relations militaires et économiques très étroites.

Sous le coup d’un bombardement de l’armée birmane tombé le 14 mars dans le sud du Yunnan, tuant 4 fermiers chinois dans un champ de canne à sucre, le Premier Ministre a adopté un ton plus ferme à l’égard des autorités du Myanmar qu’il a menacées de représailles si les incursions en territoire chinois de ne cessaient pas.

Enfin, le 15 mars les commentaires sur les relations avec les États-Unis ont confirmé le parti pris d’apaisement apparu en novembre, lors de la Conférence de l’APEC à Pékin. Édulcorant les tensions à propos de cyber-guerre ou les controverses sur les attaques contre les sociétés IT américaines sous couvert de guerre contre les monopoles, Li a repris le discours des autorités américaines et formulé l’espoir que l’accord sur les investissements toujours en négociation pour une plus grande ouverture du marché des services chinois finirait par tracer de nouvelles perspectives de la relation entre Pékin et Washington.

…et occultation.

La mise sous le boisseau des rivalités avec Washington fut un des exemples de l’estompage et assez souvent de l’occultation qui, lors de cette session, ont tenu hors des projecteurs publics quelques un des grands défis qui hantent le Parti.

Ils vont de la difficulté de l’intégration des migrants confrontée à l’inertie des municipalités perpétuant une discrimination sociale explosive jusqu’à l’omerta qui règne sur la situation au Xinjiang où les compte-rendus du pouvoir deviennent parcellaires et imprécis, en passant par les interrogations politiques sur la tourmente anti-corruption, les contradictions du droit constitutionnel, ou les risques posés par l’obsession de réunification avec Taïwan contre la volonté des habitants de l’Île.

Lire Closer Look : Local Officials Have Little Love for National Hukou Reform


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