Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Editorial

Large victoire de Tsai Ing-wen. L’indépendance mise en sommeil. Pékin réagit avec placidité

NOTES DE CONTEXTE

La sensibilité collatérale de la politique « d’une seule Chine. »

Le 15 janvier 2016, Chu Tzu-yu, une jeune taïwanaise de 16 ans membre d’un groupe coréen de musique pop diffusait une vidéo pour s’excuser d’avoir brandi en même temps les drapeaux taïwanais et coréen lors d’un concert à Séoul.

Le 16 janvier, dans la conclusion de son adresse, la future présidente qui sera, partir du 20 mai, la deuxième femme chef d’État en Asie avec la sud-coréenne Park Geun-hye, n’a pu s’empêcher de revenir sur un incident, survenu la veille du scrutin ayant beaucoup heurté la sensibilité des Taïwanais. La polémique qui a enflé de part et d’autre du Détroit, symbolise à elle seule la complexité de la question, enracinée dans un enchevêtrement de sentiments nationalistes, d’incompréhensions historiques et de non-dits politiques.

Le 15 janvier, alors que l’électorat de l’Île s’apprêtait à porter au pouvoir une femme dont la plateforme politique exprime une rupture avec le sentiment d’appartenance au Continent, Chu Tzu-yu, une jeune taïwanaise de 16 ans membre d’un groupe coréen de musique pop diffusait une vidéo pour s’excuser d’avoir brandi en même temps les drapeaux taïwanais et coréen lors d’un concert à Séoul.

Le geste de contrition répétait le mantra politique de l’existence d’une seule Chine qui lui avait été imposé par la société de distribution du groupe, inquiète des conséquences commerciales de l’incident sur le Continent après de violentes réactions des réseaux sociaux chinois. Pour faire bonne mesure, la jeune Chu qui affirma s’être toujours sentie chinoise, déclara aussi qu’elle cesserait ses activités en Chine et entamerait une sérieuse introspection sur le sujet des relations dans le Détroit.

Ce n’est pas le premier incident de ce type. En 2000 Chang Hui-mei une artiste pop qui avait chanté lors de la cérémonie d’intronisation de l’indépendantiste Chen Shui-bian, fut interdite en Chine.

Le Global Times, toujours prompt à relayer les indignations nationalistes du Continent, exprima la satisfaction d’une « victoire de la conscience nationale chinoise contre les tenants de l’indépendance de Taïwan. » Le 16 janvier, un porte parole du Bureau des Affaires taïwanaises à Pékin suggéra que l’indignation des Taïwanais après les excuses de Chou n’était le fait que de quelques provocateurs, ne reflétant pas l’état d’esprit des compatriotes de part et d’autre du Détroit.

La réalité était cependant bien différente. Pour Tsai Ing-wen la société de l’Île dans son ensemble a été secouée par l’incident qui, a t-elle ajouté, mettait en exergue la nécessité de l’unité politique face aux défis extérieurs.

*

Qui est Tsai Ing-wen ? 蔡 英 文

Tsai Ing-wen, restée ambiguë sur les questions de souveraineté affirme la spécificité démocratique de l’Île et son droit à une marge de manœuvre diplomatique qu’elle demande à pékin de respecter.

Les épaules légèrement voutées et d’allure générale discrète, Tsai Ing-wen (59 ans), ne semble pas être une menace pour le Parti Communiste chinois, estime Cindy Sui journaliste pour la BBC. Pour autant, elle vient de remporter les élections présidentielles et croit dur comme fer que l’avenir de Taïwan devrait être déterminé par les habitants de l’Île.

La profession de foi, dont elle ne démord pas, réaffirmée dans son discours du 16 janvier où elle a mis l’accent sur l’importance de la démocratie pour les Taïwanais, n’en pose pas moins un défi direct à la Chine qui considère que l’Île est vouée à la réunification y compris par la force, si nécessaire.

En réalité, Tsai est un mystère pour Pékin qui doit maintenant tenter de comprendre quelle importance la nouvelle présidente accordera à la question de souveraineté, un sujet sur lequel elle est restée très ambiguë.

Première femme chef de l’État taïwanais, elle n’est pas issue d’une famille de politiciens. 11e et dernier enfant des 4 mariages de son père, un garagiste et homme d’affaires à succès, élevée dans un environnement familial aisé, Tsai a passé les 30 premières années de sa vie plongée dans les études académiques.

Licenciée en droit de l’Université Nationale de Taïwan et de l’Université Cornell aux États-Unis, elle a aussi obtenu un Doctorat en économie de la London School of Economics, avant de devenir professeur de droit, puis Conseiller juridique du gouvernement pour les négociations d’entrée de Taïwan à l’OMC.

Conseiller pour les questions de sécurité du Président Lee Teng-hui, elle a participé à la mise au point de sa stratégie de « relations d’État à État » entre Taiwan et le Continent. Après quoi, elle a, pendant le mandat très heurté de Chen Shui-bian, pris la tête de la Commission pour les Affaires continentales. Au cours de cette période où les relations avec Pékin étaient au plus bas, elle a, en 2001, mis en place des relations directes par ferry entre les îles périphériques de Taïwan et la Chine et, plus tard, les premiers vols charter directs avec le Continent.

En 2003, elle a, en dépit des réticences de son parti, convaincu Chen Shui-bian et le Yuan législatif de voter une loi légalisant les investissements taïwanais sur le Continent qui, à l’époque, ne faisait qu’entériner des pratiques déjà anciennes, mais illégales. Cet arrière plan de haut fonctionnaire ayant pris l’initiative de briser quelques tabous des relations dans le Détroit, lui confère l’image d’une femme souple et pragmatique, mais capable d’imposer ses vues avec autorité.

En 2004, elle entre au Parti pour le Progrès Démocratique (民进党,Min Jin Dang – PPD ou DPP en anglais) et fut brièvement membre du Yuan Législatif dans le quota des députés du Parti hors circonscriptions géographiques avant de devenir vice-premier ministre dans le gouvernement de Su Tseng-chang jusqu’à la démission collective du cabinet en 2007. En 2008, elle est, pour la première fois, élue Présidente du DPP, mais, en 2010, elle échoue face à Eric Chu dans sa tentative de conquérir la mairie du nouveau Taipei.

En 2012, elle démissionne de la présidence du parti à la suite de son échec aux présidentielles face à Ma Ying-jeou. En 2015, elle est officiellement nommée candidate du DPP pour les élections présidentielles et choisit l’épidémiologiste et ancien président de l’Académie Sinica, Chen Chian-jen, (陳 建仁) comme colistier qui, le 20 mai prochain, deviendra vice-président de la République de Chine.

Pour autant, même ceux qui la connaissent bien, ignorent sa position réelle sur la question de l’indépendance de l’Île. Elle n’est ni une anti-chinoise ni une indépendantiste radicale explique son biographe Chang Jin-wen. C’est aussi l’avis de Kou Chien-wen un professeur de sciences politiques à l’Université Nationale qui loue sa souplesse d’esprit, son pragmatisme et son intelligence.

En dépit des pressions exercées sur elle par la Chine et le KMT elle a toujours refusé de reconnaître le consensus d’une seule Chine. Pour autant, bien que fermement attachée aux principes démocratiques et à la souveraineté de l’Île il est peu probable qu’elle prenne le risque de pousser les feux de l’indépendance, tandis que sa formation d’économiste lui permet de comprendre à quel point le marché chinois est important pour l’économie de l’Île.

Ayant une origine ethnique mixte Hakka par son père, Minnan (sud-est de la Chine et Est de Taïwan) par sa mère et aborigène par sa grand-mère maternelle, Tsai s’est pour l’instant assurée la confiance des Taïwanais qui la soupçonneront moins de favoriser la réunification. Il lui reste à faire le plus difficile : amadouer Pékin et rassurer les plus radicaux de son parti sur ses intentions réelles quant à l’indépendance de l’Île.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Le révisionnisme sino-russe sur les traces de la révolution mondiale maoïste. Au Moyen-Orient, les risques avérés d’une escalade mortelle

A Hong-Kong, l’inflexible priorité à la sécurité nationale a remplacé la souplesse des « Deux systèmes. »

14e ANP : Une page se tourne

La stratégie chinoise de « sécurité globale » face aux réalités de la guerre

Que sera le « Dragon » ?