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Le DPP secoué par les élections locales. Retour des Chiang. La nébuleuse des « Indépendants », troisième force potentielle

Les jeux de 2024 sont loin d’être faits, mais la bataille est lancée.

Depuis le 26 novembre, le débat dans l’Île se développe autour de la réelle signification du scrutin. Les uns estiment que la défaite du DPP est dans l’ordre des choses. Ils se souviennent qu’en 2020, Tsai Ing-wen, déjà en perte de vitesse dans les sondages, n’avait été réélue qu’à la faveur de l’alourdissement de la main de Pékin à Hong Kong.

Stigmatisant la mauvaise gestion de la pandémie, les gaspillages de l’argent public et les errements écologiques anti-nucléaires du DPP à l’origine de pannes répétées dans l’Île (lire : Pannes à répétition et sécurité énergétique), ils accusent de surcroit Tsai d’avoir provoqué les tensions dans le Détroit en rejetant la politique « d’une seule Chine. »

D’autres attribuent le revers à la faible mobilisation des plus jeunes électeurs du DPP, qui, selon Simon Chen professeur de sciences politique à L’Université Nationale ont considéré que le sujet principal de la souveraineté de l’Île n’était pas en cause.

Alors que le passé récent de la très volatile scène politique de l’Île est marqué par des coups de théâtre de revirements spectaculaires de l’opinion, les spéculations sur les rapports de forces en vue des présidentielles de 2024 vont bon train.

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Les deux partis, conscients à la fois de l’ombre portée de la Chine et de l’insistant glissement de l’opinion confirmé par les sondages vers un rejet majoritaire de tout rapprochement politique avec le régime chinois, ont commencé à se mettre en ordre bataille. En dépit des flagrantes différences de leur rapport à l’histoire et au Continent, leur promesse commune est de défendre la liberté et le système démocratique de l’Île.

En marge, la carte sauvage des « Indépendants  ». S’il est exact que la longue cohorte des conseillers issus de cette mouvance ne possède aucun levier constitutionnel lui permettant d’influer sur la politique de l’Île à l’égard de Pékin, son importance n’en révèle pas moins une fatigue du face-à-face manichéen entre la mouvance de rupture du DPP et celle du KMT enracinée dans la culture chinoise de part et d’autre du Détroit.

Enfin, avec 5 sièges au Yuan législatif le parti populaire de Ko Wen-je, centriste proche des « Indépendants  » pourrait s’allier à l’un ou l’autre des deux grands partis, ce qui fait déjà de lui, une des charnières de la prochaine présidentielle.

Au KMT, malgré les succès aux élection locales de 2018, la figure du Président Eric Chu est contestée. Elle est en effet associée aux débâcles du Parti dont le cuisant échec de Han Kuo-yu en 2020 est le symbole le plus douloureux (lire : [Le KMT s’alarme des déboires de son candidat. Net redressement de la popularité de Tsai Ing-wen-3603]).

Dans une atmosphère générale dominée par la défiance envers le Continent, la tâche du KMT toujours soupçonné par les progressistes de brader la personnalité politique de l’Île, n’est pas simple. Aujourd’hui, le favori du public est le très populaire maire du Nouveau Taipei Hou You-yi, tout juste réélu.

A 65 ans, cet ancien chef de la police (2006 – 2008) au caractère ouvert et extraverti, est resté dans les mémoires pour avoir en 1997 conduit les opérations de libération de l’Attaché de défense sud-africain Alexander McGill pris en otage à Taipei avec sa famille par le tueur en série Chen Chien-hsing.

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Au DPP, après la défaite locale et la démission de Tsai, au milieu d’une exigence de refondation des structures du Parti et des questionnements de sa politique dans le Détroit critiquée par une partie de l’opinion, le paysage est tout aussi incertain.

Le candidat naturel sera le Vice-Président William Lai - Lai Ching-te (賴淸德), 63 ans, ancien premier ministre candidat malheureux face à Tsai, lors de la pré-sélection des présidentielles de 2020.

Mais, alors que ses adversaires du KMT ont réduit la voilure internationale pour focaliser sur le pragmatisme de la politique intérieure de l’Île et les « accommodements raisonnables  » qui tentent de préserver un improbable statuquo avec le Continent qui presse de plus en plus l’échéance de réunification, le DPP est toujours confronté au défi majeur de sa stratégie de rupture.

Face à Pékin révulsé par le refus du Parti de reconnaître le « Consensus de 1992 », il peut, soit renoncer à l’affichage d’une fracture avec Pékin au risque de trahir sa base ; soit porter haut le statut de défenseur global de la démocratie, avec le soutien de Washington, mais à l’origine de fortes tensions dans le Détroit dont le premier effet est d’installer une lassitude de l’opinion.

Certains disent que l’équation du DPP se compliquerait si, pour séduire les électeurs du KMT, à Pékin, le Parti dont l’agressivité aurait été réduite par ses soucis domestiques, renonçait à ses démonstrations de forces, principaux ferments des élans d’adhésion à la stratégie du DPP.

Il reste que pour faire adhérer plus de Taïwanais à la stratégie du KMT, le régime de Pékin devra faire beaucoup plus. Quand vote après vote, la grande majorité des habitants de l’Île rejette le projet du Continent d’exercer une tutelle sur leur souveraineté, il ne suffira pas de s’abstenir de brandir ses menaces militaires récurrentes alternées avec les bonnes paroles spéculant sur la « stabilité et la paix ».

Alors que, depuis trois années, l’Île observe les affres politiques, sociales et économiques de la brutalité « zéro-covid » de l’appareil communiste, sur fond de restrictions de libertés fondamentales et de censure, un premier pas serait que le régime chinois traite lui-même mieux sa population.


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