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Le monde vu par Xi Jinping. Elan global normatif et contrefeux

La force des contrefeux allumés à l’étranger – essentiellement en Occident, mais pas seulement – contre les stratégies extérieures de Pékin incitent à revenir sur la manière dont le Parti communiste chinois voit lui-même la place et le rôle de la Chine dans le monde.

L’analyse qui suit rappelle les éléments clés des « caractéristiques chinoises » énoncées par Xi Jinping au 19e Congrès au moment où lui-même affirmait son contrôle sans partage sur l’appareil.

Après quoi, s’appuyant sur un texte de l’ancien premier ministre australien Kevin Rudd paru dans Foreign Policy en mai 2018, « How Xi Jinping Views the World. The Core Interests That Shape China’s Behavior », elle propose l’hypothèse d’une vision stratégique chinoise par cercles concentriques dont le cœur est le Parti, confondu avec l’État, clé de l’unité et de la stabilité du pays.

Étendant progressivement son action et son influence normatives à ses approches immédiates par le levier de sa puissance économique, l’intention de Xi Jinping serait, selon Rudd, par un élan centrifuge du plus près au plus loin, de « réformer progressivement le système international de l’après-guerre basé sur le droit pour mieux le conformer aux intérêts de la Chine. »

Directement liée à l’efficacité des contrefeux, la question, ajoute Rudd, « est de savoir si Xi Jinping réussira à mettre en œuvre tout ou partie de sa “grande stratégie“. »
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Rappelons d’abord qu’à l’énoncé de cette vision par le n°1 chinois, le 19 octobre 2017, le système vertical de la politique chinoise a dissuadé et effacé toute critique potentielle des voix contraires. Celles-ci existaient forcément au sein de la mouvance intellectuelle chinoise, mais n’eurent pas le loisir de s’exprimer. Seules furent autorisées les expressions laudatives venant du cœur de l’appareil ou des commentateurs acquis aux stratégies du centre.

Ainsi Zhang Dejiang à l’époque président de l’Assemblé Nationale qui lui aussi plaçait le Parti au cœur : « Une contribution historique au développement du Parti » ; Yu Zhengsheng ancien n°4 : « Une adaptation importante du marxisme aux caractéristiques chinoises » ; Liu Yunshan, maître de la propagande : « Une immense signification pratique et théorique, que tous les membres du parti devraient étudier soigneusement ».

A côté de ces trois figures du Comité Permanent de l’ancienne garde rapprochée, des professeurs d’université ajoutèrent également leur appréciation positive : Chen Shuguang, membre du Comité Central, professeur à l’École du Parti : « A l’orée de l’ère qui s’annonce, le Parti doit écrire un nouveau chapitre du marxisme auXXIième siècle pour atteindre les buts définis par le Congrès » ; You Yezhong, vice-président de l’Université de Wuhan : « la nouvelle pensée tourne une page et jette un éclat nouveau sur le socialisme aux caractéristiques chinoises. »

Une entreprise globale aux « caractéristiques chinoises ».

Se projetant jusqu’en 2049, année du 100e anniversaire de l’avènement du Parti, échéance dont la durée est improbable pour n’importe quelle démocratie, Xi Jinping voyait loin. Après avoir défini l’étape intermédiaire d’une première phase (2020 – 2035) dont l’objectif est de moderniser le pays, il a fixé le but pour les 15 années suivantes : « construire un grand pays socialiste moderne et radieux, harmonieux, culturellement avancé, démocratique, fort et prospère 富强民主文明和谐美丽的社会主义现代化强国. »

En même temps, il a sans ambiguïté signalé son intention de créer un climat international favorable aux stricts intérêts du pays : « Nous nous sommes beaucoup efforcés de mettre en œuvre une diplomatie puissante aux caractéristiques chinoises, avançant notre agenda international de manière globale et multiforme, afin de créer un environnement extérieur favorable au développement de la Chine - 我们为追求中国特色的重大国家外交做出了全面的努力,从而全面,多层次,多方面地推进了中国的外交议程,为中国的发展创造了良好的外部环境. »

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A 16 mois de distance, découvrant l’ubiquité et la force multidimensionnelle des stratégies chinoises, nombre de pays observent aujourd’hui les actions de Pékin avec un sentiment d’inquiétude. Dernière cible en date de la pensée normative chinoise appliquée à modeler le monde à sa main ou à riposter à ce que Pékin perçoit comme une injustice : la Nouvelle Zélande.

Selon le New Zealand Herald, cité par Supchina, Wellington a « rejoint le club des pays (Turquie, Canada, Norvège, Australie, Pologne, Tchécoslovaquie, Lituanie) devenus la cible de la colère de Pékin ». Réagissant aux méfiances énoncées par le gouvernement mettant en doute la fiabilité de Huawei, le gouvernement chinois a différé la visite prévue en début d’année à Pékin de la première ministre Jacinda Arden (Socialiste démocrate progressiste, 39 ans).

Récemment un vol d’Air New Zealand en route pour Shanghai fut contraint de faire demi-tour au prétexte que les documents du vol faisaient référence à Taïwan comme s’il s’agissait d’un pays indépendant. En même temps, s’installe en Nouvelle Zélande la phobie que tous les résidents Néo Zélandais en Chine pourraient être la cible d’arrestations arbitraires, comme ce fut récemment le cas pour les Canadiens en riposte à l’arrestation à Vancouver de la fille de Ren Zhengfei, le PDG de Huawei.

Examinant les stratégies de la Chine de Xi Jinping, Kevin Rudd identifie 7 cercles concentriques, répartis en 3 catégories partant du centre : 1) Le Parti, l’Unité du pays, l’économie ; 2) Les voisins directs et les espaces maritimes du Pacifique Occidental ; 3) Les relations avec les pays en développement et avec l’ordre mondial datant de l’après-guerre.

Ajoutons que l’extraordinaire développement de l’économie, résultat de la puissance du nombre combinée à un infatigable esprit d’entreprise encadré par une vaste et omniprésente bureaucratie héritière de l’organisation impériale des Han, crée un facteur multiplicateur enveloppé dans une culture qui, dans bien des cas, percute de plein fouet l’organisation du monde telle qu’elle avait été définie par les États-Unis et leurs alliés occidentaux après 1945.


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