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« Le nouveau Grand bond ». Plongée dans les arcanes de la bourse et de l’économie chinoise

En rouge, les exubérances de la bourse chinoise depuis juin 2006 jusqu’au 8 juillet 2015. En vert la bourse de Hong-Kong, en noir l’indice S&P au cours de la même période.

Il faut revenir sur les récentes secousses de la bourse. Elles en disent long sur le fonctionnement du système financier chinois et les imbrications des affaires et de la politique. Mais contrairement à ce qu’affirment nombre d’analyses pessimistes, la crise qui n’est pas complètement éteinte, exprime une prise de conscience du secteur productif marquant une rupture salutaire par rapport aux vieilles habitudes d’argent facile où l’État venait systématiquement au secours des chiffres et des mauvaises performances, au besoin en les maquillant et toujours en rachetant ou en rééchelonnant les dettes contractées par les sociétés.

Les réflexes de défaisance des dettes toxiques existent toujours ; de même la fiabilité des chiffres continue d’être aléatoire, quand chaque trimestre le niveau du PIB et de sa croissance est publié très vite, sans jamais la moindre correction. Il n’empêche que l’environnement change. Les nouvelles technologies finissent par donner accès à des données concurrentes, tandis que les chefs d’entreprises alertés par les nouvelles intentions de rigueur comptable du pouvoir ont pris conscience de la fragilité des situations et des risques du crédit facile.

Leland Miller est le discret animateur du site « China Beige Book – Livre Beige Chinois », en référence au « Livre Beige » de la réserve fédérale américaine. Mais au lieu de publier les chiffres économiques officiels, « le China Beige Book » collationne toutes les données disponibles sur l’économie chinoise mises en ligne par des observateurs indépendants et notamment celles des banques centrales qui, mises bout à bout, offrent une vue plus exhaustive de l’économie chinoise.

L’évolution de ces perceptions et les perspectives optimistes et pessimistes qu’elles ouvrent sur l’état réel de l’économie chinoise et son avenir sont explicitées dans un livre paru en ligne concocté par John Mauldin et Worth Wray avec la contribution d’une vingtaine d’économistes de renom dont Nouriel Roubini, Docteur en économie, célèbre pour avoir prévu dans le détail la crise des « subprimes », Michael Pettis professeur d’économie à Beida, Leland Miller cité plus haut et de nombreux autres tous économistes et observateurs attentifs de la Chine, comme Wei Yao analyste à la Société Générale, souvent citées par Reuter et Les Échos.

Le nouveau « Grand Bond ».

Comme l’indique son titre explicite : « A Great Leap Forward ? : Making Sense of China’s Cooling Credit Boom, Technological Transformation, High Stakes. », « Un grand bond en avant ? : mises en perspectives du ralentissement du crédit, des transformations technologiques et des grands enjeux », le livre passe en revue les analyses bien argumentées souvent opposées qui donnent au lecteur une image exhaustive de la situation de l’économie chinoise, dont l’une des caractéristiques intéressantes est qu’elle s’appuie sur une méthode rigoureuse qui distingue clairement les faits des opinions.

L’ouvrage n’est assurément pas une « boule de cristal » qui prédit l’avenir, mais il procure une myriade d’informations et de jugements variés par des praticiens experts qui permettent à chacun d’affiner son jugement sur l’avenir de la Chine.

Aux « pessimistes » estimant qu’à l’exemple du Japon, la Chine entrera en déflation après des années de croissance nourrie par une dette insoutenable, l’ouvrage oppose les « optimistes ». Ces derniers suggèrent que l’économie du vieil empire est engagée dans un ralentissement salutaire pour une croissance plus saine et plus viable, autour de 4%. Pour ces experts moins alarmistes, le pays est en train de réussir le glissement de son modèle de croissance, prenant ses distances avec les investissements d’infrastructures et immobiliers nourris par des avalanches de crédits publics, et s’orientant graduellement vers un modèle appuyé sur la consommation et l’innovation.

Quelques raisons d’espérer.

Depuis la chute de 2008, l’index composé des directeurs d’achat (PMI) pour la production industrielle et les services (en noir) s’est maintenu au-dessus de la barre des 50. Mais depuis la fin 2010 il est en baisse régulière. A noter cependant que l’index des services (en gris) affiche une meilleure santé alors que celui de la production industrielle (en jaune) est très nettement en baisse. Aux dernières mesures de la mi-juin, l’écart entre les 2 était de 7 points.

A l’appui de ces analyses moins catastrophistes plusieurs données essentielles : les chiffres de la Banque Centrale chinoise indiquent que le coût du crédit augmente depuis le 2e trimestre 2014, signe que la rigueur imposée par son patron Zhou Xiaochuan porte ses fruits, tandis que la somme des données collectées par Leland Miller indique que le marché du travail et les performances de nombreuses entreprises restent positives en dépit du ralentissement. De l’avis des « optimistes » une relance n’était pas nécessaire. Une autre indication rassurante est que la plupart des analyses négligent les données attestant le lent mais très robuste glissement vers une économie de services à l’œuvre sous la surface des tumultes de la bourse.

Enfin, Miller met le doigt sur une modification des attitudes des chefs d’entreprises également apparue au cours du 2e trimestre 2014. Depuis cette date, constate Miller, nombre de patrons ont en effet cessé de se comporter « à la chinoise », tournant le dos aux réflexes de fuite en avant qui, face aux risques posés par la baisse des marges, augmentent le niveau des emprunts par une stratégie proche de l’attitude des parieurs de casinos. Cette fois, confrontés à la baisse de la demande, ils ont cessé d’investir et d’emprunter. La nouvelle prudence des entrepreneurs se rapproche de celle d’une gestion d’entreprise plus rationnelle.

*

La direction politique chinoise, inquiète des effets négatifs de secousses boursières et du ralentissement de la croissance n’a pas gardé la tête aussi froide. A sa décharge, les premiers symptômes d’une déflation à la japonaise existent depuis le premier trimestre 2013, avec le ralentissement des salaires et des prix à la consommation et un risque d’accélération due à la chute des cours du pétrole.


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