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« Le nouveau Grand bond ». Plongée dans les arcanes de la bourse et de l’économie chinoise

Interventionnisme du pouvoir et frénésie boursière

La crainte de la déflation a conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures brutales de relance (taux d’intérêts et réserves obligatoires) à quoi s’est ajoutée la nuée des petits porteurs jetant sans discernement leurs économies dans un marché boursier devenu frénétique, tandis que certains entrepreneurs furent tentés de renflouer leurs marges par des achats de titres qu’ils croyaient garantis par le pouvoir.

La conjonction de ces attitudes grégaires en partie motivées par des craintes politiques, provoqua une explosion de 150% des cours, déconnectés de l’économie réelle restée prudemment dans l’expectative. Le phénomène de bulle boursière a encore été aggravé par le contrôle du capital qui contraint les investisseurs potentiels à rester en Chine. Ainsi l’analyse du site « China Beige Book » explique que « la hausse des cours n’avait virtuellement rien à voir l’état de l’économie chinoise. Elle ne fut que le résultat d’un afflux de capitaux venus de toutes parts ».

L’imprudence des petits porteurs.

Les habitudes grégaires des petits porteurs ont provoqué la chute catastrophique des titres et créé nombre de désespoirs. La banderole tenue par des pompiers de la région de Qingdao conjure les investisseurs de ne pas se défenestrer (跳楼 tiao lou) et d’attendre les secours 救援 jiu yuan.

Facteur pénalisant, une bonne partie des achats boursiers ont été effectués avec de l’argent prêté, investi par des petits porteurs persuadés de la garantie des pouvoirs publics. Au total les analystes estiment que 3,7 Mds de RMB de capitaux empruntés (550 millions d’€) ont ainsi afflué vers les bourses chinoises. Le manque d’expérience ajouté à l’amour du jeu, une des caractéristiques bien connue du rapport des Chinois à l’argent, ont créé des situations ubuesques. On cite l’exemple d’un fermier ayant acheté un million de $ de titres avec de l’argent emprunté représentant 6 fois ses avoirs initiaux.

Alors que la plus élémentaire prudence boursière aurait du limiter les emprunts à 50% des titres effectivement détenus et payés, les petits porteurs ont accumulé les emprunts, créant une montagne de dettes, tout comme il y a quelques années petits et grands investisseurs avaient empilé les achats de cuivre et d’autres métaux non ferreux.

Pire encore, une grande partie de ces achats furent garantis par des titres soumis aux appels de marge (sommes dues par des investisseurs pour combler la baisse des titres utilisés comme garantie) que les petits porteurs furent incapables d’honorer, ce qui déclencha le mouvement de panique grégaire et de ventes en rafale, ponctué par les pathétiques et attendrissantes tentatives des fermiers petits porteurs venus demander l’aide aux pouvoir publics.

Mais ces derniers étaient déjà embarqués dans une série de mesures correctives qui toutes s’avérèrent moins efficaces que prévues : appel aux sociétés de courtages désignées pour acheter les titres en déshérence, mise en sommeil de 50% des cotations, activation d’un fond de courtage public doté de plus de 400 Mds de $, poursuites judiciaires y compris à l’étranger contre les manipulateurs et la longue cohorte des adeptes de la vente à découvert, principal moteur du dérèglement des finances globales (vente d’un actif que l’on ne détient pas le jour où la vente est négociée, mais qu’on doit se mettre en mesure de détenir le jour où le titre change effectivement de main).

Essai de perspective.

De toutes ces observations Mauldin auteur du Grand Bond tire la première conclusion qu’en dépit du choc, le crash bousier pourrait renforcer l’économie chinoise à condition que l’exécutif comprenne la leçon. Pour autant si ce dernier continue à envoyer les mauvais signaux de relance par lesquels il donne le sentiment de garantir les pertes, il encouragera des prises de risques irraisonnées. Pour Leland Miller, la tendance la plus néfaste serait que les pouvoirs publics continuent à relancer l’économie par des mesures artificielles dont la répétition pourrait conduire à un atterrissage brutal.

Son appréciation de l’avenir envisage un scénario vertueux marqué par un ralentissement durable de l’économie renforcée par : 1) la fin des crédits faciles tirés de l’épargne publique siphonnée vers les grands groupes d’État et l’oligarchie qui s’y rattache ; 2) l’arrêt des politiques de relance systématiques ; 3) la lutte contre les surcapacités en autorisant les faillites des groupes incapables de se réformer ; 4) l’assainissement du système d’allocation des crédits par des banques publiques qui prive de vastes secteurs privés de l’économie des capitaux dont ils ont besoin pour se développer et innover.

*

Une inquiétude demeure cependant : même si les auteurs du livre qui spécule sur le nouveau « Grand Bond », ont appris à ne pas sous estimer les capacités des dirigeants chinois à tenir le cap, les tendances du pouvoir à corriger artificiellement le marché jettent une ombre sur l’avenir. Ajoutons que les effets du nationalisme de Xi Jinping à la racine de la création de nouveaux monstres industriels menaçant de créer encore plus de féodalités rebelles aux réformes, s’inscrivent dans une trajectoire radicalement à rebours des intentions de réactivité et de souplesse nécessaires à l’innovation.


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