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Le réajustement chinois en Asie. Xi Jinping à la manœuvre

La diplomatie chinoise devra déployer tout son talent pour faire pièce à l’épaisseur nouvelle de l’influence américaine en Asie et désamorcer les tensions avec Washington imbriquées dans les controverses entre Pékin, Hanoi et Manille autour de la Mer de Chine, nées des récentes échauffourées avec les patrouilleurs chinois dans les eaux contestées.

Elle a déjà dépêché au Myanmar Dai Bingguo, le n°1 des affaires stratégiques du Waijiaobu, pour contrôler l’ébranlement par l’Amérique de l’un de ses plus anciens alliés, tandis que le Vice-président Xi Jinping s’est rendu au Vietnam et en Thaïlande. Le mois prochain il se rendra à Washington à l’invitation du Joe Biden.

En dépit des tensions encore aggravées par les surenchères aux Etats-Unis et en Chine, tous les deux engagés dans une phase de succession, il n’est pas impossible que la période, ouverte en décembre dernier par le voyage de Xi Jinping à Hanoi et Bangkok et qui se poursuivra par sa visite à Washington, corresponde à un de ces apaisements récurrents, qui permettrait à la diplomatie chinoise de s’extraire d’une situation compliquée où son image pacifique avait été passablement brouillée.

L’analyse qui suit examine d’abord les tensions à l’œuvre, attisées pas des postures militaires en Asie du Sud-est, entre Pékin et Washington. Elle propose ensuite une hypothèse d’apaisement qui prend appui sur les dernières concessions de la Chine à Hanoi en octobre dernier qui précédèrent les voyages de Xi Jinping et de Dai Bingguo.

Pékin devra encore désamorcer les craintes humiliées de Manille ; résister aux tendances solidaires des pays de l’ASEAN sur les différends en Mer de Chine, dont tout le monde convoite les ressources, et neutraliser la montée des sentiments antichinois qui fleurissent aux Etats-Unis et en Europe.

La force explosive des tensions nationalistes.

Aux Etats-Unis la période préélectorale, marquée par un regain des discours critiques sur les droits de l’homme et les différends commerciaux est moins que jamais propice aux accommodements. Le 16 janvier, lors d’une interview diffusée en Chine, Gary Locke, l’ambassadeur des Etats-Unis à Pékin expliquait que la situation des droits de l’homme s’était dégradée ; une semaine plus tard, dans son discours sur l’état de l’Union le président Obama, citant nommément la Chine, annonçait la création d’une unité spéciale destinée à repérer les pratiques commerciales illégales.

En Chine, l’ambiance baigne dans les crispations politiques de l’avant Congrès, attisées par les postures nationalistes et les positions arcboutées de l’APL. Au sein de la marine chinoise, tout indique un branle-bas autour de la base de Sanya à Haïnan. Selon des marins chinois interrogés par le quotidien japonais Asahi Shimbun, la flotte de sous-marins de Sanya est en alerte immédiate depuis juillet, alternant exercices de plongée et tirs de torpilles. Un pêcheur raconte que, depuis juillet, il a observé des sous-marins à au moins dix occasions.

Fin octobre, il a même failli être percuté par l’un d’entre eux faisant surface. Les renseignements américains indiquent qu’à côté des submersibles classiques, la base de Sanya abrite aussi 5 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) de la classe Jin équipés de missiles balistiques d’une portée de 8000 km.

Le regain d’activités à Sanya remonte à l’été dernier après les incidents en mer de Chine. En mai 2011, un patrouilleur chinois évoluant à grande vitesse avait sectionnée les câbles d’un bâtiment vietnamien d’exploration pétrolière ; en juin une autre unité chinoise avait ouvert le feu contre un pêcheur philippin.

Les deux incidents avaient provoqué les réactions indignées de Hanoi et Manille et furent suivis d’un raidissement de la Maison Blanche, ponctué par l’organisation de manœuvres navales avec les Philippines et le Vietnam en juin et juillet derniers.

L’annonce en novembre d’un renforcement militaire américain dans la région, comportant l’établissement d’une base de Marines en Australie et la mise en place de patrouilleurs à Singapour augmentait le sentiment d’inquiétude à Pékin. Dans le même temps, Washington discutait avec Manille de l’augmentation de la coopération militaire et du pré positionnement de forces dans l’archipel, où l’US Navy a entretenu des bases jusqu’au début des années 90.

Les bruits de ferraille s’accompagnent d’une rhétorique d’affirmation de puissance de l’APL qui dit vouloir « restaurer les droits de Pékin dans les eaux appartenant historiquement à la Chine ». « Notre souveraineté a été clairement violée, nous devons agir », explique le général Luo Yuan, n°2 de l’Académie des Sciences Militaires. Le fait est que depuis 2009, l’APL s’exerce aux opérations amphibies pour prendre pied sur les îles de la Mer de Chine et y installer des points d’appui.

Le but étant, précise l’Etat-major chinois, « d’exploiter les gisements d’hydrocarbures (…), d’éliminer de la région l’influence américaine ainsi que les résistances des riverains de l’ASEAN (…) et de disposer d’un espace maritime sûr pour déployer les SNLE, principaux outils d’une contre frappe, en cas d’attaque nucléaire contre la Chine. »

Ce discours attise les sentiments nationalistes et plaît beaucoup à la mouvance populiste. Récemment le Global Times, édition du Quotidien du Peuple souvent à l’écoute du patriotisme chauvin, faisait état d’un sondage selon lequel 83% d’un échantillon de plus de 20 000 personnes interrogées estimaient que la question de la Mer de Chine devait être résolue par la force militaire.

Fin août, à l’occasion de la visite officielle en Chine du Président philippin Aquino, un article du journal écrivait que « le public chinois n’appréciait pas sa venue » et que la Chine devait user de sa puissance économique pour faire pression sur lui, ajoutant : « puisque nous avons la force, nous devrions l’utiliser pour remodeler l’Asie de l’est à notre convenance ».

Chine – Vietnam. Du bon usage de la diplomatie et de la sagesse.

Ayant conscience de l’importance cardinale de la relation sino-américaine – 400 Mds de $ d’échanges en 2011 – et des risques stratégiques véhiculés par les crispations avec les voisins, le Vice-président chinois, pris entre les pressions nationalistes à domicile et l’ardente obligation de désamorcer les tensions a déjà adopté un discours d’apaisement et appelé Washington à la mesure : « il est impossible que la relation sino-américaine soit durablement perturbée » (…) « il convient d’aborder les questions sensibles touchant aux intérêts vitaux avec la plus extrême prudence ».

Dans les pays de l’ASEAN, Xi Jinping avance, appuyé par la puissance économique et commerciale de la Chine, en privilégiant l’approche bilatérale, pays par pays, contre l’avis de Washington qui, sur les questions de la Mer de Chine, prône des négociations Chine – ASEAN, à laquelle la Maison Blanche compte bien participer. Il est cependant bien possible que les crispations américaines soient prises à contrepied et doublées par quelques habiles et discrètes concessions chinoises qui désamorceront les rancœurs au coup par coup.

C’est peut-être déjà le cas au Vietnam, où Xi Jinping s’est rendu du 20 au 22 décembre derniers pour rencontrer le Président Truong Tan San et son Premier ministre Nguyen Tan Dung, aux prises avec les prémisses d’une récession et une inflation voisine de 20%. Après les promesses de coopération bilatérale dans les secteurs de l’éducation et de la santé, assorties d’un prêt de 500 millions de $ à faible taux de la Banque chinoise de développement, il est probable que les conversations sur les différends en mer de Chine auront pris un tour bien éloigné de la rhétorique agressive des militaires chinois.

A la mi-octobre 2011, en effet, par un communiqué commun avec Hanoi, Pékin a en effet accepté d’accélérer la délimitation des eaux territoriales et de négocier leur exploitation conjointe dans la zone des Paracels. Prise au pied de la lettre, la déclaration indique que, dans cette zone au moins, les négociateurs chinois qui agissaient avec la caution de Hu Jintao et de son homologue vietnamien, pourraient abandonner la revendication sur 80% de la mer de Chine.

La déclaration précisait que « les deux pays rechercheraient des solutions durables, acceptables par les deux parties sur la base de la Convention des NU sur le droit de la mer (…) En attendant un accord global sur la question de souveraineté, Pékin et Hanoi négocieraient activement une coopération pour un développement conjoint.

Ce n’est pas la première fois que les deux parties parviennent à un accord contredisant la revendication de Pékin sur toute la mer de Chine. En 2000, un engagement bilatéral de ce type avait déjà été signé dans le golfe du Tonkin, délimitant les eaux comprises entre les côtes septentrionales du Vietnam et la côte ouest de Hainan. Les deux marines y conduisent même des patrouilles conjointes.


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