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Le réajustement chinois en Asie. Xi Jinping à la manœuvre

La Thaïlande pro-américaine, sensible aux sirènes chinoises.

Xi Jinping a poursuivi son voyage vers la Thaïlande qui se remet de graves inondations et avec qui Pékin nourrit quelques différends, cependant bien moins heurtés qu’avec Hanoi ou Manille. Le premier, qui est aussi le fond de tableau des agacements contre Pékin dans toute la région, concerne la controverse à propos des effets des barrages chinois sur le Mékong, où Bangkok fait cause commune avec Phnom-Penh et Hanoi.

A quoi s’ajoutent les récentes suspicions de l’implication des forces spéciales thaïlandaise dans l’assassinat de 13 marins chinois, révélant des connexions malsaines entre les hommes d’affaires chinois et les forces de sécurité thaï, dont tout indique qu’ils sont, les uns et les autres, impliqués dans les trafics de drogue. (Lire notre article « Drames de la piraterie sur le Mékong »)

Pour Pékin, la Thaïlande apparaît à la fois comme un pays ambivalent et une cible majeure de son action diplomatique, où le poids des échanges commerciaux sino-thaï s’alourdit en même temps que l’influence culturelle chinoise.

Celle-ci avait été favorisée par l’ancien Premier Ministre en exil Thaksin Shinawatra (2001 – 2006), sino-thaï très populaire dans les classes pauvres et les zones rurales, dont la jeune sœur est Premier ministre. Profitant de la corruption ambiante, il avait en effet orienté le pays vers un système clientéliste assez proche de celui qui prévaut en Chine, séparant mal les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et économique.

Mais, en dépit de ces tendances, le Royaume reste encore une chasse gardée stratégique américaine et un des principaux points d’appui démocratique de la région que Washington s’efforce de protéger.

Les Etats-Unis, alliés militaires de la Thaïlande y organisent chaque année l’exercice « Cobra Gold », l’une des plus vastes manœuvres multilatérales de la planète, impliquant la Corée du Sud, le Japon, Singapour et l’Indonésie. Enfin, soucieux de marquer les influences chinoises partout où elles pourraient devenir univoques, ils viennent aussi d’augmenter leurs appuis financiers aux pays du Bas Mékong, ajoutant leur voix aux critiques qui ciblent les barrages chinois de la région. (Lire notre article « Controverses autour des barrages chinois sur le Mékong »)

Bangkok fut cependant le premier pays de l’ASEAN à signer avec la Chine un « plan d’action stratégique pour le XXIe siècle », visant à développer à la fois les coopérations de sécurité et les liens économiques. Dans ce contexte, les deux pays ont promis de porter les échanges bilatéraux à 100 Mds de $ dès 2015 (soit près de 2 fois l’objectif envisagé pour les relations avec le Vietnam). Ils sont également décidé une coopération financière qui s’est traduite par la signature d’un accord pour l’utilisation de la monnaie chinoise dans les transactions bilatérales.

L’autre initiative qui accompagnera le développement des échanges est un accord pour construire en commun une ligne à grande vitesse Bangkok - Chiangmai (600 km) qui pourrait s’intégrer dans les grands projets chinois de liaisons ferroviaires régionales, par le Myanmar ou le Laos vers la province chinoise du Yunnan.

L’émancipation du Myanmar et le poids de la Chine.

Pékin, qui veille sur ses chasses gardées comme à la prunelle de ses yeux, a vite réagi à l’opération birmane déclenchée par le département d’Etat américain et la visite de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton à Naypyidow.

Le pays à une frontière commune de 2000 km avec la Chine, qui y est engagée dans l’exploitation par les compagnies d’état du bois, du nickel, du cuivre et du gaz, ainsi que dans la construction de routes et de centrales hydrauliques.

Il constitue un pion majeur sur l’échiquier régional chinois, à la fois allié politique à l’ONU contre les critiques occidentales depuis les embargos, réservoir de ressources, partenaire commercial privilégié – depuis 2010 la Chine est le 1er fournisseur et client du Myanmar – et passage vers le golfe du Bengale pour les marchandises chinoises et, en sens inverse, pour les importations de pétrole, transportées par oléoduc vers le Yunnan.

La longue implication chinoise dans la région, la proximité géographique, la somme des projets industriels et d’infrastructure, le développement des échanges commerciaux, la disponibilité de Pékin de s’impliquer comme médiateur dans la solution des zones irrédentistes à sa frontière, sont les atouts majeurs de la Chine.

Mais la puissance foisonnante de son emprise dessine aussi ses limites. Elle a transformé les zones frontières – en particulier le territoire des Wa au Nord-est - en base de pouvoir pour les hommes d’affaires chinois, investis dans une longue liste d’activités commerciales et d’exploitation légales et illégales, récupérant des terres, installant des hôtels, des centres de loisirs et des casinos avec des centaines de tables de jeu.

Dans son livre « Where China meets India » (2011), Thant Myint-U, birman éduqué à Harvard, raconte que La ville de Mongla, ancienne base communiste au bord du Mékong, était devenue le fief d’un seigneur des affaires chinois Lin Mingxian, protégé par sa propre milice, accueillant tous les trafics, en même temps que les vacanciers de la nomenklatura chinoise et birmane.

En 2005, l’APL, dépêchée par Pékin, effrayé par la mauvaise image donnée de la Chine, a fermé les casinos et la frontière. Les jeux ont cependant continué en ligne. N’importe qui en Chine peut parier 1 million de dollars par internet sans avoir à se déplacer dans ce coin reculé de la Birmanie.

Mais il y a pire, les compagnies de travaux qui emploient des milliers d’ouvriers chinois sur leurs sites construisent des barrages d’une dimension telle, produisant des surcapacités extravagantes, avec des impacts sur l’environnement si considérables que la population locale se rebiffe. Fruits de milliards de dollars d’investissements, la somme des barrages en projets produirait, s’ils étaient tous construits, dix fois plus que la consommation du pays, soit 20 gigawatts, dont la majorité serait exportée vers la Chine.

En septembre, après plusieurs semaines de controverses publiques, le nouveau président civil birman annonçait la suspension des travaux évalués à 3,6 Mds de $ du barrage de Myitsone construit par les compagnies chinoises sur l’Irrawaddy. Dans ce contexte compliqué, où Pékin craint un ébranlement de l’alliance avec Naypyidow, l’ambassadeur de Chine au Myanmar Li Junha rencontrait Aung San Suu Kyi, deux semaines après la visite d’Hillary Clinton. C’était le premier geste de la Chine vers l’opposition birmane depuis 20 ans.

Trois jours plus tard, c’est Dai Bingguo, n°1 du Waijiaobu pour les questions stratégiques, dont le rang est supérieur à celui du ministre Yang Jiechi, qui rencontrait les autorités birmanes.

En dépit des ouvertures du pays vers Washington, la partie est loin d’être perdue pour Pékin. Le poids de ses engagements, la proximité géographique, l’instabilité chronique des zones frontières, où les médiateurs chinois ont un rôle capital à jouer, créent un ensemble de liens obligés et intéressés que Washington aura du mal à compenser à court terme. (Lire en complément notre article)


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