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Les ambiguïtés de la France en Chine

Coopération franco-chinoise : les annonces de la visite.

Les projets vont du satellite d’observation des océans – coopération entre le CNES – Thalès Alenia et l’Agence Spatiale Chinoise – lancé en 2007, à la signature d’un accord de coopération avec JD, n°2 chinois du commerce en ligne derrière Alibaba, pour l’installation d’une plateforme en France, en passant par la création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’€ pour la recherche sur l’intelligence artificielle (IA) accompagnant l’ouverture à Suzhou d’un bureau du Français Qwant, moteur de recherche investi dans un domaine où les données privées sont en Chine sous le contrôle étroit des services de sécurité.

Les intentions françaises de coopération en matière d’IA télescopent celles de Google qui, en dépit de son refus de se plier aux pressions chinoises d’ouverture de ses bases de données à la police a, le 13 décembre dernier, annoncé l’installation en Chine d’un centre de recherche conjoint sino-américain sur l’intelligence artificielle.

Bénéficiant du concours des meilleurs spécialistes mondiaux du secteur dont la sino-américaine Li Fei Fei, Docteur en informatique et Directrice du laboratoire d’IA de Stantford et le Taïwanais Kai Fu Lee, président de Google – Chine, ancien de Microsoft et de Apple, dont les travaux portent sur l’apprentissage automatique et la reconnaissance du langage, le centre de recherche conjoint sino-américain constitue d’ores et déjà une puissance d’innovations sans frontières connectée aux meilleurs centres mondiaux.

La filière nucléaire en question.

Avec l’annonce par le président Macron au dernier jour de la visite, de l’intention chinoise de commander 184 Airbus A 320, peut-être prélude à la vente d’A 380 [2], le projet chinois de confier à AREVA la construction en Chine d’une usine de retraitement des déchets nucléaires (10 milliards d’€), bouffée d’oxygène pour le groupe français, concrétise le meilleur espoir de projet industriel public dans un secteur où Paris et Pékin ont une longue expérience de coopération.

Il reste qu’au fil du temps et à la faveur des transferts de technologies concédés par les Français depuis 40 ans, le partenaire chinois est devenu un concurrent sur le marché mondial des centrales dont la puissance ne fera qu’augmenter.

Simultanément le cœur des projets nucléaires franco-chinois s’est réduit : 1) au milieu de 58 réacteurs dont 20 sont en construction, à la seule construction par le Français EDF et le Chinois CNNC de 2 EPR (dont le 1er en cours d’essais depuis 2015 à Taishan a fait l’objet d’une inauguration officielle franco-chinoises présidée par les deux chefs d’État au palais du Peuple à Pékin) et 2) au développement avec AREVA d’une filière de retraitement franco-chinoise.

A quoi s’ajoute un essai de coopération à l’export dont la cible très médiatisée était la construction à Hinkley Point à 160 km à l’ouest de Londres décidé à l’automne 2013 de deux réacteurs EPR de 1650 GW, mais dont le modèle économique portant le risque de dérives financières a été dénoncé par le parlement britannique dans un rapport publié à l’automne 2017.

Rappelons enfin, qu’après la catastrophe de Fukushima l’élan nucléaire chinois constitue une exception dans le paysage global des pays développés où le secteur est confronté à de vives résistances écologiques.

Celles-ci se sont manifestées jusqu’en Chine où, à l’été 2016, le site de Lianyungang dans le nord du Jiangsu, 200 km au sud de Qingdao a été le théâtre de manifestations populaires déclenchées par la rumeur que la ville accueillerait bientôt la construction de l’usine de retraitement franco-chinoise projet porté par AREVA et la China National Nuclear Corporation sur le modèle de La Hague qui traite depuis 50 ans des déchets venus de France, d’Allemagne, de Belgique, de Suisse des Pays Bas et même du Japon.

« La force des choses. »

Il est vrai que la relation franco-chinoise commencée dans l’élitisme absolu avec les « mathématiciens du Roi Soleil », comme les appelait Chateaubriand - cinq savants jésuites envoyés en 1685 par Louis XIV à la cour des grands Empereurs de la dynastie Qing –, artisans d’une stratégie oblique de conversion religieuse de l’Empire par le haut et au moyen de la science, a connu de flamboyantes périodes fastes, dont la dernière fut peut-être la quinzaine d’années ayant suivi la reconnaissance de la Chine par Charles De Gaulle.

Mais la vérité oblige à dire que Paris et Pékin ont connu d’importantes crispations allant de la « querelle des rites », des guerres de l’opium et du sac du Palais d’Eté, à la vente des Mirage 2000 et des Frégates Lafayette à Taïwan, en passant par la réaction de Paris à la répression de Tian An Men en 1989 instaurant un embargo sur la vente des armes létales à la Chine qui dure toujours.

En 1979, l’établissement des relations diplomatiques entre Pékin et Washington accompagnant l’irrésistible montée en puissance de la Chine a changé la donne des relations franco-chinoises.

Alors qu’elles étaient exceptionnelles, au point qu’au XIXe siècle, dans la foulée de la vision napoléonienne ayant anticipé la puissance à venir de l’Empire, l’un des plus grands sinologues occidentaux était le Français Jean-Pierre Abel-Rémusat (1788-1832), titulaire de la première chaire d’études chinoises en Occident, créée au Collège de France, les relations franco-chinoises sont, par la force des choses retombées au niveau des querelles commerciales, de l’exigence réciprocité, de la recherche de marché et de la protection contre les captations de technologies.

Non pas que les ambitions de coopération plus vastes soient devenues impossibles dans le sillage du projet global chinois des « nouvelles routes de la soie » évoqué avec Xi Jinping par le Président de la République et dont Washington se tient à distance. Cherchant un retour stratégique de la France sur le mode gaullien du « non alignement » Emmanuel Macron affirme, avec Pékin, l’ambition de Paris de jouer un plus grand rôle sur la scène mondiale, au moment où l’Amérique dit vouloir se replier sur ses intérêts nationalistes directs.

Le contresens clairement apparu au 19e Congrès est que Pékin développe également une stratégie nationaliste dont les épines dorsales articulées aux « caractéristiques chinoises », prennent, au nom de l’histoire et de la culture, le contrepied des valeurs occidentales du droit qu’il s’agisse de celui des individus ou de celui en vigueur depuis 1945 dans les relations internationales.

Note(s) :

[2Rappelons que la plupart des commandes et des achats d’Airbus en Chine portent précisément sur les diverses versions du moyen courrier A320 dont 1500 unités volent aujourd’hui sur les lignes intérieures chinoises et sur celles vers les destinations voisines. 320 de ces modèles ont été assemblés à Tianjin, les pièces essentielles étant toujours fabriquées à Toulouse et acheminées en Chine par avion spécial.

L’accord cadre conclu le 9 janvier a décidé d’accélérer la cadence à 5 appareils par mois en 2018 et à 6 à partir de 2020. En novembre 2017, toujours à Tianjin, Airbus a ouvert une deuxième usine d’assemblage pour l’A 330. Entre 1995 et 2016 la part de marché d’Airbus est passée de 6 à 50%.

Lire aussi :
- Fragilités d’EDF et d’AREVA. Le nucléaire franco-chinois menacé par les écologistes et l’après Brexit.
- CNNC renonce à entrer dans le capital d’AREVA. La filière nucléaire française fragilisée.


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