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Les embarras de la puissance chinoise

Jo Nye : l’importance du « soft power »

Quelques intellectuels chinois mettent cependant en garde contre cette approche, d’abord en se référant aux déboires de la puissance « hard » des Etats-Unis au Viet Nam, puis aujourd’hui en Irak, ensuite en pointant les risques de confrontation qu’elle induit [2], enfin en soulignant que la tradition idéale de la Chine avait toujours privilégié une forme moins directe et plus douce de puissance, articulée autour de l’influence culturelle, concept assez semblable à celui que l’ancien vice secrétaire d’état aux affaires étrangères de Clinton, Joseph Nye, avait, au début des années 90, qualifiée de « soft power » [3].

Dans ce concept, la puissance classique reste importante, mais elle ne suffit plus. Il faut la compléter par une série complexe de facteurs, dont la maîtrise ou le développement produisent des effets que Joseph Nye résume de la manière suivante : « la puissance douce est la capacité à obtenir ce qu’on veut grâce à son pouvoir de séduction plutôt que par la coercition. Cette capacité procède de la force d’attraction d’un pays qui dépend non seulement de la puissance de ses idéaux politiques, de la pertinence et de la légitimité de ses stratégies, mais également de son influence culturelle. Lorsque les autres considèrent que la stratégie d’un pays est légitime, sa puissance douce s’en trouve augmentée ».

Dans « l’équation puissance », les facteurs d’influence culturelle et de légitimité internationale ont aujourd’hui une résonnance extérieure qui équilibre de plus en plus le poids de la puissance « hard ». Eléments constitutifs du rayonnement d’un pays sur la scène internationale et de sa capacité de persuasion, ils conditionnent en partie sa liberté d’action et souvent son succès, y compris dans des opérations militaires. A l’intérieur, la légitimité d’un pouvoir politique est une des bases de sa capacité de mobilisation et de la cohésion sociale, au-delà des slogans, dont la portée est éphémère et fragile. Surtout elle conditionne sa capacité à susciter l’innovation et l’ouverture, fortement handicapées dans un système contraint.

En Chine le débat public sur ces questions a émergé à l’automne 2006 sous la forme d’une série de 12 émissions télévisées, diffusées par la chaîne centrale CCTV et dont le titre était : « L’émergence des grandes puissances ». Le programme examinait l’histoire de neuf grands pays depuis le XVe siècle (le Portugal, l’Espagne, les Pays Bas, l’Angleterre, la France, l’Allemagne, le Japon, la Russie et les Etats-Unis) pour tenter d’en tirer des leçons qui dessineraient les contours futurs de la puissance chinoise.

La série mettait précisément l’accent, non seulement sur les facteurs de puissance « hard », mais également sur ceux plus « softs » qui exercèrent une influence culturelle et scientifique globale sur l’histoire du monde. Compte tenu des moyens déployés par la télévision d’état on peut considérer que le programme exprimait une sorte d’idéal vers lequel le développement de la Chine devrait tendre dans les 50 années à venir. Bien sûr, il était aussi un relais de propagande destiné à rassurer les observateurs sur le développement pacifique du pays et son intention de construire un Etat moderne respectueux des lois, qui se rapprocherait progressivement d’un système démocratique.

De fait, les principaux points forts retenus par les médias qui commentèrent les émissions mirent l’accent sur la nécessité de l’innovation et de la liberté d’informer, le danger des guerres d’agression (on citait les exemples négatifs du Japon et de l’Allemagne), la construction d’un état de droit - mise en exergue dans presque tous les épisodes -, le rôle du pouvoir dans la régulation de l’économie et de la société (on citait Roosevelt). Enfin quelques commentateurs ont relevé l’importance de l’esprit des Lumières de l’Europe du XVIIIe Siècle, principal facteur du pouvoir d’attraction et du développement des nations européennes, puis des Etats-Unis.

Note(s) :

[2En juillet 2005, dans un pur exercice de « hard power », le Major général Zhu Chenghu, de l’Université de la Défense Nationale avait menacé les Etats-Unis de représailles nucléaires et déclaré que la Chine, très peuplée, pouvait supporter la destruction de nombreuses cités à l’est de Xian. Il avait écopé d’une sanction de principe de la part de ses chefs qui l’avaient publiquement désavoué. La vision de Zhu Chenghu recoupe celle de plusieurs chercheurs américains qui spéculent sur un conflit à venir avec la Chine. Pour John Mearsheimer, professeur de sciences politiques à l’université de Chicago, Pékin et Washington sont sur des trajectoires qui conduisent à un conflit militaire. Les Etats-Unis doivent donc tout faire pour bloquer l’ascension de la Chine.

[3Joseph Nye avait d’adord utilisé le terme de « soft power » dans un article de Foreign Policy au début des années 90, puis publié un livre sur le sujet en 2004 : « Soft power, the mean to success in world policy ».


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Par Marie Le 23/04/2007 à 15h43

> Les embarras de la puissance chinoise.

Une belle analyse des dilemmes qui se posent en Chine sur l’orientation de son rayonement international. Bonne utilisation des concepts, mais un peu trop manichéen à mon goût. Entre soft et hard power il y a le pragmatisme économique. Si l’on observe l’Afrique et les relations avec la Chine, si il y a effectivement tout un pan « soft power » avec le développement des échanges culturels, les bourses scolaires, les instituts confuscius... Mais ces aspect sont marginaux et anecdotiques, c’est plutôt le règne du tout économique. Pas de « hard power » en vue, la Chine essait tant bien que mal de se tenir à son principe de non ingérence. Mais de nombreux contrats signés et une croissance exponentielle des relations économiques sous une bannière gagnant-gagnant. Alors ni hard ni soft, dans la mesure où l’on ne propose pas de modèle, et que le « miracle économique chinois » assorti de généreuses aides suffisent à eux seuls, serait-ce l’émergeance de l’« economic power » ?

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