Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

Les embarras de la puissance chinoise

L’analyse de Will Hutton

L’esprit des Lumières et son influence bénéfique sur le développement des Etats et les relations entre eux est précisément le sujet d’un livre publié en janvier 2007 par Will Hutton, journaliste et écrivain anglais à succès qui s’est spécialisé dans les analyses sans concession de la situation de la planète qui recèle d’importants risques de conflits. De la montée en puissance de la Chine, il propose une version plus embarrassante.

« The writing on the wall. China and the West in the 21st century » analyse en effet l’état de la Chine et ses relations avec le monde en faisant un double constat : Le développement à marche forcée de la Chine n’est pas durable dans sa forme actuelle. Il est condamné par de considérables dysfonctionnements et déséquilibres, dont les plus importants sont les disparités de revenus, la persistance des approches quantitatives à court terme, la destruction souvent irrémédiable de l’environnement et le gaspillage insensé des ressources. Or les réformes qui prétendent inverser le cours de la catastrophe se heurtent aux handicaps générés par l’absence d’ouverture, la corruption des hauts fonctionnaires, la faiblesse de l’état de droit et des contre-pouvoirs crédibles, l’opacité du système économique qui rend imposibles les contrôles et les ajustements, les obstacles à la diffusion de l’information et du savoir, sources du déficit de confiance qui accable la société chinoise et complique les relations avec les pays développés.

Dans le même temps ces derniers, et principalement les Etats-Unis, dont le système politique est paralysé par les groupes de pression, se laissent submerger par les valeurs de l’ordre marchand et la recherche du profit à court terme, tandis que la dégradation générale de la qualité de l’information, dévoyée par des médias de plus en plus mercantiles, qui privilégient le sensationnel et le ludique, éloigne les grands pays développés de l’esprit de Lumières, qui devrait se nourrir de la connaissance rationnelle et détaillée des situations et de l’acceptation tolérante des autres, piliers de l’esprit démocratique.

Ces tendances qui poussent aux incompréhensions, aux repliements égoïstes et au retour d’une vision exclusivement « hard » de la puissance recèlent de graves risques de confrontation. Les prémisses en sont déjà visibles dans la multiplication des conflits commerciaux entre Washington et Pékin qui fragilisent l’OMC, tandis que la vieille rhétorique sur la menace chinoise, qui rebondit périodiquement, pousse à la course aux armements et aux crispations nationalistes. L’intérêt des pays développés, qui auraient tout à perdre à une brutale secousse en Chine et à une confrontation directe avec elle, est de tourner le dos à ces tendances arc-boutées. Retrouvant le rationalisme, la générosité et l’ouverture du mouvement des Lumières, fondement du rayonnement de l’Occident et de sa puissance, leur intérêt bien compris est de déployer tous les efforts possibles pour accompagner la transition de la Chine et son intégration pacifiée dans le monde des nations développées.

L’analyse de Will Hutton, qui stigmatise avec raison la perte des valeurs des Lumières en Occident et insiste sur leur importance dans l’acquisition des facteurs de la puissance, renvoie également à une vision idéalisée du comportement international des pays occidentaux. On objectera en effet - et les Chinois qui liront son livre ne manqueront pas de le faire - que la puissance de l’Occident ne s’est pas toujours nourrie de générosité et de tolérance, mais qu’elle a souvent été le résultat de la protection étroite de ses intérêts, allant souvent jusqu’au pillage sans scrupules des ressources des pays plus faibles.

La Chine en sait quelque chose. Peut-être est-ce là une raison supplémentaire pour que les pays développés de la sphère occidentale et leurs alliés tentent aujourd’hui d’aider sa transition. En somme il s’agirait pour eux de prendre la Chine au mot de ses utopies, en se conformant aux idéaux qu’ils ont eux-mêmes forgés.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• Vos commentaires

Par Marie Le 23/04/2007 à 15h43

> Les embarras de la puissance chinoise.

Une belle analyse des dilemmes qui se posent en Chine sur l’orientation de son rayonement international. Bonne utilisation des concepts, mais un peu trop manichéen à mon goût. Entre soft et hard power il y a le pragmatisme économique. Si l’on observe l’Afrique et les relations avec la Chine, si il y a effectivement tout un pan « soft power » avec le développement des échanges culturels, les bourses scolaires, les instituts confuscius... Mais ces aspect sont marginaux et anecdotiques, c’est plutôt le règne du tout économique. Pas de « hard power » en vue, la Chine essait tant bien que mal de se tenir à son principe de non ingérence. Mais de nombreux contrats signés et une croissance exponentielle des relations économiques sous une bannière gagnant-gagnant. Alors ni hard ni soft, dans la mesure où l’on ne propose pas de modèle, et que le « miracle économique chinois » assorti de généreuses aides suffisent à eux seuls, serait-ce l’émergeance de l’« economic power » ?

• À lire dans la même rubrique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

Chine-UE. Misère de l’Europe puissance, rapports de forces et faux-semblants