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Les voies modernes et anciennes vers la démocratie. Espoirs et embûches

Le poids de l’affairisme et des intérêts acquis.

Les élections qui eurent lieu le 3 mars 2012 à Wukan furent sans nul doute un succès dont s’était félicité Wang Yang, le n°1 de la province de Canton. 80% des électeurs y avaient participé et de l’avis de tous les observateurs, elles furent libres et équitables. (Lire notre article La cinquième modernisation).

L’ancien chef de village Xue Chang fut arrêté et condamné à trois ans et huit mois de prison pour abus de pouvoir, trafic d’influence et captation illégale de terres. Lin Zuluan, 69 ans, l’un des dirigeants de la révolte fut élu à sa place avec 3400 voix sur 6899 votants.

Deux des jeunes protestataires les plus actifs du village obtinrent des sièges au sein du conseil municipal de 7 membres qui entreprit de réparer les routes et de mettre sur pied un fond d’aide sociale pour les mères célibataires et les vieilles personnes ; des sondages furent organisés pour le lancement de projets municipaux comme ceux des dortoirs à l’école ou celui d’un abri contre les tornades sur le port.

Mais le nouvel élan n’est pas allé beaucoup plus loin. Les dirigeants élus ont refusé de retourner les parcelles qui, disent-ils, seront intégrées dans des projets de développement nouveaux, comme un parc écologique planifié dans l’intérêt général. On soupçonne que des connections politiques à Pékin bloquent la restitution des terres pour protéger les investisseurs qui, avant les troubles, avaient spéculé sur la manne foncière.

La réalité est que les problèmes fonciers du village expriment les tensions autour des inégalités villes – campagnes et de l’urbanisation massive de la Chine, dont l’un des problèmes les plus aigus est la disponibilité des terres agricoles, à quoi s’ajoute la dépendance des administrations locales aux projets immobiliers lucratifs, principale cause des captations de terres et source de 50% des 100 000 « manifestations de masse » - plus de 100 participants - répertoriées annuellement (cf. l’édition 2013 du Livre Bleu sur le développement social préparé par l’Académie des Sciences Sociales). Cette conjonction de défis imbriqués dépasse largement les capacités de compromis et d’arbitrage du conseil de village.

Les nouveaux membres du Conseil municipal eux-mêmes semblent lassés. Lin Zuluan, 70 ans, a publiquement laissé entendre qu’il regrettait de s’être investi à ce point dans la protestation, soulignant que les revendications des résidents de Wukan étaient irréalistes et trop impatientes.

Aujourd’hui Wukan, qui avait un temps servi la propagande du régime autour de l’image d’un conflit local géré grâce à un scrutin exemplaire, n’est plus considéré comme le symbole d’une contagion démocratique, mais plutôt comme l’archétype d’un système à éradiquer qui perpétue les captations de terres illégales et la corruption des fonctionnaires.

Il reste que le modèle de protestations violentes des citoyens a fait souche et s’est développé dans plusieurs villages alentours, attisé par des arbitraires fonciers, fomentés par les administrations locales. La réaction des autorités y a été moins souple qu’à Wukan. Mais la répression ne parviendra pas à stopper les troubles qui accompagneront l’urbanisation tant que les lois foncières ne garantiront des transferts de terres équitables et correctement indemnisés.

D’autant que tout indique que le modèle Wukan de la mobilisation en sous main, n’est pas mort. Un article de Reuter du 28 février 2013 mentionne Zhuang Leihong, 28 ans, un des chefs des combats de l’automne 2011, dont les « héros » s’étaient regroupés autour du mouvement au nom évocateur de « la Ligue patriotique de la jeunesse au sang chaud de Wukan 烏坎熱血青年團 »

Après l’élection de 2012, constatant les immobilismes fonciers et les blocages politiques, il avait quitté le conseil municipal, mais n’a pas abandonné la lutte. Il adoptera dit-il « le profil plus discret, d’une force qui continuera à se construire “derrière le rideau“, pour éviter la répression gouvernementale », qui sonne comme un retour à la stratégie discrète des clans.

Lire aussi :
La démocratie directe et le défi des révoltes paysannes.


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