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Escalade vers une guerre froide entre l’Europe, l’OTAN et la Russie.

Angela Merkel et Vladimir Poutine se serrent la main à l’occasion d’une rencontre à Deauville en juin 2014. Photo AFP.
Récemment et en amont de la visite de Li Keqiang, les tensions sont montées d’un cran quand, même la très pragmatique Angela Merkel a, le 17 novembre, en marge du G20 à Sidney, mis en garde contre les risques de guerre froide portés par les tactiques de Vladimir Poutine.
S’exprimant au « Lowy Institute for International Policy » et tout en rappelant sa confiance dans les mécanismes de conciliation européens nés après le deuxième conflit mondial, elle a sitgmatisé la menace que « l’annexion illégale de la Crimée » et la « violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par Moscou » faisait peser sur la paix en Europe, rappelant au passage la destruction au-dessus de l’Ukraine du vol MH 17 de la Malaisian Airlines, le 17 juillet 2014.
La prise de position de la chancelière allemande faisait suite à une autre déclaration martiale lors de sa visite le 19 août en Lituanie reprise par l’agence Chine Nouvelle et nombre de médias internationaux. Angela Merkel y rappelait la clause de solidarité de l’Article 5 de l’OTAN qui, en cas de menace directe contre un État membre, déclencherait une réaction militaire automatique de l’Alliance : « l’Article 5 » a t-elle dit, « n’est pas seulement théorique. C’est un accord contraignant. Il faut nous y préparer ».
Ce qui, soit dit en passant, nous rapproche un peu plus des enchaînements tragiques de la première guerre mondiale qu’Angela Merkel allait elle-même évoquer dans la première partie du discours prononcé au « Lowy Institute for International Policy » trois mois plus tard.
Le projet « Southstream », victime collatérale.

Le projet de gazoduc « South Stream », prévu pour passer sous la Mer Noire qui devait acheminer le gaz russe vers l’Europe en contournant l’Ukraine, a été déclaré « mort-né » le 1er décembre par Vladimir Poutine à Ankara. L’annonce surprise a semé l’inquiétude en Hongrie, en Bulgarie, en Roumanie, en Serbie et en Autriche.
Les « bruits de ferraille » otaniens de la chancelière allemande n’ont pas désamorcé la crise au contraire. Li Keqiang est en effet arrivé à Belgrade tout juste deux semaines après que Vladimir Poutine ait, lors d’une visite officielle en Turquie, définitivement mis un terme au projet « Southstream », la branche sud du réseau d’hydrocarbures qui devait approvisionner l’Europe en gaz russe en contournant l’Ukraine par le sud.
Une solution qui faisait, entre autres, l’affaire de la Hongrie, de l’Autriche, de la Serbie et de la Bulgarie. Tous parties au sommet de Belgrade avec la Chine, ils voyaient dans Southstream le moyen d’échapper aux aléas d’approvisionnement créés par un gazoduc traversant l’Ukraine. En revanche, Bruxelles échaudée par le chantage russe le considérait comme un facteur pouvant aggraver la vulnérabilité de l’Europe face aux pressions de Moscou.
Présentée comme une riposte russe à l’UE, l’annulation est probablement aussi le résultat des réticences de Bruxelles, soucieuse de ne pas accentuer sa dépendance à la Russie, de la baisse des cours du pétrole et d’un assèchement des capitaux de Gazprom, incapable de lever des fonds après les sanctions européennes. Nabucco, projet alternatif est aujourd’hui en état de mort clinique faute de financements. Le projet TAP (Trans Adriatic Pipeline) de la Caspienne par la Turquie vers l’Italie du sud et TANAP - Trans Anatolian Natural Gas Pipeline Project) est encore dans les limbes.
Ébranlement des anciennes lignes stratégiques.
Que l’annonce de l’annulation de Southstream ait eu lieu à Ankara, un des grands alliés de l’OTAN, mais dont le premier ministre Erdogan a les mêmes raisons que Poutine de se plaindre de l’UE qui vient de stigmatiser les manquements de la Turquie à la liberté d’information, tandis que l’attitude d’Ankara a l’égard de la Syrie est tout de même radicalement inverse de celle de Pékin et de Moscou, montre bien que les lignes stratégiques ont bougé et que l’Alliance Atlantique pourrait avoir perdu sa pertinence dans la rivalité d’influences en cours à l’Est de l’Europe entre Moscou, Bruxelles et Washington.
L’arrière plan des rancoeurs chinoises contre l’OTAN.
Le 15 décembre, à son arrivée à Belgrade, le Premier Ministre chinois n’aura pas manqué de constater que les lourdes fractures stratégiques n’ont pas disparu à l’Est de l’Europe depuis que, le 7 mai 1999, lors de la guerre dans les Balkans, l’ambassade de Chine dans ce qui était encore la capitale de la Yougoslavie, avait été frappée par trois missiles de croisière Tomahawk tirés par un chasseur de combat américain. L’attaque dont on sait aujourd’hui qu’elle était intentionnelle, faisait suite à un succès retentissant de la défense aérienne serbe qui, 6 semaines plus tôt, avait abattu un F.117 américain à 60 km au nord-ouest de Belgrade.
C’est également en 1999 que Vladimir Putin succéda à Boris Yeltsine démissionnaire, marquant le début du retour de la Russie dans le jeu stratégique régional, grâce au levier des hydrocarbures. 15 ans plus tard, la renaissance nationaliste russe a conduit aux effervescences en cours marquées par l’annexion de la Crimée et l’amorce d’une partition de l’Ukraine qui, du point de vue de Moscou, ne furent que les réactions légitimes aux tentatives européennes et occidentales pour affaiblir la Russie. (Discours de Vladimir Poutine, le 4 décembre dernier au Kremlin devant l’Assemblée de la Fédération de Russie).