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›› Taiwan

Ma Ying-jeou franchit une ligne rouge. Pékin accuse Tokyo de provocation

Aubaine pour les pêcheurs. Succès pour Ma Ying-jeou

L’accord signé à Taipei, d’autant plus sensible pour Pékin qu’il touche à une zone objet de graves querelles territoriales avec le Japon, comporte un codicille qui met entre parenthèse les querelles de souveraineté. Ma Ying-jeou commente l’avenant en indiquant que, si la souveraineté ne pouvait être partagée, il n’en était pas de même pour les ressources qu’on pouvait exploiter en commun. Sur ce thème, il reprend l’argument de Pékin en mer de Chine du sud.

Aux termes du protocole, les pêcheurs taïwanais pourront désormais exploiter une zone augmentée de 4800 km2. Mais l’accord ne s’appliquera pas à l’intérieur des 12 miles nautiques des eaux territoriales, objets des revendications rivales de Pékin, Tokyo et Taipei. Ultérieurement une commission ad hoc de pilotage se réunira à Tokyo ou à Taipei.

Pour les pêcheurs taïwanais, l’accord qui coïncide avec l’ouverture de la pêche au thon est une aubaine, puisque selon des estimations les plus optimistes, qui restent cependant à confirmer, les gains supplémentaires s’élèveraient à plus de 6 Mds de $, dans un contexte actuellement très déprimé, où la ressource dans les anciennes zones de pêche autorisées se faisait rare.

A l’intérieur, comme à l’extérieur, les avantages politiques de l’initiative sont évidents pour Ma Ying-jeou, dont la cote de popularité a récemment plongé à moins de 15%. Au moins les pêcheurs taïwanais, fréquemment mobilisés contre le pouvoir, auront-ils, pour un temps, moins de raisons de protester.

Sur la scène internationale, le Président pourra se targuer d’un spectaculaire succès diplomatique, qui a, de surcroît, l’avantage d’offrir une image raisonnable de l’administration de l’Île, dans un contexte marqué par des tensions nationalistes irrationnelles, où l’esprit de conciliation entre Pékin et Tokyo est absent.

La Chine considère évidemment l’initiative de Taipei avec d’autant plus d’amertume que la question des Diaoyu pouvait constituer un sujet de coopération bilatérale contre Tokyo, alors que la Chine et le Japon avaient, en 1996, déjà signé un accord similaire autour de l’archipel contesté.

Aujourd’hui, Pékin voit l’initiative de Taipei comme une manifestation d’ingratitude, qui prive aussi la Direction du Régime chinois d’un sujet où elle pouvait se présenter comme le protecteur des droits des pêcheurs taïwanais face au Japon. L’idée est désormais d’autant moins d’actualité que les gardes-côtes de l’Ile, ont au contraire, exprimé l’intention d’évincer les chalutiers chinois de la zone.

Pékin ménage Taipei et critique violemment Tokyo.

Pour autant, les réactions de Pékin contre Taipei sont restées mesurées. Les déclarations officielles font essentiellement référence aux blessures d’amour propre ressenties par les Chinois sans jamais faire état de la moindre velléité des riposte contre l’Ile.

A Pékin, on considère en revanche que l’accord est une provocation anti-chinoise du Japon, qui, depuis quelque temps, s’ingénie à rehausser le statut diplomatique de l’Île, en infraction à la politique « d’une seule Chine ». Déjà la Chine s’était offusquée quand, lors de la commémoration de la catastrophe de Fukushima, le 11 mars dernier, l’envoyé de Taïwan avait été reçu comme un ambassadeur.

Quant à l’accord de pêche autour de l’archipel des Diaoyu, à Pékin on relève que les négociations entre Tokyo et Taipei duraient depuis 1996, sans résultat tangible. Plus encore, au cours des 16 rencontres, qui toutes se soldèrent par des échecs ou des avancées mineures, les blocages venaient chaque fois du Japon. Pour le Bureau Politique, il est donc clair que la soudaine ouverture du 10 avril procède d’une volonté japonaise de nuire à la Chine.

Cette réalité explique que les réactions chinoises aient surtout ciblé le Japon, tandis que le souci de protéger la qualité des relations dans le Détroit et de ne pas remettre en cause les progrès accomplis depuis l’avènement de Ma Ying-jeou en 2008, était évident. Le 11 mars, Hong Lei, le porte parole du Waijiaobu dénonçait une « violation grossière par le Japon de la politique “d’une seule Chine“ et demandait que Tokyo se conforme aux termes du “communiqué conjoint“ pour traiter des affaires impliquant Taïwan. »

Plus largement les tensions avec le Japon et la colère de Pékin étaient rappelées dans un article du China Daily du 10 avril, qui faisait référence au « Livre Bleu » 2013 sur la situation stratégique et diplomatique, rendu public le 5 avril dernier par Tokyo. L’auteur y accusait le Japon d’instrumentaliser « la menace chinoise » dans le but de redevenir une puissance militaire en appui de la bascule stratégique des États-Unis vers le Pacifique occidental.

L’accusation est répétée dans le 8e Livre Blanc chinois sur la défense, publié le 16 avril, dans lequel on pouvait lire en substance que le Japon prenait des initiatives exacerbant les tensions dans la zone des Diaoyu, favorisant le mouvement indépendantiste taïwanais et ses activités, qui constituaient elles-mêmes la plus forte menace contre le développement apaisé des relations dans le Détroit.

GRANDES MANŒUVRES MILITAIRES

Les forces armées taïwanaises conduisent actuellement leur grand exercice annuel baptisé Han Kuang, auquel participent les trois armées. Traditionnellement et par la force des choses le scénario de la manoeuvre est construit autour d’une réaction à une attaque de la Chine continentale contre l’Île.

D’une durée de 5 jours, l’exercice comprend des tirs réels organisés le 17 avril sur l’archipel des Penghu notamment par des batteries de lance roquettes multiples de type Thunderbolt - 2000 construits par Taïwan.

Une deuxième partie de l’exercice, assisté par ordinateurs, comprenant l’entraînement des postes de commandement aura lieu en Juillet .


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Par Anonyme Le 18/04/2013 à 09h42

Ma Ying-jeou franchit une ligne rouge. Pékin accuse Tokyo de provocation.

Bonjour,
Comme toujours votre article est très instructif et très bien contextualisé.
Toutefois l’enjeu et les conséquences des négociations à trois bandes de 1996 reste obscures pour celui qui n’est pas spécialiste de cette question :

Page 2 vous mentionnez que : La Chine considère évidemment l’initiative de Taipei avec d’autant plus d’amertume que la question des Diaoyu pouvait constituer un sujet de coopération bilatérale contre Tokyo, alors que la Chine et le Japon avaient, en 1996, déjà signé un accord similaire autour de l’archipel contesté.

Et

Page 3 : Quant à l’accord de pêche autour de l’archipel des Diaoyu, à Pékin on relève que les négociations entre Tokyo et Taipei duraient depuis 1996, sans résultat tangible. Plus encore, au cours des 16 rencontres, qui toutes se soldèrent par des échecs ou des avancées mineures, les blocages venaient chaque fois du Japon.

Pourriez vous préciser ce point juridico-diplomatique qui semble important en expliquant un peu plus ce qu’il révèle des tensions en cours.

Merci d’avance
EB

Par Jean-Paul Yacine Le 20/04/2013 à 11h35

Ma Ying-jeou franchit une ligne rouge. Pékin accuse Tokyo de provocation.

Il est difficile de répondre à cette question en peu de mots, car elle renvoie à la complexité des relations entre Tokyo, Taipei et Pékin, où ce sont souvent les non dits et les intentions cachées qui font la réalité de la politique. Pour tenter d’y voir clair, il faut examiner l’état des relations et leur évolution dans ce triangle depuis 1996.

Au moment où la Chine et le Japon signèrent leur accord sur les Senkaku – Diaoyu, (les négociations commencèrent en 1996 et l’accord fut signé en 1997), les relations bilatérales étaient, comme souvent, marquées par de profondes méfiances réciproques. Le 29 juillet 1996, le premier ministre japonais Hashimoto, de la mouvance conservatrice LDP du centre droit, avait repris les visites au temple Yasukuni, après 11 années d’interruption, tandis que Tokyo venait de signer avec Washington, l’extension de la zone de responsabilité stratégique du Japon qui, en cas d’agression chinoise, incluait Taïwan et envisageait une intervention des forces d’autodéfense dans le Détroit, aux côtés des États-Unis.

Mais, adoptant en même temps, une stratégie à deux faces, dans un contexte où beaucoup d’observateurs considérèrent la politique japonaise comme des provocations du Parti conservateur, Hashimoto déployait de considérables efforts pour normaliser les relations avec la Chine qui, elle-même était, depuis 1992 (reconnaissance de la Corée du Sud), entrée dans une phase d’apaisement avec ses voisins. Dans ce contexte, le premier ministre japonais se rendit de nombreuses fois en Chine, y compris en 1998 et 2002, après la fin de son mandat.

En 1997, au moment de l’accord sur les pêches autour des Senkaku, les deux pays célébraient le 25e anniversaire de leurs relations diplomatiques. Officiellement, l’accord excluait la zone économique spéciale, mais une lettre du Cabinet d’Hashimoto – que le gouvernement japonais ne souhaitait pas rendre publique – expliquait que les gardes côtes japonais ne feraient pas obstacle aux activités des chalutiers chinois à l’intérieur de la zone. A l’époque déjà, tout comme aujourd’hui, les pêcheurs d’Okinawa accusèrent Tokyo de brader leurs droits de pêche exclusifs.

Dans ce contexte, on peut penser que Tokyo ne souhaitait pas mettre en péril la « normalisation » avec Pékin en accordant les mêmes droits aux Taïwanais, d’autant que la période était marquée par une grave crise dans le Détroit, ponctuée par 3 séries de tirs de missiles inertes chinois au large de l’Île, en riposte à la visite aux États-Unis de Lee Teng-hui (1995) et aux élections présidentielles de 1996, dont l’organisation démocratique hérissait la Chine.

Ainsi, après avoir, en 1996, entamé des négociations avec Taïwan – en réalité, Taipei faisait valoir ses droits depuis 1970, bien avant Pékin -, Hashimoto, qui, à chacun de ses voyages en Chine et notamment en 1997 lors du 25e anniversaire, réaffirmait la politique d’une seule Chine - fit traîner les pourparlers. Cette prudence visant à ménager Pékin, continua jusqu’en 2009, quand les négociations Tokyo - Taipei furent interrompues.

La date est importante. Après la fin du premier mandat de Shinzo Abe, elle correspond, en effet, à un réchauffement exceptionnel des relations sino-japonaises, dans la foulée la visite réussie de Hu Jintao au Japon en mai 2008. (lire notre article Chine - Japon. Un remarquable exercice de tolérance diplomatique), et celle, en retour, de Taro Aso à Pékin, en octobre.

On sait que les relations se crispèrent à nouveau, en septembre 2010, quand, précisément près des Ilots Senkaku, un chalutier chinois entra en collision avec 2 gardes côtes japonais et que son commandant fut emprisonné à Tokyo. Il est légitime de penser que les surenchères de politique intérieure au Japon, aux prises avec une forte instabilité ministérielle, à quoi s’ajoute la manipulation récurrente par Pékin du nationalisme chinois anti-japonais sont à la racine des troubles qui s’exacerbent depuis cette date.

Il ne fait pas de doute que l’accord entre Tokyo et Taipei signé le 10 avril 2013 est une initiative japonaise, que Ma Ying-jeou s’est empressé de saisir. Tout indique que Pékin a été pris de court et que l’intention japonaise était précisément d’empêcher un front uni Pékin – Taïwan. La mauvaise cote de popularité de Ma Ying-jeou, les difficultés des pêcheurs taïwanais et la volonté du KMT d’affirmer sa marge de manœuvre diplomatique face à Pékin ont fait le reste.

La presse japonaise conservatrice triomphe et cite en exemple la « modération » de Ma Ying-Jeou qui « a su éviter les surenchères nationalistes ». On peut douter qu’à Pékin on soit sur la même ligne. Il sera intéressant d’observer la visite début mai à Pékin de Masahiko Koumura, n°2 du parti libéral démocrate et Président du groupe d’amitié parlementaire sino-japonais.

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