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›› Editorial

Meng Wanzhou, symbole de la rivalité globale avec Washington

Bataille culturelle globale.

En août 2016, déjà, le site « Les Crises » commentait sous la plume de Richard Labévière, l’ancien rédacteur en chef rebelle de RFI, une étude d’Hervé Juvin, intellectuel et homme d’affaires proche de Raymond Barre et de Marcel Gauchet, dénonçant la soumission culturelle et stratégique inconditionnelle des alliés des États-Unis aux manœuvres globales de Washington à la recherche d’une prévalence planétaire sans partage.

Alors qu’en Europe Sanofi, Airbus, Safran, Siemens, BNP Paribas, Alstom, le Crédit agricole, Mercedes, Renault, DCNS, Vinci et Veolia avaient déjà eu à répondre à la justice américaine leur ayant infligé de lourdes sanctions financières et, parfois des peines d’emprisonnement à leurs représentants [1] (lire à ce sujet notre article Alstom, dommage collatéral de la compétition Chine – Etats-Unis.), Hervé Juvin qui s’offusquait de la soumission européenne, dénonçait l’impérialisme américain.

« L’application extraterritoriale du droit américain, ayant pour prétexte moral, juridique, économique et stratégique la lutte anti-corruption et la moralisation des affaires, l’efficacité du capital et la libre concurrence, le respect des embargos américains et le combat anti-terroriste, vient en réalité à l’appui d’un impérialisme juridique grandissant, au bénéfice de l’intérêt national américain.

La manœuvre se propage à la faveur de l’abandon du droit international, de la faiblesse régalienne de l’Union Européenne et de la négation de sa puissance. Elle constitue un élément majeur de la stratégie de “Global Constraint – contrainte globale“ – qui renouvelle la stratégie de l’empire américain ».

Il y a quelques jours, Liu Deliang professeur de droit à l’Université Normale de Pékin, en phase avec cette analyse, expliquait que l’arrestation de Meng par le Canada se pliant sans discussion à une requête américaine était contraire au droit international. Sous couvert de légalisme, elle reflétait la volonté hégémonique de Washington.

Mettant le doigt sur de lourds contrastes culturels et la vision univoque niant les armatures sociales et philosophiques des autres groupes humains, Hervé Juvin, ajoutait que « la brutalité du procureur américain, la dureté des inculpations et des sanctions, ponctuées de campagnes d’intimidation contre les récalcitrants résultaient moins des textes que de l’extrême résolution avec laquelle ils sont mobilisés au service d’une vision particulière du monde. ».

Pour lui l’absence de nuances reflétait « une conception de l’ordre social exprimée par le droit, fondée sur la concurrence darwinienne pour la survie éliminant les plus faibles, articulé à un modèle scientiste et néo-rationaliste en vertu duquel la technique et la croissance résoudraient tous les problèmes qu’elles ont elles-mêmes générés. »

*

En haussant l’analyse d’un étage on notera que l’épisode est le dernier symptôme en date du complexe hégémonique américain dont la Chine devenue un rival est aujourd’hui une cible prioritaire.

Né avec la loi anticorruption en 1977 « FCPA » (Foreign Corrupt Practicises Act), renforcé après la chute de mur de Berlin qui fut le prétexte au lancement du « nouvel ordre mondial », élargi en 1998 avec des dispositions légales visant ceux osant violer les embargos américains permettant d’écarter les concurrents sous des prétextes moraux ou juridiques, l’appétit hégémonique de Washington s’articule à la conviction chez toutes les élites américaines, quel que soit leur bord politique, que la sécurité des États-Unis dépend de la prévalence stratégique la plus vaste possible, qu’elle soit militaire, commerciale ou économique.

Premier rival stratégique et culturel de l’Amérique, la Chine dont la puissance s’affirme depuis les JO de 2008, constitue, quel que soit l’angle de vue, le plus grand obstacle à la stratégie impériale américaine.

Note(s) :

[1Depuis 2010, 4 groupes français et 3 banques ont fait l’objet de sanctions financières américaines payables au trésor américain.

En 2010 Technip : 338 millions de $ pour corruptions au Nigeria ; en 2010 Alcatel – Lucent : 137 millions de $ pour corruption au Costa Rica, au Honduras à Taïwan et en Malaisie ; en 2013, Total pour corruption en Iran ; en 2014, Alstom 772 millions de $ pour corruption en Indonésie ;

En 2014, BNP Paribas 8,9 Mds de $ pour non-respect des embargos américains au Soudan, en Iran et à Cuba ; en 2015, le Crédit Agricole : 787 millions de $ pour non-respect des embargos américains au Soudan, en Iran et à Cuba ; 2018, Société Générale : 292 millions de $ pour corruption en Libye ; 2018, Société Générale, 750 millions de $ pour manipulation du taux intermédiaire de référence du marché monétaire.


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