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›› Chronique

Mer de Chine du sud. Entre postures agressives et crainte d’un dérapage militaire

La marine de l’APL, outil du contrôle de l’espace naval.

Montée en puissance depuis le règne de l’Amiral Liu Huaqing (décédé en 2011) commandant les forces navales chinoises entre 1982 et 1988 (lire : La marine chinoise devient un outil diplomatique et stratégique de portée globale.), la marine est l’outil stratégique majeur de Pékin pour consolider ses revendications sur les îlots et sur la presque totalité de l’espace marin dont les dimensions voisinent celles de la Méditerranée.

Simultanément les mouvements navals chinois s’efforcent de tenir à distance les opérations des porte-avions et des destroyers de l’US Navy, que le discours public chinois considère comme des intrus illégitimes, au milieu d’une vaste et efficace campagne de « séduction vaccinale » au profit de tous les pays riverains (lire : La vaste stratégie « enveloppante » des vaccins (Suite).).

La revendication de Pékin est ancienne. En 1946, Tchang Kai-chek affirmait déjà, contre le droit international, la prévalence culturelle chinoise dans la zone, par une ligne en 11 traits (aujourd’hui réduite à 9). Dans le nouveau discours nationaliste de Pékin [2], la ligne a progressivement été assimilée à « un intérêt vital (核心) », tandis que, la flambée politique nationaliste aidant, la réclamation officielle est de plus en plus intraitable.

Les objectifs restent inchangés. D’abord rappeler la prévalence du suzerain dans l’espace culturel où la Chine dit avoir été présente depuis « les temps anciens - 远古时代 ». Ensuite exercer un contrôle stratégique sur le flanc sud de la Chine, ses ressources d’hydrocarbure dont elle interdit l’exploration aux étrangers à la zone, et sur les routes commerciales par où transite 30% de la valeur globale du commerce mondial (Voir l’Annexe).

L’agressivité chinoise. Une réaction aux intrusions américaines.

La marine chinoise a également augmenté le rythme de ses activités. Elles sont homothétiques de sa modernisation et de sa montée en puissance. Depuis 2016, l’élargissement des îlots par 1300 hectares de bétonnage artificiel, a permis de construire un efficace réseau de points d’appui logistiques et opérationnels.

Ces derniers comptent des hangars assez vastes pour abriter plus de 70 avions de combat, des dépôts de munitions, des quais d’amarrages, des silos de missiles, des sites radars et 4 pistes d’atterrissage de 3000 m (une sur Woody Island dans les Paracels trois dans les Spratlys, sur les îlots Fiery Cross, Subi et Mischief).

Au cours de 2020, l’APL a organisé 17 sorties et exercices. Ils vont des exercices aériens de lutte anti sous-marine (mars 2020) à l’appui apporté à distance à la flotte des garde-côtes qui harcèlent les explorations d’hydrocarbures, en passant par des missions de bombardiers à longue portée et plusieurs exercices à tirs réels de grande ampleur dont des missiles balistiques anti-navires.

La plupart furent des « ripostes » aux incursions américaines.

La manœuvre anti-sous-marine de mars 2020 a été organisée peu après le passage du PA Roosevelt ; en juillet, les exercices organisés simultanément sur les théâtres « des trois mers » (mer Jaune, mer de Chine de l’est, mer de Chine du sud) le furent après les exercices des PA Ronald Reagan et Nimitz ;

Le même mois, un exercice à tir réel de trois frégates, suivi des mouvements de huit chasseurs de combat posés à Woody Island dans les Paracels étaient une réponse aux accusations de Mike Pompeo ; Quant aux salves de missiles balistiques de la fin août – la plus sérieuse menace contre les porte-avions américains – elles furent tirées quelques jours seulement après la dernière série d’opérations du PA Ronald Reagan dans la zone.

Un mois plus tard l’APL organisait quatre exercices navals simultanés, en mer Jaune, en mer de Chine de l’est, dans le golfe de Bohai et en mer de Chine du sud dont deux à tirs réels près des îles Paracel. (lire : China holds simultaneous military drills in four seas, again),

La démonstration de force était accompagnée d’une accusation - en réalité un secret de polichinelle - que des avions espions américains avaient survolé la mer de Chine du sud.

Contredisant l’idée d’une offensive imminente de l’APL, dont la préparation supposerait le secret et la surprise, le branle-bas de la marine chinoise et de la 2e artillerie est accompagné par une campagne médiatique de mise en garde.

En août 2020, les journaux de l’APL déclarèrent en effet sans ambages que les tests de missiles chinois étaient destinés à signifier aux États-Unis que leurs porte-avions seraient inopérants dans un conflit avec la Chine.

*

Au total, il semble que Pékin s’applique à tenir une ligne de crête visant à dissuader Washington sans prendre le risque d’un affrontement direct.

L’essentiel des harcèlements contre les pêcheurs et les explorations d’hydrocarbures est mené par des gardes côtes, les destroyers de la marine restant à distance. Ni les avions de combat ni les missiles balistiques n’ont été déployés à demeure dans les Spratlys.

Les buts sautent aux yeux. Maintenir les positions chinoises sur le théâtre sans prendre le risque d’un affrontement militaire direct dont les conséquences seraient imprévisibles ; désigner la marine américaine comme le principal fauteur de troubles.

Passant sous silence la revendication hors-normes de la majeure partie de la mer de Chine du sud, l’élargissement par bétonnage des îlots et leur militarisation rampante, le discours officiel chinois diffuse l’idée que les tensions ne sont pas le fait de la Chine.

Depuis la pandémie, le discours a évolué. Il répète désormais que l’agressivité américaine est destinée à détourner l’attention de l’opinion de la mauvaise gestion de la maladie par la Maison Blanche.

Le 28 août déjà, le China Daily publiait une mise au point dans ce sens : « Nous espérons que « certains politiciens américains » qui sabotent les relations sino-américaines pour des raisons égoïstes au risque de provoquer un conflit militaire, reviendront à plus de pondération afin que les relations bilatérales puissent reprendre leur cours normal. »

Le 24 novembre dans le New-York Times, Fu Ying, ancienne vice-ministre des Affaires étrangères, actuelle vice-présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’ANP ne disait pas autre chose.

Pour que la coopération sino-américaine soit remise sur les bons rails, il fallait accepter la situation telle qu’elle est aujourd’hui. Toute autre attitude reviendrait à prendre partie contre la Chine et à raviver les humiliations coloniales.

« L’insensibilité à l’égard des préoccupations de la Chine à propos de Taïwan et des conflits territoriaux dans la mer de Chine méridionale ne peut qu’amener Pékin à douter des motivations de Washington. »

Touchant un point sensible de l’histoire heurtée entre la Chine et l’Occident, attisant de manière anachronique le sentiment de repentance, excluant à la fois toutes les considérations sur le droit de la mer et les aspirations des autres riverains, elle ajoute : « Les États-Unis se rangent-ils du côté des autres riverains de la région pour humilier la Chine comme les impérialistes l’avaient fait dans le passé ? »

Enfin, passant sous silence, à la fois les augmentations des pressions exercées sur l’Île depuis l’élection de Tsai Ing-wen et l’aspiration démocratique des Taïwanais, carte sauvage surgie dans le paysage politique du Détroit où les habitants de l’Île n’avaient jamais été consultés : « Les États-Unis ont-ils l’intention de pousser l’Île de Taïwan à l’indépendance ? »

Note(s) :

[2Le 1er juillet 2016, alors que les Philippines attendaient l’arbitrage de la Cour internationale sur le droit de la mer, dont chacun savait qu’il serait défavorable aux revendications chinoises, Xi Jinping avait à l’occasion du 95e anniversaire du Parti, rappelé, dans un discours adressé au Comité Central, qu’il ne fallait pas s’attendre que Pékin abandonne ses intérêts fondamentaux 拿自己的核心利益做交易 dans un ordre international que la Chine récusait et où le dernier mot n’appartient qu’à une seule partie (不能由一家說了算).

Lire à ce sujet notre article publié après l’arbitrage de la cour qui stipulait clairement qu’il n’y avait « aucun fondement juridique aux revendications de Pékin à l’intérieur de la ligne en 9 traits ». Il ajoutait « qu’en dehors des eaux territoriales, les espaces marins étaient à considérer comme la haute mer » : Arbitrage de la Cour de La Haye. Tensions et perspectives d’apaisement.

Dans sa conclusion, François Danjou spéculait sur une hypothèse d’apaisement, par le biais des contacts entre les deux marines, qui, on le voit, n’a pas eu lieu. On notera cependant que le Parti qui déplore les tensions actuelles, appelle de ses vœux le retour de la coopération militaire.


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