Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Editorial

Mer de Chine méridionale. Le fait accompli se pare de juridisme

Les moyens navals du contrôle et les contrefeux occidentaux et asiatiques.

Les moyens du contrôle sont les nouveaux garde-côtes en cours de construction dont le premier, le « Haixun 海巡09 » a été lancé en septembre 2020 (cf. la photo de la 1re page). Avec une longueur de 165 mètres et un tonnage impressionnant 10 700 tonnes, équipé d’une plateforme pour hélicoptère, il a une autonomie de 9700 nautiques, soit six fois la plus grande distance nord-sud de la mer de Chine méridionale.

Naviguant à la vitesse maximum de 25 nœuds, comparable à celle des PA Charles de Gaulle ou du Queen Elisabeth de la Royal Navy, il est cependant moins véloce que la plupart des navires de guerre américains cibles prioritaires de la nouvelle loi dont la vitesse est de 30 nœuds.

*

Le 7 septembre, moins d’une semaine après l’entrée en vigueur de la loi chinoise, les États-Unis qui, avec l’Australie et les Philippines, furent les premiers à rejeter la nouvelle loi chinoise, ont pénétré en force en mer de Chine avec le porte-avions nucléaire Carl Vinson 80 000 tonnes et son groupe aéronaval.

Alors que le Carl Vinson avait à son bord les tous nouveaux chasseurs furtifs F-35C, un communiqué de la flotte du Pacifique précisait que la manœuvre de routine qui visait à assurer la sécurité dans la zone « Indo Pacifique », comprendrait des exercices de frappe aérienne.

Premier incident après l’entrée en vigueur de la loi, le 8 septembre, Pékin clamait que le destroyer lance-missiles USS Benfold, 9000 tonnes, capable, comme le Carl Vinson, de naviguer à 30 nœuds, était entré sans autorisation dans ses eaux territoriales aux abords des Mischief.

Situés à 700 nautiques au sud-est des cotes chinoises, mais à seulement 150 nautiques des Philippines, les récifs également revendiqués par Taïwan, Hanoi et Manille, ont été élargis par bétonnage, militarisés et dotés d’une piste d’aviation par le génie maritime chinois. Lire : Mer de Chine du sud. La carte sauvage des hydrocarbures. Le dilemme de Duterte.

En réponse la marine américaine rappelle d’abord, se référant au droit de la mer, que les Mischief sont un haut fond artificiellement élargi qui ne peut générer des eaux territoriales, ensuite que la mer de Chine méridionale est un domaine de haute mer où la juridiction chinoise n’a pas cours.

Relire l’arbitrage de la Cour de La Haye en gardant en tête qu’en juillet 2016, Pékin avait déclaré « la position de Pékin est claire : refus de l’arbitrage, refus de participer au jugement, refus de l’appliquer ».

Tout juste un mois avant, la Royal Navy était également dans la zone avec le groupe aéronaval Queen Élisabeth pour affirmer la liberté de navigation en mer de Chine méridionale.

S’il est vrai que les navires britanniques ont, au cours de leur périple en Extrême Orient, effectué comme l’US Navy des manœuvres avec la marine japonaise, puissant irritant pour Pékin, en mer de Chine, elle s’est montrée plus discrète que le Carl Vinson.

Selon la marine et le ministère des Affaires étrangères chinois, qui se sont félicités du comportement des navires britanniques, ces derniers n’ont pas pénétré dans les 12 nautiques des eaux territoriales chinoises.

Les racines historiques de la désinvolture, ferments des tensions à venir.

La prudence de Londres n’a cependant pas empêché le Global Times de publier le 6 septembre que « la réaction des États-Unis et de ses marionnettes à la nouvelle loi maritime exprimait un arrière-plan de puissance dominante ».

L’auteur Cheng Xiangmao, jeune chercheur à l’institut de la mer de Chine méridionale à Haikou, évacuait le fond de la controverse lié au respect du droit international et aux faits accomplis successifs de la militarisation des îlots, partie d’un grignotage général de la mer de Chine, légalisé par le dernier coup de force du 1er septembre enveloppé de juridisme sur la sécurité maritime.

A la place, il s’inspirait du discours de Yang Jiechi à Anchorage, le 19 mars dernier pour réfuter, non seulement la prévalence morale que s’attribue Washington, mais aussi la condescendance avec laquelle les États-Unis s’adressent à la Chine.

« J’aurais dû rappeler à la partie américaine de faire attention au ton de son discours d’ouverture (du dialogue) », (…) «  Les États-Unis ne sont pas qualifiés pour parler à la Chine en une position de force… Ce n’est pas ainsi que l’on traite avec le peuple chinois… Le peuple américain est certainement un grand peuple, mais le peuple chinois l’est aussi. Le peuple chinois n’a-t-il pas suffisamment souffert dans le passé de la part des pays étrangers ? »

En évoquant à la suite de Xi Jinping, dont c’est un des leitmotivs, les souffrances infligées à la Chine par l’Occident au XIXe siècle, Yang Jiechi, ancien ambassadeur à Washington et membre du Bureau Politique qui reprenait un thème diffusé depuis 2013 dans tout l’appareil depuis la tête du Parti, semble indiquer qu’à près deux siècles de distance, Pékin s’autoriserait les mêmes arrogances désinvoltes ayant sous-tendu les « traités inégaux ».

Aujourd’hui, alors que les rapports géostratégiques ont radicalement changé depuis l’illusion du « nouvel ordre mondial » spéculant, après la chute de l’URSS, sur la prévalence sans partage de l’Amérique, Yang et, à sa suite Cheng Xiangmao, le font avec l’assurance de la nouvelle puissance chinoise, face au déclin de l’Amérique dont l’épisode afghan est devenu le symbole.

Il reste qu’en nationalisant la mer de Chine du sud, donnant corps par un coup de force juridique à sa vision impériale de la zone, Pékin prend le risque d’augmenter mécaniquement le nombre de ses détracteurs.

Jusqu’à présent, les marines attachées au droit de la haute mer pouvaient choisir de s’affirmer face à Pékin selon un mode plus ou moins provocateur en pénétrant ou non dans les 12 nautiques autour des îlots contestés.

Désormais, la « nationalisation juridique » de tout l’espace marin ne laisse plus que deux choix : se soumettre aux exigences de la nouvelle loi chinoise reconnaissant ainsi le coup de force ou décider de les ignorer, au risque d’attiser les tensions avec la Chine.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

A Hong-Kong, l’inflexible priorité à la sécurité nationale a remplacé la souplesse des « Deux systèmes. »

14e ANP : Une page se tourne

La stratégie chinoise de « sécurité globale » face aux réalités de la guerre

Que sera le « Dragon » ?

Brève et brutale crise boursière. Le prix de la défiance