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Mohammed Ben Salman, la Chine, l’ONU, Masood Azhar, l’Asie du sud et l’Iran

La carte saoudienne s’installe dans le jeu chinois.

72 heures après l’attaque terroriste et 8 jours avant le raid Indien de riposte, le prince saoudien Mohammed Ben Salman était en visite à Islamabad. La proximité entre Islamabad et Riyad n’est pas seulement commerciale et économique. Elle s’inscrit aussi dans la Coalition Antiterroriste Islamique et dans une recherche d’influence y compris en compétition avec Pékin où le Prince qui a aussi visité l’Inde, s’est rendu après son passage à Islamabad.

Au Pakistan, l’empreinte saoudienne vient d’atteindre le port de Gwadar et il n’est pas tout à fait certain que Pékin en soit ravi. Lire : Le Pakistan, premier souci stratégique de Pékin. Les faces cachées de l’alliance.

Construit à 80% grâce à des financements chinois, le port dont la gestion est assurée par l’entreprise publique chinoise 中国海外港口控股 (巴基斯坦) 有限公司 CHINESE OVERSEAS PORTS HOLDING COMPANY (COPHC), Gwadar est désormais ciblé par des investissements saoudiens (construction d’une raffinerie), au milieu d’autres projets au Pakistan d’énergie alternative non carbonée, d’exploitation minière auxquels s’ajoute le rachat par Riyad de 2 centrales électriques appartenant à l’État pakistanais.

Vu d’Islamabad, la manne saoudienne est la bienvenue. Elle estompe en partie la baisse de la croissance, soulage le budget gravement endetté et relance les investissements intérieurs. Mais en même temps, elle piétine les plates-bandes stratégiques de la Chine. Pour aller à l’essentiel : à Pékin on s’inquiète que les milliards saoudiens injectés dans le port stratégique de Gwadar ouvrant sur la mer d’Arabie concurrencent l’influence chinoise.

On craint aussi que l’intrusion de Riyad dans une zone jusque-là contrôlée par Pékin aux portes même de l’Iran ne brouille le jeu chinois de proximité avec Téhéran à rebours des pressions de Washington. En un mot comme en mille, la proximité sino-saoudienne à Gwadar est un terrain miné. A Téhéran, on soupçonne que l’intrusion saoudienne apporte un soutien aux séparatistes sunnites du Baloutchistan - l’arrière-pays de Gwadar -, à partir duquel des groupes armés mènent des attaques en territoire iranien.

La dernière agression terroriste eut lieu le 13 février dernier contre une unité militaire iranienne circulant en bus entre Zahedan et Khash à 60 km à l’intérieur du territoire iranien, tuant 27 « gardiens de la révolution ». Lire l’article du New York Time : Iran Suicide Bombing Kills 27 Revolutionary Guards

Pékin, l’ONU et Masood Azhar.

C’est dans ce contexte de manœuvres rivales entre le Pakistan et l’Inde, sur fond de concurrence religieuse entre Sunnites saoudiens et Chiites iraniens dont Pékin s’efforce avec de plus en plus de difficultés de se tenir à distance, que s’inscrit la prudence chinoise alors que les autres membres permanents ont accédé à la demande de New Delhi d’inscrire Masood Azhar, le fondateur du groupe Jaish-e-Mohammed sur la liste des terroristes internationaux liés à l’État Islamique.

Les réserves de Pékin que le porte-parole du Waijiaobu justifie avec difficultés par le besoin d’un « examen technique supplémentaire », constituent un puissant irritant pour New-Delhi.

Le 2 mars dernier, bousculant la pondération diplomatique, Ankit Panda publiait un article dans le South China Mornig Post qui faisait le point des frustrations indiennes à l’égard de la Chine. Celles-ci, dit l’auteur, s’enracinent dans la proximité de Pékin avec les services secrets pakistanais qui manipulent de groupes terroristes « animés par la haine de l’Inde pour l’agresser et lui infliger de sanglantes blessures ».

La suite de l’article détaillait les actions meurtrières pour lesquelles le groupe Jaish-e-Mohammed (JeM) a été classé dans les organisations terroristes liées à l’État Islamique par la résolution n°1267 du CS de l’ONU, tout en s’étonnant que Pékin refuse d’y ajouter son chef et fondateur Masood Azhar que les 4 autres membres permanents ont en revanche accepté d’inclure dans la liste.

Graves soupçons indiens.

Dans un autre article violemment accusateur, en ligne depuis le 21 février sur le site du Centre de recherche indien ORF, l’universitaire Ayjaz Wani explique que Masood Azhar est un des pions essentiels de la stratégie de Pékin pour éviter la bascule islamiste du Xinjiang.

Il ajoute qu’il est aussi l’homme de Pékin assurant la sécurité des investissements chinois dans le « Corridor pakistanais » des « nouvelles routes de la soie ». (Voir l’article cité plus haut sur l’implication de la Chine au Pakistan)

L’accusation d’une proximité chinoise avec un terroriste avéré à qui Pékin aurait confié la protection de ses intérêts au Xinjiang et au Pakistan, sent le soufre.

Elle jette une ombre sur la stratégie de Pékin en Asie du sud et la sincérité de sa lutte contre le terrorisme.

Enfin, pour Téhéran, aux prises avec les terroristes sunnites de Baloutchistan, le surgissement à ses portes d’un personnage aussi médiatique que le Prince héritier saoudien met à mal l’affabulation de neutralité de Pékin face aux querelles de l’Islam.

Références : Orfonline.org

Dans une de ses études, Wani qui ne nie pas les progrès de la coopération anti-terroriste entre New-Delhi et Pékin, exprime de sérieuses réserves : « Les mécanismes de coopération sino-indiens constituent certes un progrès bienvenu, mais d’importants différends subsistent sur la manière de résoudre le problème afghan. »

(…) « Alors que Pékin considère le Pakistan comme la solution du long terme, New-Delhi voit Islamabad comme le problème fondamental. La différence d’approche pourrait faire obstacle à l’approfondissement de la coopération entre les deux. Celle-ci restera limitée aussi longtemps que subsisteront ces divergences. S’ils veulent réellement combattre les racines du terrorisme international, l’Inde et la Chine doivent dépasser leurs intérêts particuliers et chercher un terrain d’entente. »

Mise à jour le 9 mai.

Après plusieurs années d’hésitations, nourries par la crainte de représailles terroristes contre ses projets au Pakistan, Pékin a finalement levé son veto à New-York et accepté l’inscription par l’ONU sur la liste des terroristes internationaux de Massood Azhar commanditaire de l’attentat qui tua 40 policiers indiens en février dernier et emmena islamabad et New-Delhi au bord d’une guerre ouverte.

Quant aux raisons qui motivèrent le changement de posture de Pékin, elles sont l’objet de conjectures qui tentent d’aller au-delà des postures diplomatiques.

Dans un éditorial du 3 mai, cité par Supchina, le South China Morning Post évoquait les pressions américaines dans le contexte de la guerre commerciale sino-américaine et la volonté chinoise de se rapprocher de New-Delhi pour l’attirer dans ses projets des « Nouvelles routes de la soie ».

Quoi qu’il en soit, il est probable que la décision chinoise de changer son fusil d’épaule et d’abandonner une position intenable, fut prise après des garanties offertes par Islamabad, lors de la récente visite à Pékin du premier ministre pakistanais Imran Kahn, le 25 avril dernier.


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