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Nouvelles tensions en mer de Chine du Sud

La piste d’aviation de Ferry Cross.

Les Mischief. Une intrusion chinoise dans la ZEE des Philippines

Récif de Ferry Cross que la Chine a remblayé pour y construire une piste d’aviation.

Après avoir observé pendant toute l’année 2014 les travaux chinois à l’ouest des Spratlys hors de sa ZEE, le 6 février 2015, Manille demandait par contre à Pékin de stopper ses aménagements sur les Mischief Reef, un autre ensemble de récifs à l’Est des archipels contestés, celui-là situé dans la zone économique exclusive des Philippines à 143 nautique de Palawan : « Nous appelons instamment la Chine à cesser ses travaux sur les récifs de Panganiban (nom philippin des Mischief) où, selon la Convention des NU pour le droit de la mer, seuls les Philippines peuvent autoriser la construction d’îles artificielles ou d’autres installations sur les récifs ou à leur voisinage. »

Pour Manille, les travaux effectués par la Chine constituent une violation flagrante de la déclaration sur le code de conduite signée par les pays de l’ASEAN en 2002 à Phnom-Penh.

Il est très probable que les activités entreprises par la Chine sur l’archipel des Spratlys soient une réponse directe à la plainte déposée par Manille contre Pékin au tribunal du droit de la mer en janvier 2013. Pour autant, s’il est exact que les travaux chinois sur les Mischief situés dans la ZEE philippine sont clairement une atteinte au droit de préemption de Manille, ceux sur les 5 ensembles de récifs à l’ouest des Mischiefs sont, en revanche, parfaitement légaux. Aucune des dispositions de la Convention sur le droit de la mer n’interdit en effet d’aménager des récifs en haute mer sous réserve que les travaux n’empiètent pas sur les droits des voisins.

Pékin rattrape son retard.

Par ailleurs, la Chine n’est pas la première à se livrer à des aménagements sur les îlots ou récifs qu’elle occupe. Après avoir en 1975 occupé de vive force les récifs de Southwest Cay (300 nautiques à l’est de Cam Ranh et 255 nautiques de Palawan) à l’extrême nord des Spratlys jusque là tenus par les Philippines, le Vietnam en avait considérablement modifié la structure en lui ajoutant des installations portuaires.

Sur l’île d’Itu Aba, les Taïwanais ont construit une piste d’aviation et ont entrepris d’augmenter les capacités d’accueil pour leurs navires de haute mer. Les Philippines ont également annoncé leur intention d’aménager un aéroport et un quai sur l’Île de Thitu (40 nautiques au nord d’Itu Aba). Après les avoir occupés en 1983, la Malaisie a entrepris des travaux sur les Swalow Reef (150 nautiques au large de Kota Kinabalu, capitale de l’État de Sabah au nord de Bornéo).

Enfin jusqu’aux travaux observés sur les récifs de Fiery Cross, la Chine était le seul parmi les États revendiquant les Spratlys, à n’avoir pas construit une piste d’aviation. Cette lacune logistique dans une région du monde où les distances sont considérables (6000 km entre le sud de la Chine et l’Ouest de l’Australie) est clairement apparue aux état-majors de l’armée de l’air et de la marine comme un handicap quand Pékin a participé aux recherches pour tenter de retrouver l’épave du vol MH 370 de la Malaysian Airlines disparu le 8 mars 2014 avec 239 passagers à son bord dont 154 Chinois.

…et transforme les récifs en îlots.

Sur les Mischief Reef la Chine entretient des installations permanentes à l’intérieur de la ZEE des Philippines.

Il reste que, pour mesurer les implications du soudain activisme du génie maritime chinois dans l’archipel contesté des Spratlys il est nécessaire replacer les nouveaux aménagements dans leur contexte de tensions régionales et dans celui de la demande d’arbitrage des Philippines et du Vietnam à la Cour Internationale de La Haye. Alors que les autres pays se contentaient de construire des infrastructures sans altérer notablement la géologie des récifs, la caractéristique essentielle des travaux chinois est qu’ils modifient considérablement la dimension des îlots et leurs structures.

Dans le contexte de l’arbitrage international en cours qui concerne, entre autres, la légitimité de la « ligne en 9 traits » chinoise revendiquant la presque totalité de la mer de Chine du sud, la remarque est importante puisqu’une partie des réfutations des avocats de Manille et de Hanoi repose sur le fait que, selon la convention du droit de la mer, un récif inondable ne peut pas générer de zone économique exclusive et encore moins des eaux territoriales. Les travaux chinois modifient donc les données géologiques de l’arbitrage, compliquent le travail de la Cour et diminuent la probabilité d’une conciliation.

Un avantage stratégique momentané…

Même sur les Mischief qui ne sont pas des récifs en haute mer partiellement immergés, mais bel et bien des îlots à l’intérieur de la ZEE des Philippines, la position chinoise n’est fragile qu’en apparence. Pékin pourrait en effet appuyer ses revendications sur les zones maritimes contigües générées par Itu Aba occupée par Taïwan elle-même revendiquée comme territoire chinois. Dans ce cas et en principe, la ZEE de 200 nautiques générée par Itu Aba engloberait la totalité des îles des Spratly occupées par la Chine y compris les Mischief.

Le cas des Mischief dont on mesure la complexité, devra cependant faire l’objet d’une demande d’arbitrage séparée puisqu’il est apparu après la première requête de Manille à la Cour de La Haye.

…porteur de tensions à venir.

On voit donc que la manœuvre de Pékin qui tente de prendre de vitesse l’arbitrage de La Haye tout en tirant profit de la complexité inextricable des situations pourrait d’abord placer la Chine en position favorable face à Manille et Hanoi au tribunal du droit de la mer.

Toutefois, la rapidité et la soudaineté des initiatives dans les Spratly, les bouleversements géologiques qu’ils induisent, l’absence de concertation avec les pays riverains dont l’obligation est inscrite dans les articles 74.3 et 83.3 de la Convention, surtout avant une importante modification des structures géologiques, renvoient tous à des comportements de nature à éroder la confiance dans les stratégies chinoises.

L’atmosphère de suspicion qui s’installe dans la région depuis le printemps 2014 handicape un peu plus la perspective de la signature d’un code conduite entre États riverains. Plus encore, après l’établissement en juillet 2012 d’un état-major divisionnaire sur Woody Island - Yongxing Dao en Chinois -, située dans les îles Paracel, les dernières extensions de la surface de 5 îles des Spratly au milieu de la mer de Chine du sud rapprochent l’éventualité jusque là considérée comme lointaine et hypothétique que Pékin exerce réellement son contrôle sur la plus grande partie de la mer de chine du sud.

Cette perspective qui atteint de plein fouet les intérêts américains et leur principe de liberté de navigation est porteuse de tensions à venir. Elle fondera la modernisation des marines de guerre de la région, accélèrera la course aux armements et affaiblira le discours chinois sur le règlement pacifique des différends.

Lire aussi : Mer de Chine. La tentation de la force.


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