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›› Politique intérieure

Pour l’appareil, « Noël » est une fête occidentale dont la célébration est à proscrire

Dans la partie la plus urbanisée de Chine, celles des grands centres de l’Est et du Centre, comme Shanghai, Xiamen, Canton, Chongqing ou Chengdu, les fêtes de Noël s’affichent à l’imitation de l’Occident, mais uniquement comme une occasion de faire des affaires.

Alors que le grand événement traditionnel chinois de la ferveur festive des grandes retrouvailles familiales est celle du Nouvel an qui, cette année tombe le 10 février, premier jour de l’année du Dragon, les arbres de Noël géants des centres commerciaux, ornés de lumières, de guirlandes et de coffrets cadeaux n’attirent les familles que par exotisme consumériste, comme la vitrine décorée d’un grand magasin.

Depuis vingt ans, au fil de la globalisation, des brassages de populations et des cultures, Noël 圣诞节 « Sheng Dan Jie – Littéralement fête de la sainte naissance - » et le Père Noël 圣诞老人 « Sheng Dan Lao RenLe Vieil homme de la sainte naissance  » avaient pourtant gagné en popularité.

Des traditions purement chinoises se sont même développées, témoins du vieux syncrétisme populaire d’assimilation, comme celle d’offrir, la veille du 25 décembre, des « pommes de la douce nuit – PingAn Ye 平安夜 - » dont l’appellation joue sur l’homophonie entre le Ping 苹 de 苹果 PingGuo (pomme) et le Ping 平 de 平安 PingAn, (apaisé) ». Au point qu’en Chine, la pomme enveloppée d’un papier cadeau est devenue le symbole de Noël.

Mais depuis une quinzaine d’années, le nationalisme exalté de l’appareil porté par des intellectuels confucianistes conservateurs qui stigmatisent « l’invasion culturelle occidentale » s’agace que des coutumes d’origine étrangère puissent, par osmose culturelle, se parer de l’apparence de rites chinois. A la fin de son premier mandat, Xi Jinping avait lui-même prôné la « renaissance de la culture traditionnelle. »

En arrière-plan se perpétuait la crainte que se propagent les « valeurs occidentales » démocratiques ou « universelles » de liberté de parole et de presse, la notion de société civile libre, en même temps que l’exigence de vérité historique, de transparence politique et d’indépendance de la justice, contre lesquelles Xi Jinping qui les jugeait menaçantes pour la pérennité du pouvoir du parti, avait lui-même mis en garde les cadres du Comité Central par sa « directive secrète nº9 » élaborée en 2012.

On notera au passage que quarante ans avant la fermeture politique radicale exprimée par la Directive nº9, Hu Yaobang, secrétaire général du Parti de 1982 à 1988, un des lointains prédécesseurs de Xi Jinping, limogé par Deng Xiaoping après cinq années à la tête de l’appareil, exprimait des convictions exactement inverses où prévalaient la défiance à l’égard des mensonges de la propagande et le souci de l’exactitude des faits (lire à ce sujet : L’obsédant héritage de Hu Yaobang).

En quête de sens.

Indice d’une certaine vacuité spirituelle et en même temps de l’émergence d’un conservatisme culturel 文化保守主义 dans une Chine depuis quarante ans à la recherche de performances purement matérielles, la quête de Xi Jinping avait aussitôt rencontré un écho dans l’opinion.

Dans un sondage effectué en 2017, à la question « Comment évaluez-vous le rôle de la culture chinoise traditionnelle dans votre vie quotidienne ? », 28,9% avaient répondu « très important », et 47,4% « important ». Seulement 3,5% jugeaient qu’elle n’avait pas d’importance.

La même année, toujours dans le cadre de la campagne « anti-Noël » paraissait un article préparé par l’appareil, rappelant que Noël était « une fête religieuse occidentale ». Surtout, il insistait sur les humiliations infligées à la Chine par les Nations occidentales au cours des XIXe et XXe siècles.

Aujourd’hui, certaines administrations provinciales publient régulièrement des injonctions prohibant la célébration de fêtes occidentales comme la Saint-Valentin, Pâques, Halloween ou même le 1er avril.

Parallèlement, en préparation de la période des fêtes de fin d’année, les médias ont été invités à ne rapporter aucune information liée à Noël, une célébration qui, selon le parti, véhicule un rappel indésirable des outrages historiques subis par la Chine bafouée par l’Occident.

Cette année encore l’appareil a interdit à ses membres et aux représentants du gouvernement de célébrer Noël, assimilant cette pratique à un « opium spirituel ».

Wang Huning, l’idéologue de l’appareil, nº4 du Comité permanent s’en est mêlé. S’adressant à la communauté chrétienne de Chine, une semaine avant Noël, il a, via Xinhua, rappelé l’exigence de « siniser » les religions étrangères en adaptant leurs dogmes aux « spécificités de la culture chinoise », autrement dit en respectant la prévalence souveraine absolue du Parti y compris dans la sphère spirituelle.

Enfin, le 24 décembre au soir, veille de Noël, affichant une claire volonté de se démarquer du message de paix universelle diffusé par la célébration chrétienne, le réseau public de télévision BTV Beijing Radio and Television Station - 北京广播电视台 -, exhortait les Chinois à se souvenir de la « bataille de Changjin. »


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