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›› Politique intérieure

Décès de Li Keqiang. Disparition d’un réformateur compètent et discret, marginalisé par Xi Jinping

Li Keqiang, 68 ans, l’ancien premier ministre en poste entre mars 2013 et mars 2023, est décédé le 27 octobre à Shanghai, des suites d’une crise cardiaque survenue le 26 octobre.

Technocrate brillant, sobre, travailleur et ambitieux remarqué par l’appareil, il était Docteur en économie de l’Université de Pékin et ses amis disent de lui que « contrairement à d’autres, il avait rédigé lui-même sa thèse » dont le sujet portait sur la modernisation des structures de l’économie chinoise.

Ses critiques soulignent en revanche que, nommé plus jeune gouverneur de Chine de la très pauvre province centrale du Henan en 1998 à 45 ans, il avait couvert un scandale du sang contaminé par le HIV propagé par des banques de sang illégales.

Les mêmes disent aussi qu’en dépit de sa filiation politique pragmatique et moins dogmatique, héritière des « Jeunesses communistes » à la suite de ses mentors Wen Jiabao et Hu Jintao, il n’hésitait pas à mettre sous les verrous les lanceurs d’alerte et à réprimer les manifestations.

Enfin, si on se souvient du rôle joué par quelques-uns de ses prédécesseurs comme Zhou en Lai (1949-1976), Zhao Ziyang (1980 -1987), ou Zhu Rongji (1998-2003), Li Keqiang était en théorie comme eux le 2e homme le plus puissant de Chine, en charge de l’économie.

En réalité, il a été durant ses deux mandats presque complètement éclipsé par le Président qui ne lui a laissé que de faibles marges de manœuvre.

Se plaçant lui-même à la tête d’un grand nombre de petits groupes dirigeants - 领导小组 Lingdao Xiaozu - du Comité Central dont certains furent créés par lui (Approfondissement des réformes ; Sécurité Nationale ; Intégration civilo-militaire ; Affaires taïwanaises ; Affaires étrangères ; Sécurité Internet ; Économie et finances), Xi Jinping a fait preuve d’une autoritarisme politique touchant toutes les strates du pouvoir depuis la haute administration jusqu’aux provinces, en passant par les grands groupes publics, les parlementaires et l’armée.

Exprimant une volonté inflexible de supervision et de contrôle, l’omniprésence du Président a fortement handicapé les initiatives libérales d’ouverture et de réforme de Li Keqiang visant à adapter la Chine à l’économie de marché.

Dans les dernières années de ses mandats, son pragmatisme, son souci de vérité et son attention dédiée aux plus faibles ont fortement déplu à Xi, agacé par la tendance de son premier ministre à s’inscrire en faux contre la propagande de l’appareil et sa propension à effacer les réalités.

Quelques exemples des polémiques avec Xi Jinping.

Rapportées dans notre article Xi Jinping et Li Keqiang à couteaux tirés ? Un défi à la résilience de l’appareil, elles décrivent une opposition de principe entre Xi Jinping et Li Keqiang, dont les effets ont, tout au long de l’année 2020, percé la surface opaque de l’appareil.

En janvier, en pleine crise Covid, la rumeur des réseaux sociaux vite effacée par la censure, notait que Li Keqiang, masque sur le visage, était en première ligne dans les hôpitaux de Wuhan, quand Xi Jinping restant à Pékin avait attendu le 10 mars pour venir y déclarer « la victoire » du Parti sur l’épidémie.

Deux mois plus tard, réagissant à la conférence de presse de Li Keqiang du 28 mai, lors de la réunion de l’ANP retardée de huit semaines pour cause de Covid-19, le bureau national des statistiques (BNS), pourtant à ses ordres, avait contesté son estimation de la pauvreté affirmant que 600 millions de Chinois avaient un revenu moyen d’à peine 1000 Yuan par mois (142 $) « même pas assez pour louer une chambre dans une ville de 2e rang. ». A quoi le BNS objecta que les 600 millions incluaient les retraités, ce qui faussait l’appréciation des revenus moyens.

Mais la remarque du premier ministre avait touché au cœur la partie de la population à bas revenus, tandis que les écarts de richesse et le retard des campagnes sont des réalités impossibles à cacher au milieu de la tourmente de l’aménagement du territoire à marche forcée. Lire : L’aménagement du territoire à marche forcée. Urbanisation, terres arables et « villages consolidés. ».

En juin 2020, une autre polémique avait surgi. Quand Xi Jinping, féru des belles apparences urbaines nettoyées sans aspérités, était hostile au désordre des marchands de rue, Li, y voyait les signes d’une vitalité commerciale et un potentiel économique. Prenant leur défense, il se souvenait en effet que Ren Zhengfei, PDG de Huawei et Jack Ma PDG d’Alibaba, deux entrepreneurs flamboyants de la Chine moderne, avaient commencé leur carrière en battant le pavé.

Sur le terrain, la querelle a, à quelques jours d’intervalle, provoqué un pataquès dont les effervescences se sont exprimées dans la presse officielle et à la télévision d’État où, aux ordres de Xi Jinping, fusèrent des critiques contre Li Keqiang.

A Dalian que Li Keqiang ancien n°1 du Liaoning (2005-2007) connaissait bien et à Yantai où il venait de faire l’éloge des vendeurs de rues, les autorités locales avaient tout juste levé l’interdiction des marchés de nuit, qu’un ordre venu de Pékin obligèrent les municipalités à les réinstaurer.

Sur les réseaux sociaux, le tête-à-queue n’était pas passé inaperçu. En général, les internautes prirent fait et cause pour Li Keqiang. « Il se passe quelque chose de bizarre » (…) « C’est décevant. On démonte la politique de terrain de Li Keqiang » (…). « La classe moyenne et les gens ordinaires ont le sentiment que Li s’intéresse plus à eux que le °1 ».


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