Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chronique

Purge féroce à Pyongyang. Pékin exaspéré

Une très hargneuse vindicte, difficile à décrypter.

Le 13 décembre, l’agence de presse officielle du régime KCNA publiait un long communiqué intitulé « le traitre Jang Song Thaek a été exécuté ». Le style et le vocabulaire de ce texte de 2700 mots sont un morceau d’anthologie des phraséologies totalitaires et répétitives sur « le hideux visage de traitres », mêlées de très puériles réflexions d’un égotisme vaniteux trahissant l’attachement maladif de Kim Jong Un aux marques de respect extérieures et superficielles.

Qualifié de « pourriture humaine et de plus grand traitre de tous les temps, pire qu’un chien, trois fois maudit », Jang était accusé d’avoir trahi la généreuse confiance de Kim Jong Il, d’avoir sérieusement corrompu le mouvement de la jeunesse manipulée par l’ennemi et d’avoir fomenté un coup d’État ralliant des opposants civils et militaires, après avoir dilapidé les ressources minières du pays et vendu à l’étranger pour 5 ans (ndlr : à la Chine) les terrains de la zone économique spéciale de Rason.

Kim le Troisième crédite son oncle d’une manœuvre machiavélique visant à précipiter le pays dans une catastrophe économique et financière pour, ensuite, distribuer largement des aides et apparaître comme un sauveur, ce qui lui aurait ouvert les portes du pouvoir. Pour faire bonne mesure, Jang, marié à Kim Kyong-hui la plus jeune fille de Kim Il Sung, était aussi accusé de corruption, de pornographie et de dépravation.

Plusieurs fois le communiqué exprime une mise en garde contre les éventuels traitres : « la lourde massue de la sentence délivrée par la colère du peuple s’est abattue sur la tête Jang, le contre révolutionnaire factieux, méprisable escroc carriériste ». Et plus loin « Le Parti, l’État et l’armée ne connaissent que Kim Il Sung, Kim Jong IL et Kim Jong Un. Ceux qui oseront défier l’autorité absolue de Kim Jong Un et douteraient de son lien sacré avec le Mont Paektu seront impitoyablement punis où qu’ils se cachent, au nom du Parti, du peuple et de la révolution. (ndlr : Le Mt Paetku est la montagne sacrée des Coréens et des Mandchous située à la frontière sino-coréenne).

Le spasme féroce suit une série d’autres limogeages sans ménagement par lesquels Kim Jung Un a, depuis près de 2 ans, mis à l’écart 5 des 7 fidèles les plus proches de son père, au Parti dans l’armée et dans les services de sécurité. Au total le Ministère de la réunification à Séoul estime que la purge aurait concerné une centaine de responsables civils et militaires.

Selon des informations transmises par des transfuges à Séoul, Ri Yong Ha et Jang Soo Kil, deux anciens officiels du Parti des travailleurs, proches de Jang ont également été exécutés. A leur mise à mort le coup grâce aurait été donné par Kim Jong Chul, le frère de Kim le Troisième, plus âgé, mais que son père aurait écarté parce qu’il le trouvait trop efféminé.

Toujours selon les transfuges, les deux frères seraient en permanence accompagnés par leur sœur Kim Yeo-jong (24 ans). Les trois donnent le sentiment d’une fratrie décidée à expulser les adultes, dans un schéma rappelant la révolution culturelle chinoise où les jeunes avaient terrorisé la nomenklatura du régime.

Mais il y a pire dans le registre cauchemardesque. Sans qu’il soit possible de confirmer l’information, le Wen Wei Bao (Pao) 文匯報 de Hong-Kong, héritier d’une publication fondée en 1938 avec une version Hong-Kong créée en 1948, connue pour être un relais du Parti Communiste Chinois qui l’utilise pour diffuser des informations sensibles ou iconoclastes, a, le 13 décembre, indiqué que Jang n’aurait pas été exécuté le 12 décembre, mais le 5, dévoré par des chiens avec lesquels il avait été enfermé dans un enclos. 300 personnes auraient assisté à la scène, dont Kim Jong Un et sa femme Ri Sol-ju.

Qu’il s’agisse d’une manipulation des services de renseignements chinois ou de la réalité, le simple fait que cette information ait circulé donne une idée des rapports exécrables entre la Chine et Kin Jong Un.

Perplexité des experts.

C’est peu dire que les experts sont perplexes face à cette transe vengeresse et sanguinaire. Contrairement aux purges précédentes où les dignitaires étaient discrètement écartés, elle expédie ad-pâtres, après une humiliation publique un homme lié par son mariage à la famille Kim et considéré jusque il y a peu comme le n°2 du régime.

Jang était aussi vice-président de la Commission de la Défense Nationale, directeur de l’administration du Parti des travailleurs et éminence grise respectée, considérée par les interlocuteurs de Pyongyang comme la figure fiable d’un régime, par ailleurs vu comme excentrique et versatile.

Surtout on s’interroge sur la signification de cette violente poussée de fièvre pour la stabilité du régime. Ralph Cossa, président du Pacific Forum du CSIS, note que, travaillant avec peu d’éléments concrets dans un brouillard opaque, les spécialistes de la Corée du Nord avancent des hypothèses exactement contraires.

Les uns expliquent que la manœuvre signale la prise de contrôle totale par un Kim Jun Un, suffisamment sûr de lui pour avoir osé abattre le mentor que son père lui avait choisi. Tandis que les autres estiment que l’épisode témoigne au contraire de sa dangereuse instabilité psychologique. Quoi qu’il en soit beaucoup d’experts anticipent que d’autres purges suivront. Le prochain sur la liste serait Ri Su Yong, nommé ambassadeur en Suisse en 1988, chargé de surveille Kim pendant sa scolarité à Berne.

Une opinion qui mérite attention est celle de l’Ambassadeur d’Allemagne à Pyongyang estimant que la faction dure de l’armée se sentait menacée par les partisans des réformes, dont Jang qui préconisait une coopération accrue avec la Chine, faisait partie. Pour l’Ambassadeur, la loyauté de l’armée à la famille Kim n’est pas garantie et la mort de Jang ne permettra pas à Kim le Troisième d’affirmer son pouvoir.

Certains s’inquiètent des futurs développements possibles dont quelques uns commencent à rappeler les scénarios catastrophes, où on envisageait un dérapage nucléaire, en général écarté par les plus optimistes.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Commission mixte scientifique 2024 : et après ?

Chine - France : Commission mixte scientifique 2024, vers une partie de poker menteur ?

A Hong-Kong, « Un pays deux systèmes » aux « caractéristiques chinoises. »

Chine-Allemagne : une coopération scientifique revue et encadrée

Pasteur Shanghai. Comment notre gloire nationale a été poussée vers la sortie