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Sommet des « Think tank » de l’Asie Pacifique à Taipei. Réflexion sur le soft power et la diplomatie taïwanaise de « substitution »

Le « soft power » taiwanais.

Les discussions d’ordre sécuritaire se sont couplées avec les questions économiques. Taïwan est un pays très développé disposant d’une économie puissante et compétitive. Mais l’Île souffre de la dépendance de son commerce avec la Chine, qui l’utilise à des fins politiques.

Afin de contrecarrer cette influence, Taïwan éprouve donc le besoin stratégique de diversifier ses débouchés économiques. L’administration de Tsai Ing-wen a remis au goût du jour la politique de l’ex-Président Lee Teng-hui visant à valoriser les échanges commerciaux avec l’Asie de Sud-Est, sous le nom de New Southbound Policy. D’où la présence au Grand Hyatt de nombreux intervenants originaires des pays membres de l’ASEAN.

Se différencier de la Chine, le soft power démocratique et la diplomatie des valeurs

L’inquiétude suscitée par la montée en puissance de la Chine en Asie-Pacifique crée pour Taïwan un terreau favorable.

C’est d’abord le cas des pays de l’ASEAN : un récent sondage indiquait que la Chine occupe la dernière place quant à la perception de sa participation à la paix mondiale (même si la Chine occupe la première place quant à la perception de sa puissance dans le monde). C’est ensuite le cas avec les pays occidentaux et les démocraties d’Asie du Nord-Est en ce qui concerne le partage de valeurs démocratiques.

Plus largement, Taïwan compte comme flèches à son arc son comportement pacifique à l’international et la nature démocratique de son régime a nourri à son bénéfice un important capital de confiance dans les autres pays de la région. Ces atouts, en net contraste avec la méfiance que la Chine inspire, permettent aux Taïwanais de tisser des réseaux officieux relativement solides avec des nations reconnaissant la Chine Populaire. Il reste à vérifier que les affinités que Taïwan cultive avec ses partenaires lui permettront de contrebalancer la dureté avec laquelle la RPC fait respecter sa politique de la Chine unique.

Justement, les interventions taïwanaises n’ont pas manqué d’exploiter à leur avantage les différences entre leur île et la Chine. Mme Tsai a d’ailleurs, dans son discours, sauf erreur de la part de l’auteur, appelé la Chine sans le préfixe « mainland » (« continent », pour Chine continentale) auxquels Taïwan faisait référence jusqu’alors. Ce petit signe permet de mesurer l’écart discrètement creusé par les Taïwanais entre eux et la Chine.

Pour viser la RPC et se différencier à l’international, la meilleure arme des Taïwanais est de vanter leur propre système politique, c’est-à-dire le respect des droits de l’homme et de l’État de droit, la maturité de la démocratie formosane, et la tolérance à l’égard de toutes formes de critiques constructives.

Durant le sommet, cette attitude s’est traduite par une série de rappels aux participants de ne pas s’imposer d’autocensure durant les discussions. Il fut également répété que la recherche en sciences sociales et les think tanks ne sauraient être efficaces qu’en étant libres de toute forme de pression gouvernementale. On comprend : à l’inverse de la Chine.

Les Taïwanais n’ont pas été les seuls à verbaliser leur attachement aux idéaux démocratiques, les autres démocraties de la zone leur ont emboîté le pas. Yoshiji Nogami [12], du Japan Institute of International Affairs (JIIA) a d’ailleurs pourfendu les tenants d’une vision trop « réaliste » des relations internationales pour lesquels l’action diplomatique des États ne saurait s’embarrasser d’idéaux politiques. Au contraire, pour ce dernier, un réseau d’alliance n’est résilient que s’il est supporté par un accord de fond sur des visions politiques communes, ce qui est le cas du partenariat actuel entre Taïwan et le Japon.

L’accent mis dans le discours d’ouverture de Tsai Ing-wen sur la cohésion des valeurs entre Taïwan et les démocraties mondiales tombe à point nommé alors que certains au Japon et en Occident sont partisans d’un accommodement politique avec la Chine sur la question de Taïwan et font le calcul incertain qu’il serait plus avantageux de satisfaire les désirs de Pékin plutôt que de se mettre les Chinois à dos pour longtemps. Mais comment savoir si l’appétit de la Chine ne sortirait pas renforcé d’un tel marchandage ? D’autres intervenants ont abondé dans ce sens, défendant une politique internationale qui ne sacrifie pas les petits au bénéfice des grands.

On le voit, le soft power taïwanais est donc bien performant dans sa capacité à se nourrir des soubresauts de la Chine voisine pour mieux s’en démarquer, mais ce n’est pas encore suffisant pour entraîner les autres acteurs à lui aménager une place internationale plus commode. En d’autres termes il est improbable que le sourire adressé par les autres pays d’Asie Pacifique à Taïwan se traduise par des actions diplomatiques concrètes, à cause du poids de la Chine et de la véhémence certaine de son opposition à l’égard de tout arrangement international en faveur de Taïwan.

On termine donc la conférence avec le sentiment que les postures amicales envers Taïwan ont un caractère largement cosmétique, et l’on n’oublie pas que la réalité des relations internationales force souvent les acteurs à s’accommoder d’une diplomatie imparfaite, nonobstant le bon esprit défendu dans les discours.

Ce qu’on retiendra de l’évènement

Vis-à-vis de Taïwan
Ce qu’il y a de plutôt négatif :

 L’évènement semble symptomatique de l’état de la diplomatie taïwanaise. Les Taïwanais peuvent se réjouir de la bonne entente affichée avec leurs partenaires officieux d’Asie-Pacifique, mais la portée ainsi que la publicité de ce genre d’évènement reste faible et adresse donc très partiellement le problème de la visibilité internationale de Taïwan.

 D’autre part, l’accent porté sur la vitalité de la démocratie taïwanaise n’est pas suffisant pour arracher plus de soutiens de la part d’alliés qui, même s’ils trouvent à Taïwan un intérêt stratégique, ne peuvent se permettre de s’aliéner la Chine pour autant. La volonté que ce genre d’évènement débouche à la longue sur des conséquences politiques significatives semble être un vœu pieux.

Ce qu’il y a de plutôt positif :

 Les participants originaires des pays de l’ASEAN se sont cantonnés à des commentaires d’ordre académique et se sont peu préoccupés de politique. Mais les commentaires étaient enthousiastes à propos d’une coopération économique approfondie avec Taïwan, signalant un accueil favorable de la New Southbound Policy de Tsai Ing-wen.

 Les participants originaires des pays développés et dotés de régimes démocratiques tels que les États-Unis, l’Australie et le Japon ont assuré leur sympathie à Taïwan et ont exprimé le souhait d’augmenter le nombre d’échanges académiques, économiques et sécuritaires avec l’Île. Le tout officieusement, bien entendu.

 L’évènement a pu rendre compte de la bonne santé du partenariat entre Taïwan et le Japon. Cependant, il semble clair que les Taïwanais devront se contenter d’une coopération indirecte avec le Japon, qui n’entend pas prendre le risque de froisser la Chine.

Plus généralement

 Les Asiatiques semblent faire plus confiance aux Américains qu’aux Chinois pour garantir leur sécurité. Ils ne semblent d’ailleurs pas convaincus par l’occurrence d’un futur bouleversement stratégique en Asie en faveur de la Chine, même si celle-ci est naturellement appelée à prendre plus de place dans le futur.

 Les Sud-Coréens se sont montrés extrêmement préoccupés par la situation en Corée du Nord. Ils regrettent que la marge de manœuvre sud-coréenne soit très limitée par les choix américains, par ailleurs confus.

 Il existe un fort consensus parmi les participants à propos de l’importance de multiplier les rencontres académiques telles que celle-ci afin de favoriser l’échange d’informations, de mieux conseiller les actions des gouvernements respectifs, et de renseigner les publics nationaux avec une information plus complète.

Note(s) :

[12Japonais, actuel président et directeur général du Japan Institute of International Affairs. Anciennement vice-ministre des affaires étrangères japonais et ex-ambassadeur au Royaume-Uni, ex-consul du Japon à Hong-Kong, et ambassadeur du Japon à l’OCDE à Paris.


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