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« Super Girl » et la société civile chinoise. Le dernier rêve de Guy Sorman

Que l’émission, qui suscite un engouement rassemblant « hors parti » un réseau virtuel de téléspectateurs anti-conformistes, ait retenu l’attention des organes de sécurité est une évidence dans un pays toujours politiquement sur ses gardes. Mais la « Super Girl » chinoise a surtout provoqué la jalousie de la chaîne centrale CCTV, excédée par l’audience de Hunan Télévision, qui a dépassé la sienne. Quant au succès de l’émission, il n’a probablement rien à voir avec la mise à bas des tabous sociaux, mais plutôt avec le fait qu’elle présente des gens normaux qui, au prix de quelques leçons de chant, peuvent devenir des « stars ». En somme la gloire et les paillettes à la portée de tous. Une recette qui, au demeurant, ne fonctionne pas qu’en Chine. Quant au niveau d’audience indiqué par l’auteur (400 millions de téléspectateurs et 25 millions de votants), il est probablement exagéré, mais difficile à contrôler. Les meilleures sources dans le milieux des médias chinois estiment l’audience de la « super girl » à 200 millions de téléspectateurs, ce qui, à l’aûne de nos taux d’écoute hexagonaux est déjà beaucoup. Souvenons nous aussi que dans ce genre de concours de chant, beaucoup de jeunes votent souvent plus d’une dizaine de fois chacun, en changeant leur carte de portable et leur numéro. Ce qui relativise un peu la portée des 25 millions de messages.

Avant de conclure sur la tragédie de Tian An Men, sujet bien réel, tragique et complètement tabou - mais dont il est faux de laisser entendre qu’il n’a pas servi de leçon et qu’il ne suscite pas de débat -, l’auteur abandonne le ton badin pour devenir féroce et faire aux dirigeants chinois une série de procès d’intention, laissant entendre qu’ils ont pris l’Etat chinois, la Chine et sa population en otage, sans se préoccuper de l’avenir du pays : la politique d’ouverture à l’Ouest et l’assistance promise aux plus défavorisés ne se fera pas dit Guy Sorman ; le système de soins en situation d’échec complet ne sera pas revu ; l’éducation indigente dans les campagnes ne sera pas amendée et la censure continuera comme par devant. S’il est en effet peu probable que le Parti relâche son contrôle sur le pays, les efforts pour les pauvres et les provinces de l’Ouest sont déjà avérés : En mars dernier, plus de 40 milliards de RMB (20 fois plus que l’année dernière) ont en effet été débloqués pour l’aide aux campagnes avec priorité à l’éducation, la santé et au lancement de systèmes d’assurances sociales. Depuis l’année dernière les paysans sont exonérés d’impôts et la mise en œuvre de cette mesure est contrôlée par de fréquentes inspections du pouvoir central.

En présentant la Chine de cette manière duale qui oppose d’un côté le PCC obtu, rigide et incapable d’évolution et de l’autre une société, dont l’effervescence s’exprime dans un language nouveau, auquel les caciques du pouvoir n’auraient pas accès, Guy Sorman prend le risque de voiler une partie de l’image et de donner une vision erronée de la réalité. Une partie des hommes aujourd’hui en charge de la Chine sont les héritiers du réformateur Hu Yaobang et ont appris les risques mortels des idéologies figées. A la suite de leur mentor Deng Xiaoping, protecteur de Hu Yaobang, ils connaisent les vertus du pragmatisme. Laisser croire qu’ils n’ont pas tiré les leçons du passé, y compris de Tian’anmen et de la chute de l’URSS, qui marquèrent l’époque de leurs premières armes dans les allées du pouvoir central, c’est faire peu de cas de leur expérience personnelle. C’est aussi ne compter pour rien les débats internes qui, à l’Académie des sciences sociales ou à l’ Ecole du parti - pour ne citer que ceux là - évoquent les grandes questions politiques qui obsèdent la Chine depuis la mort de Mao : séparation du Parti et de l’Etat, indépendance de la justice, élections libres, erradication de la corruption etc. Mais, dira t-on, pourquoi n’avance t-on pas dans ces directions ? On répondra encore : prudence et pragmatisme.


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Par Anonyme Le 28/08/2006 à 16h46

> « Super Girl » et la société civile chinoise. Le dernier rêve de Guy Sorman.

Je n’ai rien écrit sur la Chine dans L’Express ce qui relativise la valeur de la critique . En revanche , aprés des années passées en Chine , j’ai bien publié un livre assez gros L’année du Coq , Chinois et rebelles , Fayard ( 2006 ) . Il y est question de Supergirl mais pas que de cela.
Guy Sorman

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