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Tensions avec l’Inde. La version dure de la puissance douce

A la mi-janvier 2008, Pékin et New Delhi avaient échangé leurs bonnes intentions par un long document de 7 pages, exprimant la volonté des deux pays d’améliorer leurs relations dans tous les domaines. Le document marquait une évolution vers un apaisement prometteur de l’un des face-à-face les plus sensibles de l’Asie, entre deux puissances que la géographie, l’histoire, la culture et les systèmes politiques avaient toujours opposées.

Mais son caractère général et vague cachait assez mal la somme des contentieux qui s’ajoutaient aux méfiances et frustrations indiennes : déséquilibre commercial, querelles de frontières, alliance Pékin-Islamabad, dissymétrie d’une relation entre la Chine membre permanent du Conseil de Sécurité et l’Inde puissance nucléaire proliférante, contrainte de demander l’autorisation de la Chine au Groupe des Fournisseurs nucléaires (GFN) pour le développement du nucléaire civil. Sans parler de la présence sur le sol indien du Dalai Lama que Pékin considère comme un activiste politique animé par le projet de l’indépendance du Tibet.

Essentiellement promu par la Chine, consciente des tentations occidentales de New-Delhi, courtisée par Washington et plusieurs capitales européennes, le rapprochement était accompagné par les récentes visites en Inde des trois plus hauts dignitaires du régime chinois Hu Jintao, Wen Jiabao et Wu Bangguo, par des sessions d’un dialogue stratégique sur l’économie, dont le dernier, aux résultats mitigés, a eu lieu le 20 septembre et même par un exercice militaire conjoint, il est vrai de très faible ampleur, mais dont la symbolique contrastait avec les réminiscences arc-boutées héritières du conflit de l’automne 1962.

Sévères différends en Mer de Chine et sur les zones frontières contestées.

Aujourd’hui, près d’un quart de siècle après la première visite officielle en Chine de Rajiv Ghandi en 1988, toute cette architecture de concessions réciproques et d’apaisement, patiemment bâtie à coups de projets économiques, d’échanges officiels ou universitaires, dont cinq sessions d’un intéressant dialogue trilatéral entre New-Delhi, Pékin et Islamabad, semble très gravement menacée.

En octobre dernier, un éditorial du Quotidien du Peuple accusait Hanoi et New-Delhi de conduire « une politique dangereuse d’affrontement de la Chine » en Mer de Chine du Sud. Le journal faisait référence aux opérations de forage pétrolier par ONGC (Oil and Natural Gas Corporation), la compagnie nationale indienne, dans une zone contestée par le Vietnam et la Chine, à l’Ouest des Philippines et des Spratly, alors que le MAE chinois ne cessait de répéter ses mises en garde : « les compagnies pétrolières qui conduisent des explorations dans des eaux contrôlées par la Chine, sans l’accord de Pékin violent la souveraineté de la Chine ».

Récemment, le Global Times a même évoqué une riposte militaire : « ceux qui contestent la souveraineté chinoise doivent se préparer à entendre résonner le son du canon ». Une crispation qui laisse entrevoir l’ombre de l’APL derrière ces échauffourées nationalistes.

Les tensions, qui couvent déjà depuis plusieurs mois et pas seulement à propos de la Mer de Chine, conduisirent New-Delhi à annuler à la dernière minute la 15e rencontre entre les diplomates des deux parties, prévue le 28 novembre sur les différends frontaliers, suite à « des dissonances apparues au récent somment de Bali », selon le Times of India.

Déjà, l’Inde avait reporté un dialogue de défense avec Pékin en juillet, menaçant de ne jamais revenir à la table des négociations si la Chine continuait à traiter les demandes de visas pour la Chine des habitants du Cachemire indien d’une manière soulignant ostensiblement qu’il s’agissait d’une province contestée (le visa est agrafé au passeport et non collé directement).

La manœuvre s’inscrit dans une augmentation générale des pressions chinoises sur la question des frontières. Elle étend une pratique plus ancienne de Pékin, déjà en vigueur pour les visas des habitants de l’Arunachal Pradesh, brièvement occupé par la Chine après le conflit de 1962.

Durcissement de la position chinoise. Réaction de l’Inde.

Il fut pourtant un temps où les relations sino-indiennes étaient à l’apaisement. Après la crise des années 60 et 70 (conflit et révolution culturelle), les années 80 furent en effet marquées par un ajustement des positions chinoises, qui expliquaient que désormais les différends entre New-Delhi et Islamabad devaient être résolus de manière bilatérale par des négociations pacifiques sous couvert des Nations Unies.

Dans les années 90, Pékin continua à s’éloigner de la position pakistanaise et, en 1996, Jiang Zemin en visite en Inde, exprima clairement son appui à l’Inde. Lors des incidents militaires de Kargil, en mai juillet 1999, qui opposèrent New-Delhi à Islamabad, Pékin prit même fait et cause pour l’Inde, demandant officiellement le retrait des troupes pakistanaises de la ligne de partage entre les deux Cachemire. Tout cela n’a plus cours.

Depuis quelques mois la Chine fait mine de contester de plus en plus durement la souveraineté de New-Delhi sur les régions frontières. Pékin s’est en effet opposée à l’attribution d’un prêt de la Banque Asiatique de Développement destiné à financer des projets dans l’Arunachal Pradesh ; elle a protesté contre la visite du Dalai Lama dans la région le 8 novembre et même contre une tournée électorale du Premier Ministre pour les législatives. Mais, fait nouveau, l’Inde réagit du tac au tac.

New-Delhi s’est ainsi élevé contre le projet d’une centrale hydroélectrique de 7000 Mégawatts à Bunji et surveille la mise à niveau de l’axe Kashgar–Havelin au Pakistan par le Karakorum, tandis que le vice-chef d’état-major de l’armée de l’air indienne, le général Barbora, a évoqué la possibilité d’ouvrir des bases aériennes dans l’Arunachal Paradesh pour faire pièce à l’expansion des bases chinoises au Tibet. Enfin, en Mer de Chine, l’Inde a réaffirmé ses intentions de poursuivre les forages en dépit des mises en garde répétées de Pékin.


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