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Terres rares. Domination chinoise, menaces et contrefeux

La longue remise en ordre du secteur.

En Chine, la restructuration annoncée en 2010 qui, à l’évidence, cherche à contrôler les prix et à préserver la domination globale chinoise face aux ripostes, s’efforce aussi par les regroupements stratégiques organisés par l’appareil de réduire la férocité des compétitions internes, à la source des désordres.

Le 21 mai 2019, certains en Occident, reprenant les commentaires menaçants du Quotidien du Peuple qui, pour une fois n’avaient pas été repris par le Global Times, avaient analysé que la visite de Xi Jinping à une usine de fabrication d’aimants à Ganzhou dans le Jiangxi, province où cohabitent Minmetals Rare Earth et China Southern Rare Earth Group, était le signe prémonitoire de la réaction stratégique chinoise aux attaques de D. Trump.

Plusieurs voix s’étaient manifestées pour mettre en garde contre les conséquences sur les partenaires commerciaux japonais et sud-coréen d’une réduction brutale de la production par la Chine dont la réputation de centre de production fiable aurait pu être affectée.

En réalité, comme l’indiquait la présence aux côtés de Xi Jinping de Liu He, son ami d’enfance, membre du bureau politique, éminence grise de l’économie, l’inspection était surtout l’aboutissement d’une remise ordre de longue haleine, initiée sous la présidence de Hu Jintao, alors que Xi Jinping, n°5 du Comité permanent était aussi vice-président du Comité Central et vice-président de République.

Après une période d’extraction sauvage à bas coûts marquée par la destruction parfois irréversible de l’environnement, voilà en effet dix années que Pékin s’efforce de consolider l’extraction, la production, le commerce et l’exportation des terres rares en regroupant le secteur sous un nombre réduit d’entreprises d’État.

La fusion de trois leaders du secteur approuvé par l’exécutif crée le premier groupe mondial directement sous la coupe de l’appareil. Bien que ce dernier ne contrôle que 70% du secteur, la concentration qui réduit les grands acteurs de six à quatre vise à mieux ordonner une industrie traversée par de violentes variations de prix véritable casse-tête des utilisateurs en bout de chaîne, notamment ceux du secteur des aimants.

Un des acteurs, resté anonyme de Gangzhou Rare Earth, cité par le Financial Times le répète « Compte tenu de leur importance stratégique, nous ne pouvons laisser le marché déterminer combien devraient coûter les terres rares. Nous devons contrôler les coûts et reconstruire une chaîne de production stable et de qualité. »

Outre la maîtrise des prix notamment ceux des éléments clés que sont le dysprosium (aéronautique, disques magnétiques, alliages avec le titane, protection contre les rayons X) et le terbium (écrans, éclairage, radiographie médicale), l’autre objectif est la mise en ordre de bataille pour mettre le secteur en mesure de résister aux ripostes des sources alternatives de terres rares venant de Californie et d’Australie.

Compte tenu qu’hors de Chine, les efforts sont concentrés autour des éléments « légers » des terres rares (au faible n° atomique), le nouveau groupe chinois paraît vouloir se concentrer sur les éléments « lourds » (au n° atomique élevé) dont les prix étaient jusqu’à présent très volatils.

Difficile contrôle des prix et survivance des rivalités.

La manœuvre de maîtrise des prix pourrait cependant prendre quelques délais pour au moins deux raisons. Non seulement, le groupe Gangzhou Rares Earths sort à peine de six années d’arrêt de sa production pour mise aux normes environnementales, mais encore, le nouveau consortium ne contrôle pas toute l’activité du secteur qui, malgré le regroupement, reste partagé entre les mines privées, les entreprises publiques contrôlées par les pouvoirs locaux et les groupes publics d’État.

Récemment, un index des prix calculé par Baotou rare earths, une puissante féodalité que le gouvernement de Mongolie Intérieure cherche à la fois à aider et à contrôler, révélait une hausse de 40% en deux ans du prix des terres rares lourdes.

La situation internationale affecte aussi les prix. Les troubles politiques au Myanmar, un des principaux fournisseurs de terres rares à l’industrie de raffinage chinoise affectent la chaîne d’approvisionnement, provoquant en aval une forte incertitude sur les coûts de production et les ressources disponibles des investisseurs pour la R&D.

Tel est le contexte chinois des terres rares. Traversé par d’importantes vulnérabilités, il est aujourd’hui soumis aux contre-offensives venant des groupes privés de Californie et d’Australie.

La résurgence des concurrents anglo-saxons dont la mis en ordre de bataille sera cependant longue et difficile [2], est la conséquence directe des déclarations intempestives des nationalistes chinois qui croyaient pouvoir utiliser le secteur encore mal remis de longues années d’exploitation sauvage, comme une arme géopolitique en riposte aux agressions fiscales de Washington après l’élection de D. Trump.

Le 30 septembre 2021, contrairement à ses menaces de boycott, brandies au printemps 2019, le gouvernement chinois sous pression par la hausse de la demande industrielle en aval a relevé les quotas de production de 20% autorisant 168 000 tonnes contre 140 000 tonnes en 2020.

Il n’est pas anodin de noter qu’en 2021, le plus gros producteur avec un peu plus de 100 000 tonnes, hors regroupement, restait « China Northern Rare Earth », produit de la fusion en 2015 de Baotou opérant en Mongolie, avec plusieurs petites entités du secteur de la séparation chimique des terres rares.

La survivance après la fusion de deux groupements, l’un au sud et l’autre au nord, lui-même coté à la bourse de Shanghai et qui, en 2020, avait, avec le gouvernement local de Mongolie, rendu public un plan de modernisation qu’il estimait lui-même à 8,75 Mds de $, indique que les rivalités auxquelles l’exécutif dit vouloir s’attaquer sont loin d’être éteintes [3].

Note(s) :

[2Aux États-Unis, les société capables de raffinage et de séparation chimique des terres rares restent peu nombreuses. Celles qui existent n’ont que de faibles capacités.

[3A part China Northern, d’autres groupes d’État ont été laissés en dehors de la restructuration. Il s’agit de Xiamen Tungsten et Guandong Rare Earth Group, qui produisent respectivement en moyenne annuellement 3000 et 10000 tonnes de terres rares.


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