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Tirs croisés au « Shangrila Dialogue »

Les interstices de l’espoir…

La surface des choses indique donc un retranchement dangereux des positions et une préoccupante difficulté à dialoguer dans une séminaire aux contours d’ordinaire moins anguleux. Le cœur des frictions reste le caractère exorbitant des revendications chinoises en mer de Chine du sud. Pourtant en Chine même il existe des voix discordantes, il est vrai aujourd’hui plus discrètes, laissant entendre que Pékin pourrait à la longue aborder la question de la souveraineté avec plus de souplesse.

C’est le cas de Jin Canrong, doyen de l’Institut d’Etudes internationales de l’Université de Pékin, présent au séminaire qui évoque l’obstacle des pressions nationalistes internes interdisant pour l’instant tout assouplissement de la position de Pékin : « il faut donner du temps à la Chine. Elle modifiera sa position dans le futur ».

Autre observation suggérant que les positions sont moins tranchées qu’il n’y paraît : l’inventaire des discussions bilatérales en marge des réunions plénières semble indiquer que des interstices de négociation existent dans le mur apparemment opaque des crispations nationalistes.

Au demeurant, le seul fait qu’une rencontre bilatérale ait existé ou pas entre la délégation chinoise et les autres est déjà une indication de la stratégie de Pékin. Ainsi la délégation chinoise a rencontré en tête à tête les envoyés de Washington (le Secrétaire d’État Chuck Hagel et l’Amiral Commandant la Zone Pacifique Samuel Locklear) et ceux du Vietnam (le ministre de la défense Phung Quang Thanh et son n°2 Nguyen Chi Vinh).

Crispations anti-japonaises…

En revanche, Wang, installé dans un jeu de rôle clairement anti-japonais, a rejeté la proposition d’entretien du Ministre Japonais de la défense Onodera, soulignant de manière abrupte que « pour améliorer ses relations avec la Chine, le Japon devait corriger au plus vite ses erreurs ». En réalité, entre Tokyo et Pékin les querelles nationalistes compliquées à la fois par les réminiscences de la guerre et la tendance de Shinzo Abe à modifier la posture stratégique de l’archipel, sont à ce point exacerbées qu’une rencontre publique à ce niveau d’un envoyé de l’APL avec le n°1 de la défense japonaise est encore impossible.

…tempérées par le poids des relations d’affaires

Mais là aussi, la réalité est moins manichéenne. Durant la réunion des ministres du commerce de l’APEC à Qingdao, le 17 mai dernier, moins de 15 jours avant le séminaire de Singapour, Toshimitsu Motegi, le ministre japonais avait rencontré Gao Hucheng son homologue chinois avec, en arrière plan l’idée qu’en dépit des sévères frictions avec Tokyo, les relations économiques devaient être protégées.

Entre Pékin et Tokyo les difficiles tentatives de réparation se jouent donc ailleurs, sur le terrain économique et commercial où l’attitude chinoise envers le Japon est d’autant plus ouverte que Tokyo tente en dépit des souvenir douloureux laissés par l’armée nippone, de contourner l’influence de Pékin en Asie.

La manœuvre japonaise s’articule non seulement autour de l’explosion de ses investissements dans les pays de l’ASEAN en concurrence directe ceux des Chinois qu’ils dépassent largement, mais également autour de l’affirmation publique par Shinzo Abe du soutien accordé à Hanoï et Manille, assorti de la vente de patrouilleurs côtiers. (Lire notre article La Chine et ses voisins : sous la surface l’assurance fait place aux inquiétudes).

…Mais la rivalité stratégique entre Tokyo et Pékin ne s’effacera pas

Enfin dans cet enchevêtrement de postures parfois éloignées des intentions réelles, on perçoit que l’Asie de l’Est peine à dégager un concept de sécurité commun accepté par tous, capable de se libérer de la tutelle américaine.
Cette dernière est au contraire confortée par la rivalité entre Pékin et Tokyo.

Au séminaire, le général Wang qui s’est contenté d’énumérer les efforts d’apaisement et de négociation consentis par Pékin dans les conférences internationales et avec ses voisins, n’a pas repris l’idée émise par Xi Jinping à la Conférence de Shanghai sur les mesures de confiance en Asie d’une structure de sécurité purement asiatique, mais qui à l’évidence écarte le Japon, seulement observateur du forum de Shanghai.

Dans son discours d’ouverture du « Shangrila Dialogue », Shinzo Abe a en revanche présenté le Japon comme une des clés de la sécurité en Asie. Argumentant sur le « nouveau Japon », il a à la fois tenté de désamorcer les craintes de la montée du militarisme nippon attisées par Pékin et affirmé le respect rationnel par Tokyo du droit international, suggérant un contraste avec la Chine dont les revendications territoriales floues se référant à l’histoire, s’éloignent au contraire des considérations juridiques rationnelles.

Plus encore, alors que Xi Jinping a répété que la Chine recherchait une solution de sécurité purement asiatique, sans intrusion étrangère, Abe n’est pour l’heure pas en mesure de se désolidariser de son allié américain dont il juge la présence dans la région indispensable.

Sur la même ligne que le premier ministre japonais, le Secrétaire d’État Chuck Hagel a, lors de son intervention du 1er juin, une fois de plus énoncé un des points les plus irritants pour Pékin de la stratégie globale de Washington : « Les Etats-Unis ne fuiront pas de leur responsabilité quand les fondements de l’ordre international sont menacés ».

Pour la direction chinoise, cette vision de l’ordre mondial suspendue au jugement de la Maison Blanche n’est qu’un prétexte pour perpétuer l’influence des Etats-Unis dans la région et se mettre en travers de la montée en puissance de la Chine.

Photo Garde-côtes chinois et Japonais à proximité des îles Senkaku. Sur le fond, la rivalité stratégique entre le Japon et la Chine, attisée par les réminiscences de l’histoire et la connivence entre Tokyo et Washington, n’est pas prête de s’éteindre.


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