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›› Editorial

Xi Jinping en Birmanie. Rétablissement spectaculaire des intérêts chinois

ANNEXES (Suite)
L’histoire chaotique des Rohingyas

(Source : https://www.lefigaro.fr/)

C’est un peuple sans État. Les Rohingyas, dont l’ethnie est originaire de l’actuel Bangladesh, vivent depuis des générations dans l’ouest de la Birmanie. Ils sont musulmans, et leur religion est extrêmement minoritaire dans un pays pratiquant une intense foi bouddhiste. Privés de droits élémentaires, ils sont victimes de répression de la part de l’armée.

L’histoire commence au XVIe siècle. En Asie du Sud-Est, à cette époque, la notion de frontière n’existe pas telle que nous la concevons aujourd’hui. Les royaumes sont bâtis autour de grandes cités, dont l’influence se traduit par le contrôle des populations. Après une conquête, il n’est pas rare qu’une partie des vaincus soit déportée, non pour devenir esclaves, mais par souci de renforcer la population de la cité victorieuse et ainsi accroître son influence.

Les faits se déroulent dans l’Arakan, une bande de terre côtière baignée par le Golfe du Bengale et séparée du reste de l’actuel territoire birman par une haute chaîne montagneuse. Du XVIe au XVIIIe siècle, c’est la cité de Mrauk-U qui y exerce une autorité dominante. Son influence s’étend jusqu’à sa colonie de Chittagong, située dans l’actuel Bangladesh.

En 1644, Chittagong se révolte, tentant de s’affranchir de cette tutelle. Sans succès. La rébellion est matée. Près de 80.000 habitants sont déportés en Arakan. Afin d’empêcher toute tentative de retour, ils sont marqués au fer rouge. C’est sans doute l’un des premiers apports massifs de populations bengalies en Arakan : les chercheurs estiment que les déportés ne sont jamais retournés s’installer au Bengale, et ce même après la perte de la colonie de Chittagong par Mrauk-U, au profit de l’Empire moghol (XVIIe siècle).

La fin du XVIIIe siècle marque un changement majeur dans l’équilibre géopolitique de la région. Les terres situées au nord du fleuve Naf passent sous contrôle britannique, en 1760.

Le cours d’eau devient une frontière. Ce faisant, les Anglais établissent artificiellement une séparation entre le monde birman, asiatique, et le monde indien, autrefois franchie sans plus de question par les populations des deux bords. Une situation qui perdure aujourd’hui : c’est toujours la Naf que doivent franchir les Rohingyas fuyant la Birmanie moderne.

Au sud de ce fleuve, les choses changent également. En 1785, les Birmans annexent l’Arakan. Dans la tradition de l’Asie du Sud-Est, une partie de la population, environ 20.000 personnes, est transférée jusqu’à Amarapura, la capitale birmane de l’époque. Une partie des musulmans fuit une occupation qui semble avoir été particulièrement brutale.

Commence alors pour eux un exode continu vers le nord. En 1811, la ville de Cox’s Bazaar est créée, du côté de l’actuel Bangladesh, afin d’absorber ce flot de réfugiés. La cité fait également toujours parler d’elle, étant en première ligne pour accueillir les Rohingyas aujourd’hui.

*

Le XIXe siècle marque un nouveau chamboulement régional. L’empire des Indes britanniques annexe peu à peu la Birmanie. La conquête se termine en 1890. Dans l’ancien royaume d’Arakan, les Britanniques inversent le flux migratoire, encourageant l’installation de la main-d’œuvre bengalie, jugée plus apte à effectuer le travail des champs.

Cette main-d’œuvre est en grande partie composée de saisonniers qui rentrent chez eux une fois les mois de travail achevés. Mais le temps passant, la part de travailleurs décidant de s’installer croît, provoquant le mécontentement des populations de l’Arakan.

Les tensions s’exacerbent au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les Japonais envahissent le pays sous l’œil favorable d’un certain nombre de Birmans, qui y voient la possibilité de s’affranchir du colonisateur britannique. Un État birman fantoche est d’ailleurs créé par les Japonais entre 1943 et 1945.

(NDLR : Parmi ceux qui accueillirent d’abord favorablement les Japonais figurait le père d’Aung San Suu Kyi. Comme nombre de nationalistes, il voyait dans le Japon qui proclama l’indépendance de la Birmanie en 1943, le moyen de prendre ses distances par rapport au colonisateur britannique.

Au fur et à mesure de l’impopularité croissante des occupants (dont la victoire devient moins certaine), Aung San se rapprocha des Alliés et des mouvements communistes. Avec ces derniers il fonda l’Organisation anti-fasciste de Birmanie.

Finalement, se rangeant aux côtés des Alliés, le 27 mars 1945, il emmena ses troupes à se révolter contre les Japonais contribuant à les chasser de Birmanie.)

Durant ces troubles marquées par l’incertitude et les haines communautaires, des milliers de Musulmans furent tués sud de l’Arakan. En retour, les Bouddhistes furent massacrés au Nord. Les deux populations fuirent pour se réfugier dans des zones plus favorables, les Bouddhistes vers le sud et les Musulmans vers le nord, se concentrant dans les zones où vivent toujours les actuels Rohingyas.

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Après le retour de la puissance britannique en 1945, les Bengalis revinrent s’installer en Birmanie. L’indépendance birmane, en 1948, bouleversa à de nouveau l’équilibre de la région.

Les musulmans, assimilés à un effet pervers de la période coloniale, sont alors considérés comme des citoyens de seconde zone, même s’ils possèdent alors le droit de participer à la vie politique. Dans les années 1970 et 1980, le régime militaire va peu à peu les mettre au ban de la société, en en faisant des apatrides et en durcissant leurs conditions de vie.

En 1978, environ 200.000 Rohingyas se réfugient au Bangladesh. En 1992, plus de 230.000 supplémentaires franchissent le fleuve Naf. En 2012, après des violences communautaires, 140.000 prennent la fuite. Cet exil se poursuit au cours des années suivantes. Certains embarquent dans des navires de fortune, abandonnés par des passeurs peu scrupuleux, et se retrouvent ballottés entre divers pays, aucun État de la région ne souhaitant les accueillir.

Aung San Suu Kyi sur la sellette

Une nouvelle vague de migrations est en cours depuis 2016 après l’attaque de postes frontières birmans par des rebelles royinghas, et la sévère répression qui s’en est suivie. On estime cette fois que plus de 620.000 personnes ont passé la frontière en direction du Nord.

En 2017 Aung San Suu Kyi avait assuré que les forces de sécurité avait reçu des instructions pour éviter les dommages collatéraux et que des civils soient blessés lors de l’opération antiterroriste.

Elle avait en outre précisé que son pays était « prêt » à organiser le retour des plus de 410.000 Rohingyas réfugiés au Bangladesh voisin. « Nous sommes prêts à débuter la vérification » des identités des réfugiés, en vue de leur retour, a-t-elle assuré dans l’enceinte du parlement, à Naypyidaw, la capitale birmane.

Ce discours télévisé était très attendu après plus de trois semaines de troubles dans l’ouest de la Birmanie. Aung San Suu Kyi n’avait jusqu’alors que mollement appelé l’armée à la retenue et à épargner les civils. (source le Figaro : Birmanie : Aung San Suu Kyi prête à organiser le retour des Rohingyas.)


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