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›› Politique intérieure

Xi Jinping rénove le Parti, recentre son pouvoir et s’organise pour durer

Une vaste entreprise de rénovation du Parti.

Probablement plus à même que ses prédécesseurs d’imposer son autorité sur l’APL, Xi Jinping, photographié ici lors de l’ANP de mars 2015 avec les généraux Fan Changlong, vice Président de la CMC et Xu Qiliang, commandant l’armée de l’air et 2e vice-président, a entrepris d’éradiquer la corruption dans les armées et de redresser les dérives idéologiques qui spéculent sur la neutralité des armées dédiées à la Nation plutôt qu’à la défense du Parti. A la mi-juillet 2015, 33 généraux étaient en examen ou démis de leurs fonctions et condamnés. La « charrette » 2014, faisait suite au suicide de 3 généraux à l’automne 2014.

Depuis 2012 le Secrétaire général construit son autorité sur le Parti et sa capacité de riposte face à d’éventuels vents politiques contraires à partir de trois bases de pouvoir.

La première touche aux fondations mêmes de l’emprise de l’appareil sur la population : les secrétaires généraux des districts (Xian 县), dernier niveau des strates administratives, immédiatement au-dessus des cantons et des villages où tous les cinq ans ont lieu des élections locales ; la deuxième s’organise autour du pilier historique du régime qu’est l’APL ; la troisième, enfin se structure autour de personnalités à la loyauté sans faille qui portent le dernier projet de la « renaissance de la Chine » ou « rêve chinois » colonne vertébrale de l’action de Xi Jinping.

Consolider la base.

Le 1er juillet, jour anniversaire de la naissance du Parti Xi Jinping s’est fait présenter au Grand Palais du Peuple 102 secrétaires de districts choisis pour leurs excellentes performances de gouvernance locale parmi les 2800 en poste. L’exercice existe depuis 20 ans. Mais le lustre particulier que le n°1 du Parti lui a conféré montre qu’il a l’intention de reconstruire les soubassements du régime et ses liens avec le peuple jusque dans les endroits les plus reculés de Chine.

Le projet de rénovation du Parti par la base est en phase avec la décision rendue publique en juin 2014 par une dépêche de Xinhua qui annonçait le durcissement des critères de recrutement de l’appareil qui focalisera désormais son attention plus sur « la qualité que sur la quantité », après avoir constaté que les anciennes conditions d’adhésion, trop tolérantes, ne correspondaient plus, précisait Xinhua, « aux circonstances politiques auxquelles était confronté le pays. »

Assainir l’Armée Populaire de Libération et s’assurer de son soutien.

Le deuxième chantier politique entrepris par Xi Jinping pour assurer ses arrières concerne logiquement l’Armée Populaire de Libération consacrée en 1927 au-dessus des mêmes fonts baptismaux que la RPC et dont il faut se souvenir que la première des missions est de protéger la prévalence du Parti à la tête du régime.

Sans doute bien mieux armé que ses deux prédécesseurs pour s’imposer aux militaires comme le véritable chef des armées, le Président a entrepris : 1) de nettoyer les « écuries d’Augias » et de supprimer les mauvaises pratiques tolérées par ses prédécesseurs qui minent la capacité des forces ;

2) de maintenir la cohésion et le moral que la tourmente d’assainissement menace de fragiliser - 33 généraux sont actuellement mis en examen après l’arrestation peu avant sa mort du commissaire politique de l’APL Xu Caihou, tandis que, dernier « tigre » touché par la rafale nettoyeuse, n’est autre que le Général Guo Boxiong 73 ans, l’ancien premier militaire du pays et vice-président de la CMC à la retraite - ;

3) de s’assurer que les militaires restent bien fidèles au Parti et ne se laissent pas influencer par les idées occidentales sur la neutralité des armées dédiées à la défense de la Nation plutôt qu’à celle du Parti.

Enfin, la dernière des tâches auxquelles Xi Jinping s’est attelé sans faiblir consiste à réunir autour de lui un vaste réseau de fidèles adhérant sans faille au double projet de rénover le pays et de protéger le Parti des influences politiques étrangères néfastes.

…et construire un réseau d’allégeances au sommet.

Les personnalités ainsi préparées constitueront l’ossature du prochain Comité Permanent dont, à l’exception de Xi Jinping lui-même et du n°2 Li Keqiang, tous les membres actuels seront remplacés, à condition que les règles de mise à la retraite soient appliquées. La manœuvre est explorée en détail par Li Cheng, expert des arcanes politiques chinois et observateur minutieux des trajectoires de pouvoir des grands cadres du Parti. Elle est analysée dans une étude en 5 parties publiées dans China Leadership Monitor depuis janvier 2014.

De ce long travail on retiendra que le Président s’est constitué un réseau d’alliés dont les racines plongent dans l’histoire de son père Xi Zhongxun au Shaanxi (陕西) et se ramifient dans l’appareil grâce au canal des anciens secrétaires (mishu 秘书) de personnalités militaires et civils et des proches de Xi Jinping dans ses anciennes fonctions dans le Fujian et au Zhijiang. Quelques noms surnagent qu’il est important de garder en tête.

Aujourd’hui aux commandes : Yu Zhengsheng (président de la Conférence consultative, n°4 du régime en charge des nationalités et de la question de Taïwan) ; Wang Qishan Président de la Commission de discipline et cheville ouvrière de la campagne anti-corruption ; A ces deux anciens du Shaanxi qui sont la garde rapprochée de Xi, il faut ajouter trois généraux de haut rang également connectés par les mêmes racines géographiques : Chang Wanquan, ministre de la défense, Fang Fenghui, chef de l’état-major général, Liu Xiaojiang commissaire politique de la marine, gendre de Hu Yaobang et dont le père était un ami du père du président. Enfin dans la mouvance militaire on trouve la personnalité clé de Liu Yuan, fils de Liu Shaoqi, ami d’enfance de Xi Jinping, commissaire politique du département logistique, principal atout de Xi Jinping dans le nettoyage éthique de l’APL.

Dans la bureaucratie économique et financière surnage Liu He un autre ami d’enfance de Xi, licencié d’administration publique de l’Université John Kennedy. Proche de Zhou Xiaochuan président de la Banque Centrale et de Lou Jiwei, ministre des finances, il a été l’une des chevilles ouvrières du rapport de la Banque Mondiale China 2030 et occupe aujourd’hui le poste de n°2 de la CNRD. A ces réseaux s’ajoutent ceux liés aux anciens postes de Xi Jinping en province.

De l’époque où il était 1er secrétaire d’un district du Hebei, avant d’être choisi par Hu Yaobang pour être le vice-maire de Xiamen en 1985, Xi a connu Li Zhanshu. Aujourd’hui membre du politburo, Directeur du Bureau Exécutif du Parti et chef de cabinet de Xi, ce dernier, probablement promis aux plus hautes fonctions, est un sérieux candidat pour le prochain Comité permanent. Dans la même logique, le général Zhao Keshi, patron de la logistique militaire et Huang Kunming ancien n°1 de Hangzhou et actuel n°2 de département de la propagande avaient été des proches du président au cours de ses postes dans le Fujian. Eux aussi sont sur une trajectoire qui les conduit au bureau politique.

Si on limite la description des réseaux à ceux des membres de l’appareil dont la carrière politique pourrait s’accélérer en amont du 19e Congrès et ultérieurement, on distinguera : Zhao Leji, membre du Bureau Politique et actuel patron du département de l’organisation, ancien n°1 des provinces de Qinghai et Shaanxi. Confident de Xi Jinping, il a, en tant que responsable des mutations de l’appareil, récemment promu quelques uns des membres du clan du Shaanxi tels que le nouveau maire de Tianjin, Wang Dongfeng natif de Xian ; le nouveau gouverneur adjoint du Shaanxi, Yao Yinliang dont toute la carrière s’est déroulée dans le Shaanxi ; Jin Junhai, ancien directeur de la propagande du Shaanxi pressenti comme adjoint au département de la propagande à Pékin et enfin Jiang Zelin, ancien vice-gouverneur du Shaanxi et tout nouveau directeur du secrétariat du gouvernement.

En plus de Li Zhanshu et Zhao Leji, Li Cheng énumère, en y mettant nombre de réserves liées aux incertitudes politiques, les autres candidats possibles au sommet du pouvoir. Il s’agit de Han Zheng, l’actuel n°1 à Shanghai, Huan Kunming et Liu He, déjà cités, Ding Xuexiang natif du Jiangsu, ancien SG de la municipalité de Shanghai actuel n°2 de secrétariat du Comité Central, He Yiting, n°2 de l’Ecole Centrale du Parti.

L’analyse met aussi en évidence la dichotomie politique du pouvoir entre les proches conseillers pour les questions économique et sociales et ceux en charge de l’idéologie, proches de l’Ecole Centrale du Parti. Si les premiers comme Liu He, He Lifeng, adjoint à la CNRD ou le jeune Fang Xinghai, n°2 du comité exécutif de la bourse de Shanghai sont les fervents promoteurs des réformes économiques, les seconds tels He Yiting, Huang Kunming ou Li Shulei sont les avocats de la reprise en main idéologique du pays. C’est en particulier He Yiting qui fut la cheville ouvrière des admonestations marxistes adressées à l’Académie des Sciences Sociales.

*

Enfin, au moment ou commence à se poser la question du renouvellement politique du pays, préparé par une très sérieuse cure morale ponctuée d’efforts pour améliorer le recrutement et le fonctionnement du Parti, le tout assorti d’assez sévères coups de barre idéologique et éthique, deux interrogations sur l’avenir à court et moyen terme restent entières :

1) Le branlebas déclenché par Xi Jinping pourrait ne pas être suffisamment efficace pour résister à d’éventuels mouvements politiques adverses provoqués par la longue cohorte des intérêts acquis retranchés dans nombre de centres de pouvoir conservateurs tels que les administrations locales, la CNRD, les banques et les groupes publics, tous vigoureusement secoués par les réformes en cours. Sans compter la liste des humiliés par les campagnes de délations contre les corruptions ;

2) La fermeture politique qui privilégie le collectif harmonieux à la perturbation des remises en cause risque de créer un état d’esprit à l’exact opposé de celui nécessaire aux innovations si indispensables pour la poursuite du « rêve chinois ».


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