›› Politique intérieure

Wang Qishan, Président de la Commission de discipline du Parti, artisan déterminé de la lutte contre la corruption : « Nous ne soignons que les symptômes pour gagner du temps. Nous devons mettre au point une thérapie pour traiter les problèmes de fond. »
Récemment ont eu lieu en Chine deux événements majeurs de politique intérieure. Aucun des deux n’est une surprise. D’après l’agence Xinhua dont le compte rendu des faits est comme toujours imprécis dans cette zone, le 28 juillet au Xinjiang, dans le district de Shache (莎车县 ou Yarkant en dialecte local) 100 km au sud-est de Kashgar, « des douzaines de Han et de Ouïghours ont été tués ou blessés dans un affrontement entre la police et des hommes armés de couteaux qui ont également brûlé ou endommagé plus de 30 véhicules de police. »
De cet événement que les autorités chinoises rangent dans la catégorie des actes terroristes, les associations expatriées de Ouïghours aux États-Unis et en Allemagne donnent des versions différentes. D’après elles, des Musulmans de la région de Shache se révoltaient contre la répression anti-ramadan et des récents abus de la force dans la région. Selon ces sources le nombre de tués ou de blessés au bilan des affrontements serait proche d’une centaine.
Le lendemain 29 juillet, on apprenait que le Parti avait officiellement mis en examen Zhou Yongkang, ancien n°9 du Comité Permanent du Bureau Politique et ancien président de la Commission des lois du Comité Central, en résidence surveillée depuis décembre 2013 sans que la machine politique du régime ait jusqu’à présent officiellement communiqué sur cet épisode hors norme de la lutte anti corruption. De nombreuses sources très fiables affirment que l’affaire est aussi liée à une bataille politique interne contre la mouvance résiduelle des adeptes de Bo Xilai à quoi s’ajoutent la lutte contre les féodalités des grands groupes et le nettoyage des ramifications mafieuses et criminelles, Zhou lui-même étant accusé d’avoir assassiné sa première épouse alors qu’il était Secrétaire Général du Sichuan de 1999 à 2002.
Nombre de commentaires rappellent que la mise en accusation publique d’un personnage de cette envergure n’a pu avoir lieu sans l’accord des caciques du régime à la retraite dont Jiang Zemin et Hu Jintao, les deux ayant accepté de briser le tabou non dit de l’immunité des anciens retirés des affaires. C’est probable, mais il reste que si la version criminelle et sordide des accusations se confirmait, elle aura facilité le saut dans l’inconnu de la Commission de discipline du Parti.
Tout comme les épisodes de l’affaire Bo Xilai, commencée avec la fuite de Wang Lijun, le chef de la sécurité de Chongqing au consulat américain de Chengdu au printemps 2012, suivie par la révélation de l’assassinat d’un consultant anglais par Gu Kalai l’épouse de Bo Xilai, avaient débouché sur l’éviction rapide du Parti du n°1 de Chongqing suivi de son procès public.
Lire notre article Zhou Yongkang, la chute.
L’obsession de sécurité et de stabilité contre la société civile.
Le lien que pour l’instant le Parti ne semble pas faire du moins publiquement, entre la violence au Xinjiang et la mise en accusation officielle de Zhou, est que l’insécurité croissante aujourd’hui observée au Xinjiang dont les racines plongent dans des frustrations politiques et sociales, peut-être attisées par des ramifications terroristes agitées par l’Islam radical, pourrait aussi avoir été enflammée par la brutalité des répressions instaurées par Zhou Yongkang à son arrivée aux affaires de la sécurité publique en 2003.
S’il est un homme qui ne comprenait pas la nécessité d’une interaction du pouvoir avec la société civile, principal moyen d’apaiser les tensions, c’était bien l’ancien chef de la sécurité du régime, obsédé par l’exigence de « stabilité » et la prévention, puis la mise sous le boisseau à tous prix de toutes les protestations.
Plus largement, la chute de Zhou renvoie à la fois aux pratiques des cadres qui, se croyant protégés, s’estiment au-dessus des lois et à la très embarrassante contradiction politique entre l’État de Droit et le « dogme dirigeant du Parti ».