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›› Politique intérieure

Stabilité sociale, liberté d’expression et droits des particuliers

NOTES de CONTEXTE

Censure de la presse. Luttes internes.

Au cours des 10 premiers jours de janvier, la province de Canton a été le théâtre d’une nouvelle péripétie de la lutte entre la plus brutale censure et les tenants de l’ouverture de la presse.

Elle a été marquée par une forte condamnation des censeurs par l’opinion publique, avec cependant des échauffourées entre partisans de la liberté et conservateurs qui traitèrent les journalistes du Nanfang Zhoumou 南方周末 (Sud Magazine) de « traitres. »

Le 3 janvier, un éditorial du journal qui appelait le Parti au respect de la constitution a, sans préavis ni négociation avec les journalistes, été censuré par la Commission de Propagande de la province aux ordres de Tuo Zhen, et remplacé par un article à la gloire des réalisations du Parti.

Il s’en est suivi une semaine de conflit, ponctuée par une grève du journal, des échanges d’arguments sur weibo, des pétitions de soutien venant de Hong Kong et Taïwan et la démission, le 9 janvier, par solidarité – mais refusée par le Parti - de Dai Zigeng, 戴自更, l’éditeur des Nouvelles de Pékin (appartenant au même groupe de presse que le Nanfang Zhoumou).

Ce dernier protestait contre l’injonction de la Commission Centrale de la propagande, supervisée par Liu Yunshan, n°4 du régime, ancien chef de la propagande et placé à la tête du secrétariat du Bureau Politique (lire Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 2e Partie) de relayer un éditorial du Global Times en faveur de la censure (cf. plus bas).

Le journal a reparu dans les kiosques le 10 janvier après, dit-on, plusieurs signes d’apaisement envoyés par Hu Chunhua, le nouveau Secrétaire Général de la province de Canton qui initia une invitation de plusieurs média, parmi les plus activistes, à prendre le thé et organisa lui-même la médiation entre son administration et le journal. Une des concessions accordées par Hu fut que Tuo Zhen, le responsable à Canton de la propagande serait relevé de ses fonctions.

Toutefois la tendance à la censure n’a pas été éradiquée loin de là. Le 10 janvier, deux reportages traitant des captations de terres et de réformes politiques ont été retirés des exemplaires du journal distribués à Shanghai. Tandis que le journal renvoyait à un article du Quotidien du Peuple réitérant que le contrôle de la presse restait un principe de base inébranlable du Parti, 党管媒体是不可动摇的基本原则 « mais qu’il était nécessaire d’ajuster les méthodes de censure à l’air du temps ».

Ces péripéties mettent à nu le fonctionnement parfois indiscriminé et sans nuances de la censure. Elles sont un coup porté à l’exigence de secret du Parti, qui entend continuer à contrôler la société sans apparaître dictatorial.

En ces temps de mutation rapide de la société chinoise, elles sont, à elles seules, emblématiques des rivalités en cours au sein de la machine du Régime, entre la tendance au contrôle strict de la société, et celle prônée par Yu Jianrong, d’une nécessaire marge de manœuvre, sous peine, rappelle Yu, d’accident politique interne.

Le Tibet sous la botte.

S’il est un exemple tragique du contrôle policier rigide et sans nuance dénoncé par Yu Jianrong, c’est bien le Tibet, où en dépit des efforts de développement consentis par le régime, la population n’adhère pas au projet de Pékin de siniser complètement la province autonome. Sans surprise, l’alourdissement des contrôles policiers provoque de considérables effets pervers qui pourraient mettre le Parti en difficultés.

Selon l’AFP, le 13 février, un moine tibétain âgé d’une vingtaine d’années s’est immolé par le feu dans un restaurant à Katmandou, terrifiant les touristes présents.

C’est la 100e immolation (dont 84 ont conduit à des décès) depuis que la vague des sacrifices a commencé en 2009. Récemment, Lobsang Sangay, 43 ans Docteur en droit, diplômé de Harvard, élu le 27 avril 2011 Premier Ministre du gouvernement tibétain en exil, a dénoncé la responsabilité du gouvernement chinois et appelé l’attention de la communauté internationale sur la situation de la province autonome.

« Comme il n’existe aucune liberté d’expression pour la moindre forme de protestation au Tibet entièrement militarisé par les Chinois, les Tibétains sont hélas contraints de s’immoler par le feu pour exprimer leurs revendications ». L’entourage du Dalai Lama en exil à Darhamshala a plusieurs fois appelé les Tibétains à ne pas recourir à la solution extrême du suicide par le feu.

Récemment, le Népal, qui dépend de l’aide économique chinoise, a été placé sous la pression de Pékin pour mettre sous le boisseau les protestations politiques de la communauté tibétaine en exil. Depuis quelques années, les Tibétains qui passent illégalement la frontière ont été systématiquement rapatriés en Chine. Depuis 1998, c’est le 3e suicide d’un moine tibétain en exil. Les deux derniers étant survenus en 2012 et 2013.


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Par Caligula Le 23/02/2013 à 22h15

Stabilité sociale, liberté d’expression et droits des particuliers.

La répression exercée par le régime n’est-elle pas une fuite en avant ?

Car sur le plan économique, même si une baisse sensible a été enregistrée suite à la crise, les voyants sont au verts. Hors, l’économie ; ou plutôt son absence ; a été un des facteurs de la chutte de l’URSS. Reste le facteur humain, et là force est de constater que la libéralisation, partielle, de la société amène des changements dans les mentalités qui paraissent ne pas avoir été prises en compte par le pouvoir. D’où la fuite en avant.

N’y a-t-il pas comme un antagonisme entre d’un côté la modernisation des institutions, la hausse du niveau de vie, la prise en compte de l’environnement, l’ouverture au reste du monde, internet...et de l’autre le gouvernement qui réagit, quelquefois, comme un régime autoritaire ?

N’y a-t-il pas, non plus, un trop grand nombre d’intermédiaire entre le bureau central (siége des décisions), et les éxécutants (de ces décisions) au sein des différentes provinces, sans parler des cantons ?

Et l’armée dans tout ça ? Est-elle vraiment tenue par le pouvoir ?

Je sais, cela fait beaucoup de questions, mais c’est un sujet (la Chine) que j’aime bien...

Salutations.

Par François Danjou Le 24/02/2013 à 10h47

Stabilité sociale, liberté d’expression et droits des particuliers.

Merci de vos encouragements et merci aussi d’avoir corrigé la coquille, restée en ligne en dépit de nos relectures. Vos questions touchent au fond des choses. Partout, en France aux Etats-Unis, comme en Chine, les esprits évoluent moins vite que le nombre de téléphones portables.

Et un affichage de modernité, comme on la voit dans de nombreuses parties de la Chine de l’Est et de plus en plus ailleurs, n’est pas forcément le gage d’une plus grande souplesse du pouvoir, surtout quand celui est prisonnier de la rémanence des intérêts acquis, dont les ramifications descendent jusqu’aux administrations provinciales et locales.

Cette question renvoie à la cohérence entre le Centre, les provinces, les préfectures, les districts et les villages, dont, parfois, les intérêts divergent. Les cadres locaux abondent leur budget, souvent insuffisant - et parfois ils en profitent pour arrondir leurs finances privées -, par des captations de terre ou des collusions avec des projets lucratifs polluants, qui provoquent une instabilité sociale et politique, aggravée par Internet.

Cette observation touche à plusieurs autres questions, dont la première est liée aux ressources financières de l’Etat, elles-mêmes bridées par les intérêts acquis et encore par l’idéologie. Elle est liée à des questions sensibles comme celle des taxes à la propriété, toujours taboue dans un schéma politique qui se réclame encore du communisme, aux impôts des forteresses protégées que sont les grands groupes publics et aux vieilles habitudes encore mal corrigées de gaspillage du capital et du travail, dont il est essentiel d’augmenter la rentabilité.

En effet, plus la société chinoise évoluera vers les exigences de qualité de vie et celles d’un meilleur développement individuel, plus il deviendra urgent que l’Etat consacre des moyens financiers aux questions sociales et à l’éducation – il a commencé à le faire depuis plusieurs années -, ce qui réduira les ressources disponibles pour alimenter l’ancien schéma de développement, articulé autour des investissements publics et de l’export.

Dans un contexte où la ressource de main d’œuvre se contracte, il est aussi indispensable de rehausser la rentabilité du travail ce qui suppose un bon qualitatif général, sans oublier de porter attention au monde agricole, en cours de bouleversement par l’exode rural. Certains en Chine estiment que ces mutations vers la modernité ne seront possibles qu’au prix d’une réforme politique.

Alors que d’autres craignent que la remise en cause des anciens schémas de pouvoir, et en particulier celui du contrôle de l’appareil judiciaire par le Parti, portent en elle le risque considérable d’une rupture sociale et politique. Telle est, très sommairement exposée, la racine des débats en cours au Parti, qui, ici comme partout, se doublent de querelles de personnes et de clans.

S’agissant de l’APL, en dépit des augmentations très régulières de son budget, aujourd’hui estimé à 140 Mds de $, rien ne dit qu’elle ait réussi à se placer en position de force politique. S’il est vrai qu’en Chine comme ailleurs, les militaires agitent souvent la fibre nationaliste, et donnent volontiers des leçons de rigueur et de patriotisme, leurs organisations, et d’abord la CMC, sont elles-mêmes traversées par de graves symptômes de corruption et de népotisme.

Celles-ci ont d’ailleurs été rappelées par le n°1 du Parti Xi Jinping, qui a pris le contrôle de la CMC dès sa nomination au poste de SG, ce qui tranche avec le schéma précédent, où Jiang Zemin était resté 2 ans à la tête des armées, après sa retraite politique. Une habitude néfaste, héritée de l’époque Deng Xiaoping, qui brouillait le fonctionnement normal du pouvoir. Cette seule incidence ne plaide pas pour l’hypothèse d’un renforcement de l’influence de l’APL, au contraire. Enfin, sans qu’il s’agisse d’un argument décisif, on peut remarquer que la représentation de l’APL au sein du nouveau Comité Central issu du 18e Congrès, est restée stable autour de 17%.

Mais il est évident qu’un flottement du pouvoir politique induira mécaniquement un regain des critiques venant de l’APL, sur la rigueur publique, l’arbitraire social, les déséquilibres du développement, et - sujet tabou entre tous – la séparation du Parti et de l’armée. Sans oublier bien sûr les opportunistes – mais c’est une constante des humains - qui pourraient tirer profit des dissensions civilo-militaires, pour promouvoir leurs carrières.

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